Les carrefours tchèques de l’histoire européenne

Ces lundi et mardi, le Sénat de la République tchèque a accueilli la première conférence d’un cycle intitulé: « Les carrefours tchèques de l’histoire européenne - 1918, 1938, 1948, 1968. »

Dans l’année du 90e anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie indépendante, les organisateurs de ces conférences – le Sénat et l’Académie des sciences, ont souhaité engager un débat sur le caractère des processus de transformation liés à la naissance du nouvel Etat tchécoslovaque, en 1918, les étudier dans un contexte européen et les comparer aux autres transformations, celles de 1948, 1968, jusqu’en 1989. 1918 a donc été le premier thème discuté.

Quel a été le soutien apporté par la France à la Tchécoslovaquie de Masaryk ? C’est la question que j’ai posée à l’un des participants à la conférence, le professeur à l’Université Paris I, Antoine Marès, spécialiste de l’histoire contemporaine des Pays tchèques :

« Il faut peut-être rappeler que l’appui de la France à la cause tchèque est quelque chose qui précède déjà la Première Guerre mondiale et qui a eu une espèce de convergence intellectuelle entre certains milieux tchèques plus que slovaques, qui relèvent essentiellement d’une espèce de complicité intellectuelle et culturelle qui touche en particulier les milieux artistiques, mais aussi les jeunes gens qui veulent se dégermaniser, avoir une formation occidentale, rentrer en même temps dans la modernité. Et c’est ainsi qu’on a vu des hommes comme Karel Kramář ou Edvard Beneš venir étudier en France. Dans la foulée des contacts qui avaient été pris, il faut remonter aux années du Second Empire, du côté français : la fin des années 60, le début des années 70, pour voir se développer ces relations franco-tchèques qui vont déboucher sur un soutien politique au début de la Première Guerre mondiale. »

Qui étaient les Tchèques de France? Les Tchèques étaient-ils nombreux à être installés en France, dans l’avant-guerre ?

« Non, ils représentaient un petit groupe, on estime qu’ils étaient environ 2000, un groupe d’une composition très hétérogène d’ailleurs : des artisans, d’une part, mais aussi, bien évidemment, des intellectuels, soit des intellectuels qui étaient de passage, soit des créateurs, des artistes qui s’étaient installés, ce qui était le cas de František Kupka qui va jouer un rôle particulier pendant la guerre, puisque ce peintre, qui était un anarchiste, un antibélliciste, un pacifiste, va se transformer en officier servant militairement la cause tchécoslovaque. D’ailleurs, on vient d’inaugurer à Paris une petite exposition sur la collaboration militaire franco-tchécloslovaque où sont présentés des dessins de Kupka sur le front illustrant l’engagement de la compagnie Nazdar lancée par les compatriotes dans laquelle lui-même s’était engagée dès 1914. »

La France a reconnu la Tchécoslovaquie bien avant le 28 octobre…

« Oui, parmi les Alliés, la France a été la première à reconnaître la Tchécoslovaquie, le 29 juin 1918. On peut dire qu’à partir du mois de mai 1918, la cause tchécoslovaque sur le front est entendue. Il est heureux de parler du rôle de la France, aujourd’hui, dans la création de la Tchécoslovaquie. Je suis d’autant plus heureux d’être à Prague en ce moment, pour une fois qu’on ne parle pas de la France à propos de Munich, et c’est une occasion rêvée de rappeler ce rôle éminent… »