Les députés tchèques apportent leur soutien à Viktor Orbán face au Parlement européen

Viktor Orbán, photo: European People's Party, CC BY 2.0

A la mi-septembre, le Parlement européen adoptait un rapport recommandant aux institutions de l’Union européenne d’engager une procédure contre la Hongrie, où la politique de Viktor Orbán mettrait en péril l’Etat de droit. Ce mardi, les députés tchèques, à une large majorité, ont condamné le vote des parlementaires européens. Une position qui illustre une nouvelle fois les divergences entre les anciens et les nouveaux Etats membres de l’UE, mais aussi les fractures au sein même des formations politiques tchèques.

Judith Sargentini,  photo: Groenlinkseuropa,  public domain
« Ce que ce rapport dit, c’est qu’il y a un risque sérieux de violation de l’Etat de droit, des valeurs de l’Union européenne et des droits fondamentaux en Hongrie, et que nous devrions pousser le Conseil des ministres à enclencher la procédure prévue par l’article 7 du traité de l’Union européenne. »

C’est ainsi que l’eurodéputée écologiste néerlandaise Judith Sargentini présentait son rapport dénonçant la politique de M. Orbán, un rapport adopté le 12 septembre dernier à Strasbourg par ses collègues. Pour la Hongrie, menacée par l’article 7 du traité de l’UE et donc potentiellement par la suspension de ses droits de vote, il s’agirait d’une « petite vengeance » à l’encontre de Budapest, orchestrée par les politiciens européens « pro-immigration ». C’était en tout cas la lecture proposée par Péter Szijjártó, le chef de la diplomatie hongroise.

C’est également une analyse partagée par un certain nombre de députés tchèques. Mardi, dans le cadre d’une discussion sur le budget européen pour la période 2021-2027, la Chambre basse du Parlement a en effet adopté un texte estimant que le vote des parlementaires européens était « fautif et malheureux ». Selon les députés tchèques, la démarche ne pourrait que contribuer à aggraver « le fossé et la défiance entre les anciens et les nouveaux membres de l'Union européenne ».

Viktor Orbán | Photo: European People's Party,  CC BY 2.0
La déclaration proposée par Jan Skopeček, un élu du parti civique-démocrate ODS, a recueilli une large majorité, avec 97 voix pour et 24 voix contre sur les 153 parlementaires présents. Pour autant, les partis politiques eux-mêmes sont divisés sur la question. Ainsi, les députés du mouvement ANO, la principale formation de la coalition gouvernementale, ont globalement exprimé leur soutien à Budapest, alors que, sous la même étiquette, leurs collègues au Parlement européen ont soutenu le rapport contre la Hongrie… De même, au sein du parti social-démocrate, on trouve des parlementaires des deux camps et des abstentionnistes, tant à Prague qu’à Strasbourg.

C’est que des considérations diverses chez les uns et les autres ont motivé leurs différents votes. Ainsi, comme un seul homme ou presque, le parti d’extrême-droite SPD a exprimé sa solidarité avec M. Orbán. Pour son leader, Tomio Okamura, c’est avant tout la ligne adoptée par le Premier ministre hongrois sur la question migratoire que les eurodéputés ont voulu sanctionner :

« [Le vote du Parlement européen] est une traîtrise à l’encontre de la Hongrie. Nous, au SPD, nous pensons au contraire que devrions travailler de façon approfondie ensemble dans le cadre du groupe de Visegrád, éventuellement élargi à l’Autriche. Nous devrions élaborer ensemble une politique anti-immigration. »

En septembre dernier, Jan Farský, le président du mouvement STAN, appuyait pour sa part la position du Parlement européen. Avec le parti TOP 09 dont il est allié, son parti est pourtant membre du Parti populaire européen, dont fait également partie le Fidesz de M. Orbán. Jan Farský, absent lors du vote ce mardi, veut toutefois en premier lieu considérer les attaques contre l’Etat de droit en Hongrie :

Jan Farský,  photo: Luboš Vedral,  ČRo
« Le vote du Parlement européen a été un vote contre les limitations à l’indépendance de la justice en Hongrie, à l’indépendance des médias, contre les attaques faites à la société civile. Il s’explique aussi par le fait que le Parlement européen est persuadé que Viktor Orbán abuse du financement européen en faveur de ses amis et de ses proches. »

Si la Chambre des députés a clairement exprimé son opposition à la démarche du Parlement européen, le vote de mardi laisse cependant entrevoir de multiples lignes de fracture entre les politiciens tchèques. Les débats ne sont pas tranchés sur la politique migratoire européenne, sur la priorité à accorder à la coopération régionale au sein du groupe de Visegrád ou bien à l’intégration européenne, ainsi que sur la marge de manœuvre dont peuvent disposer les Etats membres dans le cadre de l’Union européenne.