« Le roi ivrogne » Venceslas IV et l’art de son temps exposés au château de Prague

Venceslas IV, photo: Jan Gloc/Pražský hrad

Une exposition consacrée au fils et successeur de l'empereur Charles IV, Venceslas IV, et à l'art sous son règne troublé, s'est ouverte à aux Ecuries impériales du Château de Prague le 16 août dernier. L’exposition cherche à réhabiliter un roi mal considéré par l’Histoire, soumis à une situation politique et économique difficile.

Venceslas IV,  photo: Jan Gloc/Pražský hrad
Apathique, paresseux, plus intéressé par la chasse et l’alcool que par ses obligations royales, en un mot : incompétent. Tel est le portrait qu’a dressé l’historiographie tchèque de Venceslas IV dit « l’ivrogne », bien loin de la grandeur de son célèbre père Charles IV. Après 40 ans d’un règne chaotique, il meurt soudainement d’une crise cardiaque le 16 août 1419, laissant son royaume en proie à une grave crise politique qui mènera aux guerres hussites.

Pourtant, le Château de Prague a décidé de faire de la date anniversaire de sa mort, survenue il y a précisément 600 ans, le jour de lancement d’une exposition consacrée à son règne.

Mais pourquoi rendre hommage à un roi au bilan si désastreux ? Tout d’abord parce que le jugement de l’Histoire est particulièrement injuste envers un souverain certes pas à la hauteur des événements, mais surtout soumis à une conjoncture beaucoup plus difficile que celle connue par son père, comme l’a rappelé Jaroslav Sojka, directeur de l’exposition :

Photo: Markéta Kachlíková
« L’époque de Venceslas IV était très conflictuelle. Il y a eu le grand schisme d’Occident, des problèmes politiques, le roi de Bohême a été fait prisonnier deux fois. Donc c’est une période de chute de la royauté, un prélude aux guerres hussites. Mais il reste de cette période une forme d’art d’une réelle beauté. »

L’époque est effectivement troublée, les famines se multiplient, la peste qui avait jusqu’à présent épargné la Bohême se répand et ravage le pays, la situation internationale se dégrade et le roi doit faire face aux velléités de sa noblesse qui entend récupérer l’influence perdue sous Charles IV. Mais, en parallèle, l’art gothique se transforme dans le royaume de Bohême pour donner naissance au « beau style », mis en avant par l’exposition :

« Le style gothique à l’époque de Venceslas IV et du gothique flamboyant, disons entre 1380 et 1420, était caractérisé ici par le ‘krásný styl’ (le beau style). Nous avons donc ici notamment de nombreuses ‘belles madones’, de belles draperies, mais aussi des exemples de la belle architecture de l’époque, avec de magnifiques tours. C’est la raison pour laquelle nous avons au milieu de notre exposition ce pastophorium de la chapelle de Saint-Wenceslas où étaient rangées les hosties. »

Photo: Markéta Kachlíková
L’expression « beau style » est peu utilisée en français qui préfère parler de « gothique international » pour évoquer cette phase du gothique tardif qui se propage dans toute l’Europe. Elle se caractérise par une recherche de la beauté et de la sensualité via des tons plus vifs, des représentations humaines plus fines et une plus grande attention accordée à la nature.

L’exposition évoque principalement la contribution tchèque au « beau style » sous Venceslas IV et notamment les œuvres qui étaient alors visibles à la cour du roi. Les visiteurs peuvent ainsi voir de magnifiques exemples de sculptures, de peintures, de manuscrits enluminés ou de reliquaires présents dans le royaume de Bohême. Afin d’être le plus exhaustif possible, Jaroslav Sojka et son équipe ont pu obtenir des œuvres de grande valeur venus de différentes collections étrangères :

Photo: Markéta Kachlíková
« Plusieurs institutions étrangères ont partagé avec nous leur collection pour cette exposition. Personnellement le prêt qui m’a fait le plus plaisir vient d’un musée de Dresde : il s’agit d’une corne à boire dont Venceslas IV s’est apparemment servi. Nous avons aussi une selle prêtée par le MET de New York et sur cette selle danoise sont inscrites les initiales de Venceslas et de Sophie de Bavière, la reine de Bohême qui a soutenu Jan Hus jusqu’à son voyage vers Constance. »

D’autres œuvres étrangères sont également exposées, comme la splendide Madone de Kruzlowa venus du Musée national de Cracovie ou la Crucifixion de la chapelle de Dumlose issue du Musée national de Varsovie.

L’exposition est malheureusement exclusivement légendée en tchèque mais cela n’empêche pas de profiter de la beauté des œuvres, jusqu’au 3 novembre 2019.

https://www.hrad.cz/cs/kultura-na-hrade/program/cesky-a-rimsky-kral-vaclav-iv-11831

Photo: Irina Ručkina