Le trésor de Bánov, témoignage de l’important relais commercial de la Moravie à l’âge du fer
Découvert en 2017 par un particulier, le trésor de Bánov, du nom d’une bourgade en Moravie du Sud, vient de faire l’objet d’un article dans la revue scientifique Journal of Archeological Science : les chercheurs estiment que ces objets du VIe siècle avant notre ère ont appartenu à une femme de haut rang dans la société d’alors, membre de l’élite contrôlant une partie de la route de l’ambre, reliant la Baltique à la Méditerranée et dont la Moravie était un jalon incontournable.
Ce n’est pas le trésor de la dame de Vix, mais le dépôt de Bánov ne s’en est pas moins révélé riche en enseignements pour les chercheurs de l’Institut archéologique de l’Académie des sciences à Brno, de l’Université Palacký d’Olomouc et de l’Université Charles à Prague. Il aura fallu six ans de recherches pour que l’équipe interdisciplinaire chargée de son étude puisse livrer ses conclusions sur une découverte immédiatement reconnue comme exceptionnelle dès sa mise au jour.
Jaroslav Bartík, de l’Institut archéologique de l’Académie des sciences à Brno, détaille ce qui a été retrouvé dans ce dépôt :
« Une grande partie de ce trésor, ou plutôt de ce dépôt, est composé de vestiges d’apparat féminin : plusieurs agrafes en bronze, deux bracelets en bronze, des bijoux de cheveux, deux paires de boucles d’oreille, une aiguille en bronze ainsi qu’une bague. »
La majeure partie de ces objets se trouvait dans un récipient en céramique, aux côtés d’une hache en bronze, le tout ayant été ainsi enseveli sous terre dans le cadre d’un dépôt rituel. Outre ces riches artefacts, les fouilles ont aussi mis au jour plusieurs centaines de perles :
« Outre ces bijoux en bronze, le dépôt contenait aussi deux cercles en fer, probablement destiné à fermer une ceinture en cuir. Mais ce qui reste unique dans cette découverte, ce sont les perles d’ambre : on en compte environ deux mille et il s’agit donc de l’ensemble d’ambre préhistorique le plus important jamais mis au jour en Tchéquie. Il y avait en outre plusieurs dizaines de petites perles de verre. »
Les chercheurs pensent que ces perles ont dû avoir composé un grand collier mais aussi été intégrées à une large ceinture en cuir, autant d’indices témoignant du fait que tous ces objets ont probablement appartenu à une femme de haut rang dans la société d’alors.
La datation révèle une période entre 575 et 550 avant J.-C., soit la fin du premier âge du fer. Nous sommes dans la culture de Hallstatt, qui précède la période dite de La Tène. Cette culture archéologique est née précisément en Europe centrale, dans les régions de la Bavière, de la Tchéquie et du nord de l’Autriche actuelles, et est considérée comme le berceau de la culture celte qui essaimera plus tard partout en Europe. Au VIe siècle avant notre ère, la Moravie était la principale région de transit de l’ambre de la Baltique vers la Méditerranée : le long de cette route dite de l’ambre, un important commerce de troc était pratiqué, ce que montre bien le trésor de Bánov :
« Le plus intéressant dans cette découverte, c’est bien entendu tout cet ambre ainsi que la composition de ce dépôt. C’est une petite fenêtre ouverte sur le fonctionnement de la route de l’ambre pendant le premier âge du fer. Il faut dire justement que nombre de ces objets ne sont pas originaires de la Moravie mais d’autres régions de l’Europe : les analyses ont révélé que l’ambre provenait des bords de la Baltique. Certains des bijoux en bronze, notamment six fibules à dragon, ont été fabriqués sur le territoire de l’actuelle Slovénie. En ce qui concerne le récipient, on en trouve des similaires à l’ouest de la Slovaquie. Ainsi, grâce à ces artefacts, nous pouvons reconstituer les différents jalons qui relient la Méditerranée à la mer baltique. Cela nous permet de déterminer quels types de marchandises faisaient l’objet d’un troc et quelles communautés participaient à ce marché. »
Ainsi, le trésor de Bánov montre combien la Moravie a été un important relais de la fin de la culture de Hallstatt, mais rappelle aussi l’extrême dynamisme humain et commercial qui a présidé à ces populations pré-celtiques : témoignage de ces lointains et riches échanges culturels ainsi que de la circulation des biens et des personnes, le dépôt est aujourd’hui à voir au Musée de la Slovaquie morave à Staré město.