Le théâtre prend la parole
Du 31 mai au 2 juin ont eu lieu à Prague les Journées de la dramaturgie et du théâtre français. A cette occasion, je me suis entretenu sur la perception et la présentation du théâtre français en République tchèque avec Daniela Jobert, une des organisatrices de ce petit festival. Daniela Jobert, enseignante à la faculté du théâtre à Prague, entretient et encourage depuis des années les contacts entre les théâtres français et tchèque. Elle a aussi traduit en tchèque plusieurs pièces d'auteurs français.
Jadis, le théâtre français était très connu et très célèbre dans le monde. Quelle est sa situation aujourd'hui, et comment le théâtre français est-il reçu et perçu en République tchèque?
"Si vous regardez dans le programme des spectacles, vous vous apercevez qu'il y a effectivement des auteurs qui sont joués, il y énormément d'auteurs qui viennent plutôt du secteur privé. C'est-à-dire qu'en France, comme en Angleterre, comme partout, il y a le secteur privé et le secteur public, ou subventionné. Les auteurs qui sont joués chez nous viennent principalement du secteur privé, que ce soit Eric Emmanuel Schmidt, Jean-Claude Carrière ou Yasmina Reza. Donc, c'était aussi l'une des raisons pour lesquelles nous organisons ces Journées du théâtre français : proposer un autre regard sur la création contemporaine, pas seulement sur ce qui est connu ici, donc ce secteur privé qui est sans doute plus abordable pour nous, pour notre sensibilité, pour nos spectateurs. Il y a effectivement une autre partie qui n'est pas du tout connue, qui est très différente, qui est beaucoup plus intellectuelle, plus difficile d'approche, mais que, justement, nous avions envie de faire découvrir."
Pouvez-vous encore citer quelques noms des auteurs qui sont joués en République tchèque?
"En Tchéquie, il y a, par exemple, Koffi Kwahulé, qui est d'origine africaine et qui a été mis en scène justement ici à la faculté du théâtre par les étudiants de la quatrième année dans le cadre de leur études. Il y aussi Bernard-Marie Koltès, qui est parmi les plus connus ici, même s'il a eu pas mal de problèmes à percer sur les scènes tchèques. Par exemple, au théâtre Cinoherni klub à Prague, on joue toujours son "Retour au désert", et les Tchèques ont eu la possibilité surtout de connaître sa pièce "Roberto Succo", qui, en gros, est la seule reprise régulièrement par les théâtres tchèques."
Vous travaillez à la faculté du théâtre, mais vous êtes aussi traductrice. Est-ce que vous avez traduit des pièces françaises en tchèque?
"En fait, c'est principalement ça que je traduis, ce qui m'intéresse. J'en ai traduit quelques-unes. C'est vrai que pour l'instant je travaille plus pour me faire plaisir, par exemple les pièces de Koltès que j'ai traduites. Je l'ai fait pour me faire plaisir, tout au début. J'ai traduit aussi deux pièces de Marguerite Duras que l'Institut du théâtre voulait publier, mais là, on a eu un petit problème avec une maison d'édition française qui avait du mal à comprendre que dans notre pays il n'y pas de grands éditeurs de pièces de théâtre, de textes dramatiques et que, seul, à l'époque, l'Institut du théâtre pouvait se charger de la publication de ce texte, parce que notre public de lecteurs est beaucoup plus petit que le public de lecteurs de pièces de théâtre en France."
Quelles pièces de Koltès avez-vous traduites?
"Pour l'instant, ce sont vraiment des traductions de travail. C'est surtout 'Dans la solitude des champs de coton' que je considère comme le sommet de son écriture. J'ai traduit aussi 'Quai Ouest', 'La nuit juste avant les forêts' et, en plus, deux petits textes qui s'appellent "Tabataba" et 'Coco', piécettes de quinze minutes chacune qui sont de temps en temps représentées à Prague. Elles vont êtres publiées maintenant par l'Institut du théâtre de Prague. Sinon, dans le cadre de ces Journées de la dramaturgie et du théâtre français contemporain, la maison d'édition 'Vetrne mlyny' publie le premier volume d'une anthologie de textes dramatiques français dans laquelle vont paraître justement trois textes d'auteurs contemporains français, Philippe Minyana, Daniel Lemahieu, que j'ai traduit, et Xavier Durringer. Nous espérons pouvoir sortir d'autres volumes de cette anthologie et présenter un peu plus d'auteurs, parce que, justement, il y a beaucoup de matière. Il faut, certes, bien choisir des textes quand même plus au moins adaptés aux spectateurs tchèques, aux possibilités et aux exigences du théâtre tchèque, mais il y a beaucoup de matière et nous aimerions continuer cette initiative."