Les dix événements de l’an 2012 à retenir... Après vingt ans d’existence de la République tchèque, comment sommes-nous ?

Photo: Archives de ČRo7

Comme le veut la tradition, la fin d’année est une occasion pour une grande partie de la presse de dresser des bilans. L’hebdomadaire Respekt a retenu « 10 événements marquants de l’année 2012 », dont nous allons en récapituler pour vous quelques-uns. Le quotidien Lidové noviny s’est penché pour sa part sur trois paradoxes qui semblent définir l’identité nationale tchèque.

Photo: Archives de ČRo7
L’année 2012 a été en République tchèque une année de protestations qui contredisent l’hypothèse qui veut que les Tchèques soient trop paresseux pour aller manifester ou protester. Selon le journal, l’année écoulée a apporté dans ce domaine un changement. Il explique :

« D’abord, au printemps dernier, Prague a vu manifester près de dix milles étudiants et universitaires défendant l’indépendance des universités et se révoltant contre les réformes envisagées de l’enseignement supérieur. Peu après, les syndicats et des initiatives de gauche ont appelé au centre de la capitale à une grande manifestation contre les réformes gouvernementales. Tout dernièrement s’est levée une vague de protestations contre les nouvelles coalitions au niveau régional entre communistes et sociaux-démocrates. A remarquer également l’apparition, pour la première fois depuis 1989, de nouveaux protest songs diffusés notamment par les réseaux sociaux. »

L’hebdomadaire observe en outre que « la police et la justice n’ont dorénavant plus peur devant le pouvoir et que du fait du changement de climat dans la société, ils osent librement enquêter sur des affaires politiques sensibles ». Il le démontre en prenant l’exemple de plusieurs cas spectaculaires, parmi lesquels on ne citera que l’arrestation de l’ancien gouverneur de Bohême centrale, David Rath... Un autre événement politique marquant retenu par Respekt, c’est la montée des communistes :

KSČM | Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Pendant toute l’année écoulée, les intentions de vote des communistes n’avaient de cesse de monter. Après leur succès lors des élections régionales qui leur a apporté entre autres un poste de gouverneur, les communistes sont de plus en plus sûrs d’eux-mêmes... De plus : pour la première fois, les sociaux-démocrates déclarent leur volonté de former prochainement un cabinet minoritaire s’appuyant sur un soutien des communistes. »

L’hebdomadaire Respekt remarque aussi l’adoption de la loi sur la restitution des biens aux Eglises qui leur avaient été confisqués par le régime communiste, une étape qui sonne le coup d’envoi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

En faisant une récapitulation de l’an 2012, le journal soumet à la critique les médias, notant « qu’en Tchéquie, il est très facile de provoquer la haine anti-rom sur la base de rapports non vérifiés, diffusés même par les grands médias publiques. » Il rappelle :

« Des meetings anti-rom ont eu lieu dans la ville de Břeclav et dans d’autres villes, à la base d’une simple annonce faite par un jeune garçon selon lequel il aurait été agressé et grièvement blessé par un groupe de Rom. Plus tard, l’enquête a pourtant révélé qu’il s’agissait d’une accusation fausse et inventée. »

Respekt rappelle que le Premier ministre tchèque Petr Nečas a refusé pour la République tchèque le pacte budgétaire européen considérant qu’il conduit à la création d’une fédération européenne. A ce sujet, il écrit :

Photo: Commission européenne
« Sa décision a donné lieu à un large débat sur l’orientation future du pays qui demeure hors du noyau européen. Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse à cette question, mais force est de constater, comme l’ont révélé les sondages, que la confiance des Tchèques en l’Union européenne est aujourd’hui plus faible que jamais. Le gouvernement a dit clairement qu’il ne voulait pas participer à l’aide aux Etats membres qui font face à des problèmes. »

En ce qui concerne la centrale nucléaire de Temelín, la Tchéquie est désormais plus près de son achèvement, bien qu’à l’échelle mondiale, nous soyons les témoins d’une tendance à l’abandon de l’énergie nucléaire :

