Le rôle de la Radio tchécoslovaque dans l'insurrection nationale
Le 5 mai 1945, l'insurrection nationale contre l'occupant nazi éclatait à Prague. Retour, avec des historiens et un participant direct, sur les événements d'il y a 61 ans...
« Nous appelons la police, les gendarmes, tout le peuple tchèque : venez en aide aux insurgés, venez tous à la radio, les Tchèques y sont massacrés. »
La radio a joué un rôle central dans l'insurrection: elle est devenue le centre des combats et la principale source d'information sur le déroulement des actions. Près de 30 000 Tchèques ont répondu à ses appels. Plus de 1600 barricades ont été dressées dans Prague. L'insurrection a précipité de plusieurs jours la fin de la guerre et sauvé fort probablement, Prague vouée, selon le plan nazi ARLZ, à la destruction. Lorsque, le 9 mai, l'armée rouge est entrée dans Prague, elle a trouvé une ville déjà libérée par ses propres forces. La capitulation a été signée la veille, le 8 mai 1945, par le général Toussaint, commandant des armées allemandes.
Quels ont été les moments décisifs ayant déclenché l'insurrection ? une question à laquelle Tomas Jakl de l'Institut d'histoire militaire de Prague répond :
« Du point de vue technique et historique, c'était un télégramme que le ministère des transports du Protectorat a fait distribuer dans les gendarmeries, les bureaux de poste et les stations de chemin de fer et où il était dit que l'allemand en tant que langue officielle du Protectorat était supprimée. La direction d'occupation allemande l'a démenti, mais la nouvelle s'est entre-temps répandue sur l'ensemble du territoire. Les Tchèques ont commencé à arracher les inscriptions allemandes à et hisser les drapeaux tchécoslovaques. »
La frustration accumulée dans le pays occupé a également joué un rôle. Durant les six années de guerre, pratiquement depuis l'été 1939, la société vivait dans l'attente du moment où l'Allemagne s'écroulerait militairement. Et ce moment est venu lorsqu'on a appris qu'Hitler s'est donné la mort. La résistance a éclaté spontanément, personne n'a donné l'ordre aux insurgés. Anciens soldats démobilisés, officiers de l'armée gouvernementale, gendarmes mais surtout beaucoup de jeunes hommes, scouts, pas du tout entraînés, ont opposé une résistance aux occupants. Parmi ces jeunes hommes, il y avait Libor Suslik. Il a accouru à la radio, après avoir entendu son appel. La situation était bien confuse, dit-il :
« Difficile de dire qui a dirigé les insurgés. Au début c'était toujours le plus courageux et le plus résolu parmi nous. J'ai été dans un groupe qui a essayé de pénétrer à l'intérieur du bâtiment de la radio par une porte d'ascenseur, en haut, sur le toit. Nous sommes montés avec échelles et de cordes. Nul ne connaissait la situation à la radio, où se trouvaient les escaliers, les studios, les employés tchèques et allemands... En plus, une puissante garnison SS y était implantée. On peut dire que les pompiers et leurs lances à eau nous ont sauvés. Au moment décisif, ils ont aveuglé par des jets très forts les SS qui nous attendaient en bas. Pris au dépourvu, ils ont obéi à nos ordres : Hände hoch, et c'est ainsi que les négociations sur la capitulation de la garnison implantée à la Radio ont commencé. »
Une aide aérienne aux insurgés était prévue. Dans l'intérêt de qui était-il de l'empêcher ? On écoute Jiri Rajlich de l'Institut d'histoire militaire :« La conception d'aide aérienne à l'insurrection armée était de date ancienne, mais seulement au mois d'avril 1945, l'inspecteur des forces de l'air tchécoslovaques en Grande-Bretagne a convenu avec le commandement allié suprême de la participation de la 312e escadrille de l'aviation tchécoslovaque aux combats armés. Il ne faut pas oublier que nous n'étions pas les maîtres de l'aviation tchécoslovaque qui était incorporée à la direction de la RAF avec tout ce qui en résultait. Et les Britanniques ne devaient pas opérer en direction de la Tchécoslovaquie, mais du nord de l'Allemagne vers Hambourg. Lorsque l'insurrection a éclaté, les pilotes étaient sur le point de partir. Quinze minutes avant de décoller ils ont reçu l'ordre de ne pas intervenir. Le commandant Janousek qui négociait à Reims de leur déploiement y a appris de l'existence de la ligne de démarcation convenue entre-temps entre les directions américaine et soviétique. »
Quatre-ving neuf hommes et femmes ont trouvé la mort dans les combats pour la radio. Une plaque commémorative à l'entrée du bâtiment rappelle leurs noms. Libor Suslik, participant direct aux combats, confirme qu'il y avait une immense volonté de combattre, d'en finir les six années d'occupation : Munich, la terreur déclenchée par Heydrich, Lidice, toutes les souffrances subies. Aucun des combattants n'a hésité à apporter le meilleur dont il était capable.