Législatives : Bohuslav Sobotka et les sociaux-démocrates au pied du mur
Gros week-end pour la social-démocratie qui tenait à Brno un important congrès. Le premier ministre Bohuslav Sobotka peut être satisfait : il a été reconduit président du parti et l’équipe dirigeante choisie est celle qu’il souhaitait. La principale formation de la coalition gouvernementale est désormais en marche de bataille pour les législatives de l’automne prochain. Mais il n’est pas sûr que cela suffise pour faire face au mouvement ANO du ministre des Finances Andrej Babiš, que les sondages donnent largement favori.
Dans l’absolu, la réunion des 700 délégués du parti est pour lui plutôt un succès. Président de la social-démocratie depuis 2011, le premier ministre a été reconduit pour la troisième fois à ce poste avec 67% des suffrages. La direction issue du congrès, qui ne compte qu’une seule femme, comprend peu ou prou les personnalités partageant sa ligne politique. Milan Chovanec, Lubomír Zaorálek, Michaela Marksová et Jan Hamáček restent vice-présidents du parti ; Jan Birke et Petr Dolínek le deviennent.
La position de M. Sobotka est cependant moins confortable qu’il n’y paraît. Après la déroule social-démocrate de l’automne dernier aux sénatoriales et aux régionales, le chef du gouvernement n’aura pas vraiment le droit à l’erreur aux législatives. La plupart des commentateurs s’accordent sur ce point, à l’image du politologue Michel Perottino :
« La social-démocratie a en ligne de mire principalement les élections qui vont se dérouler à l’automne. Et ces élections, en fonction de leurs résultats, elles vont aussi pouvoir bouleverser la situation à l’intérieur de la social-démocratie. Pour être plus clair, si la social-démocratie est mise en difficulté durant ces élections, il est assez probable que l’actuel dirigeant du parti, Bohuslav Sobotka, soit remercié ou mis en difficulté, et éventuellement remplacé par quelqu’un d’autre. »
Les sociaux-démocrates devraient lancer leur campagne pour les législatives lors d’une conférence en juin prochain. Le parti présentera alors les personnalités chargées de mener la bataille dans chacune des quatorze régions tchèques. Ce sera aussi le moment de proposer un programme à soumettre à l’examen des citoyens tchèques.
Un programme qui n’est pas encore connu mais qui devrait largement s’appuyer sur celui « à long terme », élaboré sous la conduite du ministre des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek et adopté samedi au congrès de Brno. Lutte contre l’évasion fiscale, refus des privatisations, taxation du secteur bancaire ou imposition progressive sur les revenus, l’heure serait à la défense d’un projet plutôt situé à gauche si l’on en croit Bohuslav Sobotka :« Les grandes sociétés, les entreprises multinationales, les banques font des bénéfices en Tchéquie, des dizaines et des centaines de milliards de couronnes chaque année, qui sont distribués ailleurs sous la forme de dividendes. Nous considérons qu’il faut que cet argent reste en Tchéquie, qu’il serve à payer les salaires. Si cet argent permet d’augmenter les salaires, cela permettra évidement de mieux financer le système social, d’avoir des rentrées fiscales plus importantes. Si nous parvenons à mettre en place une taxe bancaire, il y aura davantage d’argent pour financer les écoles, les infrastructures de transport, la politique sociale. »
Un positionnement qui s’inscrit aussi dans la stratégie de la social-démocratie de lutter contre l’ascension du mouvement ANO d’Andrej Babiš et contre les autres partis de droite. C’est ce que laisse entendre également la récente déclaration de M. Sobotka qui n’excluait plus une possible alliance avec les communistes à l’échelle nationale, rapprochement que s’interdisent les sociaux-démocrates depuis 1995 et la résolution de Bohumín. Pour Michel Perottino, convaincre les électeurs ne sera cependant pas chose aisée pour la social-démocratie :
« Sur le long terme, les sociaux-démocrates ont un programme qui est relativement solide et logique dans la perspective social-démocrate. Mais ils font face à un parti, ANO, qui est extrêmement efficace en termes de marketing politique. On verra dans les semaines et mois à venir si la social-démocratie parvient à rétablir l’équilibre. Pour l’instant, cela paraît assez difficile. »