Les cafés - concerts de Prague au début du XXe siècle

to_praha_jeste_nevidela.jpg

L'automne est déjà bien avancé, et le temps maussade ne fait pas de cadeaux. Le brouillard, le vent du nord, la pluie glacée attristent la ville et le paysage. La neige tombe pour fondre aussitôt. Mais les flocons témoignent de l'hiver qui arrive, inévitable. Tout cela ne donne pas trop envie de sortir de Prague ou même de se promener dans les rues. Mieux vaut se blottir dans un chez-soi confortablement chauffé, avec une tasse de thé ou un verre de vin. Cette fois-ci, je vais vous emmener au temps des anciens cafés-concerts de Prague.

Nous voilà au palais Lucerna. La construction est achevée en 1909. L'architecte et le propriétaire du projet est Vaclav Havel, père du président de la Tchécoslovaquie après la Révolution de velours en 1989 et premier président de la République tchèque indépendante. Lucerna, veut dire lanterne, une lanterne qui éclaire, qui nous dévoile une nouveauté. Pour le nom du palais Lucerna, l'architecte Havel s'est inspiré d'une pièce de théâtre très populaire du même nom. L'auteur, Alois Jirasek, était un grand écrivain de romans historiques.

Le palais Lucerna, situé en plein centre de Prague, n'a rien perdu de son prestige, aujourd'hui. Au cours de l'année, divers spectacles attirent un public varié. En hiver, se sont les bals qui prennent le dessus. La tradition remonte à la Bohême de l'époque austro-hongroise. Mais revenons au début du XXe siècle. Il y avait donc deux salles : une grande, majestueuse et une plus petite pour trois cent spectateurs. L'entrepreneur Rolf Wagner loue la petite salle de Lucerna pour en faire un café-concert tchéco-allemand. La scène est crée par Josef Wenig dans un style Biedermeier. Jaroslav Kvapil, fondateur de la mise en scène tchèque moderne, poète, critique, traducteur, journaliste et auteur dramatique, devient le conseiller artistique du nouveau café-concert. Mais c'est surtout l'acteur, chanteur et parolier Karel Hasler qui était considéré comme l'âme de Lucerna. Ses chansons étaient interprétées sur la scène du café-concert par des chansonniers tchèques. Karel Hasler ne montait jamais sur scène. Il ne pouvait pas, car en tant que membre du Théâtre national il n'était pas autorisé à participer aux spectacles autres que ceux de son employeur. Mais il était présent tous les soirs au cabaret, il se faufilait entre les tables, discutait avec les clients, leur racontait des anecdotes. En 1916, Karel Hasler fut finalement renvoyé du Théâtre national. Il devint le directeur du fameux café-concert Rokoko sur la place Venceslas. Le célèbre parolier a trouvé la mort dans une chambre à gaz des camps de concentration allemands. Jusqu'à présent, les chansons écrites par Karel Hasler restent un souvenir nostalgique d'une époque belle et révolue.

Lucerna était un endroit peut-être un peu snob. Il en fut autrement pour le cabaret Montmartre. Décoré très dans le vent par Frantisek Kysela et Vratislav Brunner, le café-concert fut fondé par le chansonnier et danseur Josef Waltner. Montmartreétait le lieu de rencontre de la bohème pragoise. On y dansait le tango argentin et d'autres danses très à la mode à l'époque, choquante pour les bons bourgeois. Bien sûr qu'il y avait un spectacle. La danse des Apaches est particulièrement à mentionner. Aucun rapport avec la tribu indienne de l'Amérique du Nord. C'étaient les hommes de la pègre des grandes villes qui se faisaient appeler les Apaches. La danse en soi était une sorte de pantomime où le danseur Josef Waltner représentait un homme de la pègre dansant avec sa maîtresse assassinée pour tromper la vigilance d'un gendarme. Un peu macabre mais quel succès !

Je n'ai parlé que de trois cafés-concerts ou cabarets de Prague du début du XXe siècle. Mais, évidemment, il y en avait beaucoup plus. Peut-être pas aussi renommés, mais pas mal quand même. Par exemple le cabaret U Schöblu ou U Rozvarilu.