Le requiem du défi - Verdi à Terezin

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Le requiem de Verdi joué dimanche dernier à Terezin, là où des prisonniers juifs enfermés par les nazis l'avaient déjà interprété à seize reprises, dans des conditions inhumaines... Un concert exceptionnel, organisé dans le cadre du festival du Printemps de Prague, avec l'orchestre et les choeurs de l'Université catholique de Washington DC.

Murry Sidlin,  photo: CTK
Une manière pour le chef d'orchestre américain Murry Sidlin de rendre hommage à Rafael Schaechter, le chef d'orchestre à l'origine de cet incroyable défi pendant la guerre, dans une prison à ciel ouvert à l'intérieur de laquelle des dizaines de milliers d'hommes, femmes et enfants ont trouvé la mort ou ont été internés avant d'être déportés vers les chambres à gaz.

C'est par hasard que Murry Sidlin a découvert l'histoire du requiem de Terezin. Juste après cette découverte, dans un livre où quelques lignes lui sont consacrées, Sidlin se met en quête de survivants ayant côtoyé Schaechter:

« J'ai commencé à les rechercher parce que je voulais en savoir plus sur cette histoire. Et Edgar Krasa, qui est assis au premier rang aujourd'hui, m'a raconté qu'ils travaillaient comme des esclaves pendant la journée puis répétaient une fois la nuit tombée, malgré les maladies et la faim. Ils devaient préparer le requiem de Verdi en l'apprenant par coeur parce qu'il n'y avait qu'une seule partition. »

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Quelques extraits du témoignage d'Edgar Krasa, ainsi que de quelques rares autres survivants était diffusés sur un écran derrière l'orchestre. Pour lui, le chef d'orchestre et co-détenu Rafael Schaechter a contribué à sauver la vie de plusieurs d'entre eux :

« Je pense que 24 heures par jour, il aidait les gens à oublier le malheur. Cela nous a donné de la force pour continuer ; quand nous chantions dans le choeur nous voulions également transmettre un message aux Allemands. Ils ne l'ont pas entendu jusqu'à la dernière représentation... Pour nous, c'était un acte de défi, on ne pouvait pas les combattre par la force, mais les défier de la sorte. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un souvenir, mais voir ce requiem donné ici à Terezin... à la fin j'étais bouleversé. »

A la fin du concert, pas d'applaudissements. Un à un, les membres du choeur, les musiciens et le chef d'orchestre ont quitté la scène, pendant que le public observait une minute de silence en hommage à toutes les victimes de Terezin et à tous ceux qui ont trouvé la force de chercher dans la musique un moyen de résister contre la barbarie.

Lili Vovasova avait 14 ans lorsque Rafael Schaechter lui a proposé de chanter dans son choeur, décîmé à plusieurs reprises par les décès et déportations. Venue à Terezin dimanche depuis Israël, celle qui s'appelle aujourd'hui Edna Amid se souvient de la seizième et dernière représentation, que les SS ont réclamée pour montrer à une délégation de la Croix-Rouge internationale comment les Juifs étaient bien traités:

« Dans ce requiem on chante 'Libera me' - libère moi, et je pense que c'était la forme de protestation choisie par Schaechter. A l'époque, j'étais trop jeune pour comprendre, mais maintenant c'est clair dans mon esprit. Il a payé de sa personne puisqu'il a ensuite été déporté et assassiné. Moi aussi, j'ai été déportée vers Auschwitz puis Freiberg et, après de longues souffrances, à Mauthausen, où on a enfin été libérés. »

Le livre de Josef Bor qui relate l'histoire de Schaechter et de son requiem, intitulé Le Requiem de Terezin, vient d'être réédité en France par les Editions du sonneur.