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« L’achèvement de la construction coûtera des milliards. Pour l’instant, il semble que deux sociétés seulement vont se disputer la commande : la Westinghouse américaine et la MIR.12000 russe. Les représentants politiques ont avoué pour la première fois que cette construction n’aurait pas pour conséquence la baisse du prix de l’életricité et qu’il faudrait probablement subventionner le fonctionnement de la centrale de Temelín. »


Le dernier supplément Orientace du quotidien Lidové noviny estime de son côté que les vingt années d’existence de l’Etat tchèque invitent à dresser un bilan et à s’interroger sur son identité nationale. L’auteur de l’article intitulé « Comment sommes-nous » se penche sur trois paradoxes qui semblent définir cette identité. Comme point de départ, il indique :

Photo: Archives de ČRo7
« Nous sommes la nation la plus athée de l’Europe. Nous sommes l’unique pays au monde où les communistes ont obtenu (en 1946) lors d’élections relativement libres, 40% des voix. Un tiers des décès survenus dans le pays ne sont pas accompagnés d’une cérémonie funèbre. »

Selon les données réévélées par des enquêtes et des études, la Tchéquie, avec 61% des personnes qui se déclarent non croyantes et avec 38% des chrétiens, se présente comme le pays le moins croyant au monde. Elle est l’unique pays dans lequel les non croyants prévalent sur les croyants. Toutefois, 15% de la population seulement est convaincue qu’il n’existe aucune force ou personne transcendentale. Le journal précise :

« Nous sommes plus que tout une nation profondément anti-cléricale. Le refus de rites religieux se traduit par un refus général de rites et d’autorités. Nous n’aimons pas les associations internationales, nous refusons dans une grande mesure les mariages et les funérailles, nous ne célébrons pas les fêtes. La vitesse avec laquelle les cérémonies disparaissent de la vie des Tchèques est incroyable...

Photo: Archives de ČRo7
Paradoxalement, nous prétendons considérer la famille comme une valeur suprême, l’évolution démographique dans le pays est pourtant inférieure à la moyenne européenne. En outre, le nombre de familles recomposées ne cesse de monter, tandis que celui d’enfants vivant dans des foyers est chez nous le plus élevé à l’échelle de l’Union européenne. »

Le journal rappele plus loin que le pays a perdu dans le passé nombre de ses élites : « La folie de Hitler a liquidé une grande partie des élites tchèques (l’élite juive en constituant une partie importante). Les vagues d’émigration imposées par le régime de Staline et de Breznev n’ont fait qu’achever le désastre : après 1948, plus de cent mille personnes et, après 1968, près de 250 000 personnes ont quitté le pays... Il s’agissait de gens qui auraient pu constituer un soutien à leur Etat. »

L’égalitarisme se présente comme un autre trait marquant du caractère tchèque. Les élections de 1946 lors dequelles les communistes ont remporté plus de 40% des voix en seraient un témoignage éloquent. Le journal remarque qu’il s’agit là d’un résultat unique et d’un record mondial qui n’a jamais été atteint ailleurs à l’occasion d’élections libres. Et de l’expliquer par le fait que, dans le pays, il n’y avait pas d’aristocratie nationale et de bourgeoisie nationale.

Photo: Archives de ČRo7
En conclusion, l’auteur de l’article indique que toutes ces caractéristiques – l’égalitarisme exacerbé, l’ignorance des traditions et le refus d’institutions – peuvent aussi être perçues sous un angle positif. Il écrit :

« En ignorant les traditions et en se détournant des institutions, on est très libres. On peut se permettre beaucoup de choses qui, ailleurs, ne seraient pas acceptables. Epouser pratiquement qui on veut, s’habiller style sportif en ville, mettre ses enfants dans une école fréquentée aussi bien par des riches que par des moins riches, rouler dans une voiture ne correspondant pas à notre statut social, rencontrer et bavarder avec qui on veut... »