Soixante Chinois de confession chrétienne demandent l'asile à Prague
S’estimant persécutés dans leur pays, un groupe de soixante Chinois de confession chrétienne a formulé une demande d’asile en République tchèque. Cette requête, quelque peu inattendue et rapportée par le quotidien Hospodářské noviny, pourrait bien embarrasser Prague. La diplomatie tchèque a en effet décidé depuis quelques années de privilégier les échanges commerciaux avec Pékin, au détriment de la défense des droits de l’homme.
Des relations optimales que pourrait mettre à mal la demande d’asile de soixante ressortissants chinois, des chrétiens membres de différentes Eglises, arrivés sur le territoire tchèque en plusieurs groupes entre les mois de février et de mai. Dans l’attente de la décision des autorités, ils sont actuellement hébergés dans des structures prévues pour les demandeurs d’asile dans les communes de Kostelec nad Orlicí et de Havířov.
Le journal Hospodářské noviny écrit que si Prague octroie une protection à ces personnes, cela reviendra à reconnaître une violation des droits de l’homme en Chine et aura sans doute pour conséquence de fâcher les dirigeants chinois. La présidence de la République, par la voix de son porte-parole Jiří Ovčáček, est pour l’heure restée évasive sur cette affaire :
« En ce qui concerne cette question, il est très important que toute cette affaire fasse l’objet d’une enquête exhaustive sur les raisons exactes de ces demandes d’asile. Tout est entre les mains du ministère de l’Intérieur et je suppose que s’il est question de cas pour le moins sérieux, le ministère en tiendra informé le président. Pour l’heure, aucun contact de ce type n’a été pris. »Le président Zeman, qui a beaucoup œuvré pour la nouvelle approche à l’égard de Pékin, est connu pour son opposition radicale à l’accueil des réfugiés, mais celle-ci ne concernerait que la question des quotas européens d’après son porte-parole.
Dans l’opposition parlementaire, surtout au sein du parti conservateur TOP 09, lequel s’efforce d’apparaître comme le continuateur de la politique étrangère de défense des droits de l’homme de l’ancien président Václav Havel, on s’inquiète déjà des conséquences pour les demandeurs d’un possible refus des autorités tchèques. Le député František Laudát, à la tête du groupe parlementaire du parti conservateur TOP 09, dit vouloir suivre cette situation de prêt :
« On envisage de demander lors d’une interpellation au premier ministre Bohuslav Sobotka comment il compte garantir que la situation ne devienne pas très précaire en raison du fait que les politiciens tchèques, dont monsieur le président, se sont amourachés de la Chine. Une situation précaire car si ces Chinois sont renvoyés dans leur pays, ne risquent-ils pas de voir leur vie menacée, ou bien leur liberté ou leur sécurité ? »Les médias spéculent largement sur les raisons qui ont poussé ces soixante personnes à quitter la Chine, pays dont le régime reconnaît officiellement plusieurs religions dont le catholicisme ou le protestantisme et où les chrétiens seraient plusieurs dizaines de millions. Cependant, il existe des communautés catholiques clandestines, qui peuvent faire l’objet de persécutions de la part des autorités chinoises. Pour la Radio tchèque, la sinologue Olga Lomová, qui juge cette affaire « atypique », a exprimé ses certitudes et ses hypothèses :
« Ce qui est certain à ce stade, c’est que s’ils sont renvoyés, ils auront de gros problèmes du fait d’avoir déposé une demande d’asile. Je ne sais pas précisément quelle menace pesait sur eux auparavant. Mais, au regard du fait que la vie en Chine se déroule dans une certaine zone d’incertitude sur ce qu’il est possible de faire et sur ce qui est interdit, je peux supposer qu’il est très probable qu’ils aient pu se trouver chez eux dans le cadre d’un conflit dépassant les questions de foi et que les autorités aient profité du fait qu’ils étaient chrétiens pour faire pression sur eux, pour les mettre dans des situations désavantageuses ou dangereuses. »Les ressortissants chinois refusent de s’exprimer, craignant des représailles sur leur famille. De son côté, Martin Rozumek, le directeur de l'Organisation d'aide aux réfugiés, doute que le ministère de l’Intérieur, qui a refusé de commenter l’affaire, donne une suite favorable aux demandes d’asile. D’après M. Rozumek, depuis le début de la dite crise des réfugiés, le ministère mettrait tout en œuvre pour retarder au maximum les procédures d’asile afin de décourager les étrangers à venir solliciter la protection de la République tchèque.