Les Tchèques doivent apprendre à porter sur la Slovaquie un regard dépourvu de sentimentalisme
Cette nouvelle revue de presse propose d’abord un regard inédit sur les relations entre Tchèques et Slovaques. Elle s’intéresse également aux obstacles auxquels sera confronté le nouveau président Petr Pavel dans sa volonté de rassembler les Tchèques ou à la stabilité de la scène politique tchèque. Nous reviendrons également sur les accents prorusses de la manifestation « contre la pauvreté » qui s’est tenue récemment à Prague. Un mot enfin sur la pratique du vélo à Prague.
Le sentimentalisme des Tchèques à l’égard des Slovaques est dangereux pour les deux nations. C’est ce que l’on pouvait lire dans Hospodářské noviny au lendemain de la visite du nouveau président tchèque en Slovaquie, lundi et mardi derniers. Il s’agissait du premier voyage officiel de Petr Pavel à l’étranger avant un autre en Pologne, jeudi et vendredi. Le quotidien précise :
« Les Tchèques portent sur les Slovaques un regard essentiellement sentimental. Ils pensent bien les connaître parce qu’ils ont vécu les uns avec les autres pendant plusieurs dizaines d’années dans un État commun, la Tchécoslovaquie, mais ils se trompent. Ils les prennent pour des frères plus romantiques et plus émotifs. Les Slovaques, quant à eux, ne partagent pas cette sensibilité. Plus pragmatiques, ils considèrent la Tchéquie d’abord comme un pays où ils peuvent mener une meilleure vie que chez eux, où la situation se détériore. »
Aujourd’hui cependant, comme l’estime encore le quotidien économique, l’heure n’est pas à la nostalgie. Il explique pourquoi :
« Il se peut que lors des élections législatives anticipées prévues en septembre, les Slovaques élisent des politiciens prorusses. Le gouvernement qui en serait issu chercherait alors probablement à stopper l’aide à l’Ukraine et à instaurer, comme en Hongrie, un régime autoritaire qui menacerait les valeurs libérales et démocratiques. Des valeurs auxquelles les présidents tchèque et slovaque, Petr Pavel et Zuzana Čaputová, ont rappelé leur attachement lors de leur rencontre à Bratislava. Certes, il faut soutenir les démocrates slovaques authentiques, mais il convient également d’envisager les différentes manières dont la situation pourrait évoluer en Slovaquie. »
« Avec la guerre en Ukraine, le temps est venu pour les Tchèques de ne plus porter un regard chargé de sentimentalisme sur leur voisin de l’Est », souligne encore le journal avant de conclure :
« Le président Pavel a raison quand il déclare que l’ennemi se trouve à l’extérieur, à l’Est. Mais aujourd’hui, ce dernier se trouve aussi dans les clichés ancrés dans les esprits, dans des émotions et des sentiments aveuglants. L’évocation des relations communes entre Tchèques et Slovaques, alors que celles-ci sont perçues différemment de chaque côté de la frontière, en est un exemple marquant. »
Rassembler les Tchèques, une mission impossible
« Il est difficile de trouver une personnalité politique qui aurait réussi à unifier la société », constate Respekt. C’est même là une mission quasi impossible selon l’auteur, y compris pour Petr Pavel. L’hebdomadaire prévient :
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« L’euphorie des partisans du nouveau président est compréhensible. Mais les attentes qu’il suscite sont exagérées. Certes, Petr Pavel se conduit comme un homme correct qui ne fait pas de différences entre les riches et les pauvres et s’adresse également aux électeurs d’Andrej Babiš, son adversaire lors de l’élection présidentielle. Il n’est pas arrogant. Mais cela ne signifie pas que des camps opposés finissent pas se réconcilier et que le président bénéficie des faveurs de l’ensemble de la société. »
Respekt rappelle que Petr Pavel défend des opinions et des valeurs clairement définies en ce qui concerne l’Union europépenne et l’OTAN et qu’il soutient l’aide à l’Ukraine. Critique à l’égard de la Russie, il insiste également sur l’importance d’intensifier la lutte contre la désinformation.
« Autant de sujets qui divisent la société et qu’un grand nombre de Tchèques n’acceptent pas. Une réalité dont le président Pavel semble être conscient, d’où sa sa volonté de s’intéresser davantage aux régions défavorisées », ajoute à ce propos le magazine.
