Les défenseurs du théâtre de Český Krumlov jouent avec le feu
Le Théâtre à ciel ouvert dans le parc du château de Český Krumlov divise la société tchèque en deux camps inconciliables – d’un côté ceux qui désirent le conserver et de l’autre ceux qui demandent sa démolition. Le problème a aussi une dimension internationale et pourrait aboutir à la décision de rayer le site historique de Český Krumlov de la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le Théâtre du parc du château de Český Krumlov est connu et populaire non seulement en raison de son emplacement dans un des plus beaux parcs baroques du pays mais grâce aussi à son mécanisme ingénieux. C’est un plateau avec des sièges placé dans l’allée centrale qui tourne pendant les spectacles et oriente les spectateurs vers différents endroits du parc. L’architecture industrielle du plateau est cependant absolument incompatible avec le charme du lieu. Placé dans le point d’intersection des allées et visible de partout, le théâtre brise brutalement les lignes principales de la conception du parc, qui est un chef d’œuvre d’architecture paysagiste.
Il n’est pas étonnant donc que l’UNESCO tienne à sa démolition. Ce projet se heurte cependant à la résistance farouche des défenseurs du théâtre, qui sont beaucoup plus nombreux que ses adversaires. Le président de la section tchèque du Conseil international des monuments et des sites, Josef Štulc, ajoute encore un autre argument pour le démontage du théâtre :« Une des raisons sérieuses est qu’il faille tenir les promesses et les engagements librement consentis. La République tchèque ne tient pas sa promesse depuis dix-neuf ans. En inscrivant Český Krumlov sur sa liste du Patrimoine mondial, l’UNESCO tenait compte de l’information selon laquelle le théâtre tournant n’était qu’une construction provisoire et des recherches étaient en cours pour trouver un autre endroit où il serait définitivement installé. »
Ce problème discuté depuis dix-neuf ans est aujourd’hui très politisé, et les défenseurs du théâtre, encouragés par une partie de l’opinion, refusent de rendre les armes. Ils semblent même décidés à se mesurer à l’UNESCO qui perd patience. Le ministre de la Culture, Jiří Besser, cherche, lui aussi, à sauver le théâtre bien qu’il appréhende les conséquences d’une telle décision :
« Les organes régionaux de Bohême du Sud, le Théâtre de Bohême du Sud, la ville de České Budějovice et le ministère de la Culture sont unanimes à estimer que le théâtre tournant doit rester à sa place. Evidemment nous sommes en train de prendre une décision sur le site de Český Krumlov inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et notre attitude pourrait remettre en cause cette inscription. »En juin dernier, le Comité du patrimoine mondial a appelé la République tchèque à accélérer le démontage du théâtre, en constatant que le site de Český Krumlov risque d’être inscrit sur la liste des monuments menacés. Face à ce danger, Jiří Besser a créé une commission qui vient de trouver un compromis : le théâtre restera à sa place mais sera reconstruit et « humanisé ». Le ministre se veut optimiste :
« Je pense que nous avons ici assez d’architectes de qualité qui seront capables de préparer un projet pouvant être approuvé. Et puis il faudra déployer toutes les forces diplomatiques de l’Etat tchèque vis-à-vis de l’UNESCO et lutter pour le théâtre tournant. »
Il est évident qu’une telle solution ne plaira pas à l’UNESCO, qui risquerait de perdre sa crédibilité en tant qu’institution protégeant les monuments historiques. L’offensive diplomatique du ministre, si elle a lieu, ne fera donc très probablement qu’attiser le conflit qui pourrait nuire au site historique de Český Krumlov et éclabousser toute la République tchèque.