Le repos pas comme les autres de Vaclav Havel
« Je n'entrerai plus, directement, dans la politique, » dit Vaclav Havel dans les pages de l'édition de cette semaine de l'hebdomadaire Respekt. On vous présentera les grandes lignes de cet entretien en y ajoutant une information sur un nouveau centre multiculturel, Carrefour de Prague, reconstruit par les soins de la fondation Vision 97 que l'ex-président tchèque gère avec son épouse, Dagmar...
« Nous étions le pays le plus conservateur de tous les pays communistes, notamment à cause de l'occupation de la Tchécoslovaquie en 1968 qui a fait que les communistes « illuminés » ont dû quitter le parti. Si, pendant une vingtaine d'années, cela bouillonnait dans les autres pays communistes, chez nous, c'était l'inertie totale. Bref, la situation dans notre pays était différente, elle était pire... En revanche, elle avait un certain avantage : le discours « réformateur» dans l'esprit de la « pérestroïka» n'avait plus aucun attrait, chez nous ».
A l'époque, le premier voyage officiel de Vaclav Havel l'a mené en Allemagne. Il explique les motifs de ce choix qui, pour certains, était surprenant.
« Jaruzelski en Pologne, un communiste en Hongrie, Waldheim en Autriche ; aller à Moscou aurait été une répétion des rites de l'ancien régime : en fait je n'avais pas d'autre choix... Et puis, j'ai voulu présenter notre pays en Occident. Les politiciens occidentaux sympathisaient avec nos dissidents, il est vrai, mais nous étions pour eux en même temps de drôles d'individus, des contestataires par définition... Et j'ai tenu à souligner que les relations tchéco-allemandes ont toujours été très importantes et qu'elles le seront toujours. Même au sein de l'Union européenne ».Comment allez-vous ? A cette question qui n'est pas une simple question de courtoisie, compte tenu de l'état de santé fragile de l'interrogé, Vaclav Havel répond :
« En fait, ça va. Mais je suis plutôt mécontent de la vie que je mène. J'espérais aller vivre à l'écart, lire des ouvrages intelligents, écrire. Mais j'ai tellement de devoirs et de tâches à accomplir. Je ne choisis que ceux qui sont très importants, toutefois je n'arrive pas à me concentrer comme je le souhaiterais. Je n'ai rien écrit de vraiment concis, depuis bien longtemps. »
Pourquoi Vaclav Havel n'écrit-il pas davantage pour la presse ?« Je ressens une certaine lassitude. En tant que Président, j'avais à écrire beaucoup de choses, je rédigeais un texte presque chaque week-end. Aujourd'hui, je réagis parfois pour me défendre quand on dit des mensonges à mon adresse ou bien en commentant tel ou tel événement, surtout quand il s'agit d'une actualité internationale... Par ailleurs, force m'est de constater que je me suis trompé en croyant que j'allais pouvoir dire tout ce que je voulais, une fois avoir quitté le poste présidentiel. Le poste d'ancien président est définitif et ainsi donc je suis obligé d'être assez prudent dans mes déclarations ».
Côté santé, Vaclav Havel dit se sentir assez bien tout en ajoutant qu' « il ne sera plus jamais un homme vraiment sain ». C'est avec la même sérénité qu'il déclare qu'il n'aspirera plus jamais à une fonction publique, en dépit de plusieurs propositions venues de l'étranger notamment, qu'il a refusées poliment.
Les activités actuelles de Vaclav Havel sont liées, aussi, au « Carrefour de Prague », nouveau centre multiculturel et spirituel situé dans les espaces de l'ancienne église Sainte-Anne de Prague, désacralisée sous l'empereur Joseph II, et rénovée par les soins de la fondation Vision 97, gérée par les époux Havel. Iva Bittova que vous venez d'écouter est l'une des artistes qui s'y sont produits dans le cadre du projet « Rêves tchèques ». Très heureux de l'aboutissement des travaux de réhabilitation du site, qui ont commencé il y a 7 ans, Vaclav Havel a récemment présenté les objectifs du Carrefour de Prague.« Nous voulons que le Carrefour de Prague devienne un haut lieu de rencontres intéressantes, qu'il abrite conférences, débats, concerts, spectacles, méditations, happenings. La rénovation de l'espace n'est pas encore complètement achevée, mais celui-ci peut d'ores et déjà servir à différentes exhibitions et manifestations. Le Carrefour se propose en outre d'être un centre muticulturel, un lieu de confrontation de divers courants culturels, spirituel et civilisateurs qui apparaissent dans le monde d'aujourd'hui. »
Et pour terminer, le regard de Vaclav Havel que l'on sait avoir soutenu l'intervention en Irak, sur la situation dans ce pays.« Mon avis n'a pas changé... S'il existe un dictateur qui extermine sa propre nation, le monde n'a pas le droit de l'observer tranquillement. Pour cette raison, je me félicite que l'on ait liquidé Saddam. L'argument selon lequel il aurait menacé l'Amérique par les armes est en revanche une erreur de la politique des Etats-Unis... Mon argument à moi, c'est que Saddam était dangereux pour les Irakiens et par leur intermédiaire à tout le genre humain... Je souhaite que le pays évolue vers une certaine démocratie. Ce serait une grande expérience pour le monde arabe ».
Et Vaclav Havel de conclure que selon lui, le monde sans Saddam est décidément meilleur et plus sûr.