Surprise : la crise n’a pas déstabilisé la scène politique tchèque
Selon de récentes données recueillies par deux grandes agences, Kantar CZ et Median, la répartition des forces sur l’échiquier politique tchèque reste stable. La coalition gouvernementale continue de bénéficier des mêmes faveurs. Selon le journal Deník N, ce constat est d’ailleurs assez surprenant compte tenu de l’inflation élevée, de la guerre en Ukraine et de tous les autres problèmes auxquels la société tchèque est confrontée. Quelques explications s’imposent donc :
« D’abord, une partie des électeurs des partis de la coalition gouvernementale sont satisfaits de son fonctionnement. D’autres encore, qui ont voté pour eux mais sont plus critiques à leur égard, n’ont pas d’autre alternative, car les principaux partis d’opposition, à savoir le mouvement ANO d’Andrej Babiš et le parti d’extrême-droite SPD, sont pour eux inenvisageables. Bien qu’ils soient conscients de toutes les erreurs que commet le cabinet, notamment dans sa manière de communiquer, ils lui restent donc fidèles et continueront probablement de le rester. »
Le chroniqueur de Deník N rappelle que les prochaines élections législatives se tiendront dans près de trois ans. Le gouvernement dispose donc de suffisamment de temps pour entreprendre des mesures impopulaires, notamment la réforme des retraites et la consolidation des finances publiques. « Sa position de départ, du moins pour ce qui est du soutien de ses électeurs, est plutôt bonne », souligne-t-il.
Quand social et positions prorusses s’entremêlent
La manifestation qui s’est tenue samedi 11 mars sur la place Venceslas à Prague et qui a réuni quelque 20 000 personnes a été largement couverte dans les médias. Selon un chroniqueur du site Aktualne.cz, par exemple, son principal objectif n’était pas de protester « contre la pauvreté » comme le prétendaient ses organisateurs :
« C’était un rassemblement prorusse et anti-gouvernemental. Désormais, les organisateurs des manifestations ont pris l’habitude de mêler les sujets d’ordre social à des positions pro-Kremlin et anti-ukrainiennes. Au lieu de sensibiliser le public au problème de la ‘pauvreté’, ils sèment le chaos et provoquent des conflits. »
L’occasion pour l’auteur, du coup, de dénoncer l’absence sur l’échiquier politique tchèque d’un parti de gauche « classique » - et donc pas communiste - et d’une social-démocratie authentique. « Cette situation profite aux manipulateurs et aux extrémistes, car elle leur permet de rassembler les mécontents et les gens inquiets qui, au fond, ne sont pas davantage prorusses qu’ils ne sont proukrainiens. »
Selon le site Info.cz, deux points évidents sont à retenir :
« La manifestation qui s’est tenue à Prague s’inscrit dans le cadre des activités qui profitent aux intérêts de Vladimir Poutine, car elles diffusent sa vision du monde. D’un autre côté, il est tout aussi vrai que la majorité des participants étaient là pour protester contre le gouvernement de Petr Fiala, sans pour autant vouloir soutenir directement la Russie et sa guerre brutale en Ukraine. »
Le chroniquer du journal en ligne Forum24.cz a, lui, réagi à la tentative de quelques participants au rassemblement de faire retirer le drapeau ukrainien de la façade du Musée national, où il flotte depuis le début de l’invasion russe :
« Cela confirme que les éléments prorusses et anti-système sont passés de la parole à l’acte en termes de violence. Il faut que les autorités sanctionnent sévèrement les auteurs de cette attaque contre le Musée national et contre les policiers qui protégeaient le bâtiment. Dans le cas contraire, il faudra s’attendre à ce que manifestants mettent le feu aux bâtiments du gouvernement la prochaine fois. L’appétit vient en mangeant. »
La difficile vie des cyclistes à Prague
A en juger d’après ses récentes déclarations, le nouveau maire de Prague Cyril Svoboda n’est pas un fervent défenseur du vélo, comme le rappelle Respekt sur son site :
« Dans les années 1990, la droite tchèque, avec à sa tête le Parti civique démocrate (ODS), a imposé l’idée que le vélo en ville était un non-sens, une déviation gauchiste, un danger auquel il fallait faire face. »
À Prague, cette idée prévaut aujourd’hui encore. Désormais, cependant, comme le souligne le chroniqueur de Respekt, ceux qui sont contre le développement de la place du vélo dans la capitale tchèque s’appuient sur des arguments un peu plus développés. Parmi eux, donc, le nouveau maire de Prague qui prétend, par exemple, que la capitale possède un terrain vallonné qui ne convient pas à la pratique du vélo.