Presse : les Tchèques plus heureux qu’ils n’en ont l’air
Cette nouvelle revue de presse retient d’abord le classement des Tchèques dans le dernier Rapport mondial sur le bonheur. Elle propose ensuite quelques réactions au premier tour de l’élection présidentielle en Slovaquie et s’intéresse aux défis liés à la prochaine Commission européenne. Les communistes tchèques vivent-ils une renaissance ? Une question qui figure également au menu suite aux derniers sondages pour les élections européennes. Une remarque enfin sur l’attentat perpétré par des islamistes à Moscou.
« On aime prétendre que les Tchèques sont une nation de fauteurs de troubles et de négativistes. Or, le dernier Rapport mondial sur le bonheur a de quoi étonner, car il classe la Tchéquie à la 18e place parmi les 143 pays étudiés sur la base de données recueillies pour la période 2021-2023. » C’est ce dont fait part un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny, dans lequel on peut lire également :
« Les résultats du rapport qui examine plusieurs mesures objectives et subjectives de base confirment que la position de la Tchéquie dans ce domaine demeure inchangée depuis un certain temps déjà, malgré les nombreux problèmes qui ont touché la population, parmi lesquels la pandémie de Covid-19, la crise énergétique, la hausse des prix, la crise du logement et une économie stagnante. On peut donc constater que le sentiment de satisfaction des gens demeure relativement élevé ou, plutôt, que le mécontentement extrême est encore très faible. »
De l’avis du chroniqueur du journal, il n’y a cependant pas lieu de surestimer ces résultats et de s’en laisser bercer, car un certain nombre d’indices se sont quelque peu dégradés ces derniers temps, notamment ceux liés à la santé mentale de la population et à la sécurité. « Quoi qu’il en soit, pour l’instant, il semble que nous soyons plus heureux que nous n’en avons l’air. Heureusement qu’il y a des chiffres », se réjouit-il.
L’élection présidentielle slovaque vue par les médias tchèques
Les médias tchèques ont suivi de près le premier tour de l’élection présidentielle slovaque, la Télévision tchèque lui consacrant même plusieurs heures d’émission spéciale. C’est Ivan Korčok, ancien chef de la diplomatie slovaque, qui en est sorti vainqueur avec plus de 40% des voix, suivi de Peter Pellegrini, président du Parlement et candidat favori du Premier ministre Robert Fico. En attendant le deuxième tour prévu le 6 avril, le journal Deník N a remarqué :
« La victoire d’Ivan Korčok est une bonne nouvelle qui dit que la situation en Slovaquie n’est pas encore perdue. La phase décisive commence avec une toute nouvelle donne. Après les élections législatives slovaques à l’automne dernier qui ont abouti à la victoire du parti SMER de Fico et à la formation d’un gouvernement avec entre autres le parti nationaliste SNS, la dépression et le désespoir se sont répandus en Slovaquie. De nombreuses personnes qui considèrent la Slovaquie comme une partie libre et démocratique de l’Occident, ont estimé que cette évolution marquait la fin de leurs espoirs. Le succès de Korčok prouve que ce n’est pas forcément le cas. »
« La prochaine quinzaine sera dramatique », avertit le chroniqueur du site ; un constat qui ne l’empêche pas de souligner :
« Le message le plus important du premier tour de cette élection présidentielle est très simple : la Slovaquie n’est pas Fico. Il y a encore beaucoup de gens qui ne veulent pas qu’il pousse le pays vers la Russie, qu’il contrôle les médias, intimide les gens libres, viole la justice et amnistie ses copains. »
Le ton du journal en ligne Info.cz à propos de l’élections présidentielle slovaque est différent :
« Il était clair depuis longtemps que deux politiciens solides, pro-occidentaux et libéraux allaient se qualifier pour le second tour. L’hystérie qui s’est emparée non seulement des réseaux sociaux tchèques, mais aussi d’une partie de la scène politique locale, est donc difficilement compréhensible. C’est comme si le résultat d’un vote démocratique dans un pays voisin pouvait menacer notre propre sécurité. Cet alarmisme absurde en dit long sur nous-mêmes plus que sur les Slovaques. Il nous faut enfin nous habituer au fait que notre ‘petit frère’ a grandi au cours des trois décennies écoulées et qu’il n’a pas besoin de nos conseils et de nos inquiétudes dont il n’a cure. »
En attendant une nouvelle Commission européenne
« Les partis politiques tchèques doivent modifier leur regard sur l’élection de la prochaine direction de l’UE. » Un avis exprimé dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt:
« La Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen s’est fait remarquer notamment pour l’accent mis sur le Grean Deal, plus précisément sur le programme Fit for 55. Toutefois, évaluer le chef ou la cheffe de la prochaine Commission en fonction de sa position sur cette question, comme le font certains hommes politiques tchèques, ne répond pas aux défis d’aujourd’hui. L’agression de Poutine contre l’Ukraine et ses investissements dans l’armée conduiront, de l’avis de nombreux analystes reconnus, à une attaque russe contre un Etat membre de l’OTAN d’ici quelques années. Cette prévision modifie considérablement les revendications politiques liées à la prochaine Commission européenne. »
« Voilà pourquoi elle sera, outre ‘une commission du Green deal’, également ‘une commission de la guerre’ appelée à travailler pour la défense du monde », écrit l’éditorialiste du magazine avant de conclure :
« Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne a déjà montré qu’elle tenait compte du danger russe et qu’elle savait l’affronter. Et c’est exactement ce dont nous avons besoin à l’heure actuelle. Il n’y a donc aucune raison de ne pas faire une nouvelle fois appel à ses services. »
Une renaissance des communistes en Tchéquie ?
Les derniers sondages effectués en Tchéquie concernant les élections européennes ne semblent pas particulièrement surprenants. Toutefois, comme l’indique l’auteur d’un commentaire rédigé pour la Radio tchèque, ils révèlent un détail qui pourrait influencer considérablement l’évolution future de la politique tchèque, à savoir une résurrection des communistes :
« Il s’avère en effet que la formation Stačilo ! (Assez !) qui s’appuie notamment sur le Parti communiste de Bohême et de Moravie, obtiendrait près de 7 % des voix. Si la montée en puissance des communistes se confirme et si le parti dirigé par l’eurodéputée Kateřina Konečná réussit non seulement aux élections au Parlement européen mais aussi aux élections législatives dans un an et demi, ce qui lui permettrait d’entrer à la Chambre des députés où il est actuellement absent, cela profitera à Andrej Babiš, chef du mouvement ANO. Tout donne à croire que les communistes ne refuseraient pas de former une coalition avec lui ou, du moins, de tolérer son gouvernement, comme ils l’on déjà fait par le passé. Bien entendu, un tel scénario n’est pas évident, car les élections européennes intéressent moins la population que les élections nationales. Mais les communistes sont plus proches d’une telle possibilité qu’on ne le pensait il y a encore deux ans. »
« Force est pourtant de constater que la prévision selon laquelle les communistes allaient s’enfoncer au fil des temps dans les tréfonds de l’histoire s’avère fausse », constate l’auteur :
« Ils sont là, et si l’on regarde leur liste de candidats aux élections européennes, ils ne sont certainement pas prêts à s’éteindre. A sa tête, en effet, ne figurent pas de vieux cadres, mais des hommes et des femmes autour de la quarantaine. »
Les radicaux islamistes, une menace oubliée
L’attentat perpétré vendredi dernier à Moscou et les questions que celui-ci a soulevées ont largement retenti également dans la presse tchèque. Le journal Lidové noviny, par exemple, a observé :
« Même si la majorité des habitants des pays du monde développé, y compris de nombreux hommes politiques, considèrent que l’islamisme radical violent a disparu, ce n’est pas le cas. Même l’Etat islamique, qui contrôlait autrefois un territoire plus grand que le Royaume-Uni, n’est pas mort, bien qu’il ait perdu sa dernière grande ville il y a quelques années. Nous sommes face à un zombie, à un cadavre vivant toujours capable de commettre d’horribles attentats. »
« Comment cela est-il possible ? » Selon l’éditorialiste du journal, l’une des raisons, outre l’attrait persistant de l’idéologie islamiste, consiste dans le fait que l’Occident semble avoir quelque peu oublié l’existence de cet ennemi :
« A l’heure actuelle, c’est la Russie qui représente une menace. Voilà pourquoi il n’y a plus de forces ni de ressources pour combattre les radicaux islamistes disséminés à travers le monde. La prochaine fois, cependant, ils pourraient frapper en Europe. »