Les enfants à la découverte des « mystères des églises » de Stará Boleslav
Vous l’aurez compris : il ne s’agit pas de chanteurs professionnels qui viennent d’interpréter le célèbre chant national consacré à saint Venceslas, « Svatováclavský chorál ». Vous venez en fait d’entendre les enfants du collège de Prague-Radotín, âgés de onze et douze ans. Ils ont pris part à un projet intitulé « Tajemství chrámů » - « Les mystères des églises ». Nina Nováková, professeur de latin, de philosophie et d’éthique appliquée au lycée de Brandýs nad Labem, à proximité de Stará Boleslav, anime ce programme depuis 2010. Nous avons récemment passé une demi-journée dans les églises de Stará Boleslav, en compagnie de ces enfants et de leur guide.
Dans ce lieu chargé d’histoire, les enfants, pour la plupart issus d’un milieu athée, apprennent qui était saint Venceslas et découvrent, par la même occasion, la liturgie et l’architecture chrétiennes :
« Nous avons appris des choses sur saint Venceslas et aussi sur la basilique. On nous a par exemple expliqué que l’autel est toujours installé à l’est tandis que l’entrée de l’église est située à l’ouest. Nous ne le savions pas. Avec nos parents, nous visitons des églises pendant les vacances, en touristes. Souvent, il y a de la musique et c’est joli. »
« Les mystères des églises » est un programme interactif et ludique. Divisés en groupes, les enfants s’emparent des lieux et sont invités à rechercher, à l’aide d’indices, des objets concrets dans l’église, des tableaux et des statues. Ils doivent aussi reconnaître les différents saints et leurs attributs. Ils apprennent ainsi à s’orienter dans l’église, à distinguer le presbytère, les nefs principale et latérales et la crypte. Ils ont aussi l’occasion de jouer la scène de l’assassinat de Venceslas et se mettent pour cela dans la peau de la victime et de l’assassin. Dans la partie la plus ancienne de la basilique, la crypte romane dans laquelle est exposé, chaque 28 septembre, le crâne de saint Venceslas, ils chantent le « Svatováclavský chorál ».
Nina Nováková a lancé ce projet en 2010. Depuis, près de 2 000 enfants de toute la République tchèque, des collégiens, des lycéens et même des étudiants de l’université y ont participé. Nina Nováková explique sa motivation :« Les églises ont une spécificité : ce sont les seuls monuments historiques qui servent toujours aux fins pour lesquelles elles ont été construites. Tandis que les châteaux et les autres monuments de ce type sont devenus des musées sans vie, les églises continuent à vivre une vie spirituelle. Je souhaite très fort que partout en République tchèque, les églises soient ouvertes toute l’année, comme c’est le cas chez nous, à Stará Boleslav, où à l’étranger. On ne doit pas forcément être croyant pour pouvoir ressentir, entre les murs d’une église, le calme, pour pouvoir contempler, retrouver ses esprits, par exemple avant un rendez-vous d’affaires. Mais pour que cet espace et ses éléments esthétiques puissent vous influencer, vous parler, vous être utiles, il faut que vous compreniez au moins un peu les symboles qui y sont présents. Je le vois très bien chez les enfants que j’accompagne : dès que je leur explique ce que font les croyants et pourquoi, à quoi sert tel ou tel objet, ils se sentent à l’aise. Mon but n’est pas de convaincre les gens, de les ‘évangéliser’, mais de leur montrer qu’ils peuvent se sentir dans une église comme chez eux, et ce d’autant plus que les églises chrétiennes sont partout pareilles. Alors, on peut vraiment se sentir comme chez soi où que l’on se trouve dans le monde. »
« En faisant le signe de croix, le croyant s’interroge, en touchant d’abord son front, sur ses pensées : sont-elles bonnes ou suis-je en train de préparer dans mes pensées quelque chose de mauvais ? Les fidèles touchent ensuite leur cœur et s’interrogent sur leurs sentiments : suis-je jaloux, envieux ? Est-ce que je ne ressens pas de la haine envers quelqu’un ? Enfin, le fait de toucher les épaules en faisant le signe de croix se rapporte à nos actes. »
C’est de cette manière que Nina Nováková explique aux enfants le geste dont la signification leur échappe. Un geste qui symbolise aussi la Trinité, à laquelle Nina Nováková a trouvé une analogie que les enfants comprennent facilement. Elle choisit Kuba, un enfant du groupe, et explique aux autres qu’il est à la fois un élève, le fils de ses parents et un frère… tout en restant la même et seule personne. Expliquer de manière compréhensible est, selon Nina Nováková, le principal enjeu de ce projet et, peut-être, de toute la communication entre l’église et le public athée :« Il y a quelques jours, j’ai assisté au pèlerinage de sainte Ludmila dans la commune de Tetín et j’ai été chargée de présenter mon programme dans les églises locales. Le problème est que je me suis retrouvée devant un public tout à fait différent, composé de pèlerins, de familles avec des enfants, de personnes âgées et aussi de religieuses. Je leur ai dit en toute franchise : ‘Eh bien, je vais vous raconter ce que je raconte aux non-croyants’. Après la visite, j’étais curieuse de connaître leurs avis. Les sœurs m’ont dit : ‘Vous n’avez commis aucune faute du point de vue théologique. Mais il ne nous viendrait jamais à l’esprit de parler des sujets spirituels comme vous ! »
Nina Nováková a également accompagné un groupe d’enfants sourds et muets dans le cadre du projet « Les mystères des églises » :
« Au début, je ne savais pas du tout comment m’y prendre… A côté de moi, il y avait une interprète en langue des signes. Normalement, je donne aux enfants des devoirs et ils investissent tout l’espace, il suffit qu’ils m’entendent. Mais dans le cas présent, c’était impossible. Au contraire, il fallait, évidemment, que tous les enfants puissent bien nous voir pendant toute la durée de la visite. J’ai été très surprise par le fait que ces enfants sourds et muets avaient repéré sur les tableaux un nombre incroyable de détails par rapport aux autres enfants. Ils m’ont posé un tas de questions, tout les intéressait. »
Passionnée par l’histoire de l’antiquité jusqu’à nos jours, emballée par son travail avec les enfants et adolescents qu’elle sait, visiblement, captiver, Nina Nováková nous parle enfin de son rapport personnel à ces deux saints que nous mettons à l’honneur chaque année, en septembre, à Václav, ou Venceslas en français, et à Ludmila.
« Mon troisième prénom de baptême est justement Václava. Je vais souvent dans la crypte de la basilique pour méditer. Pour moi, saint Venceslas représente l’humilité – un trait de caractère qui me manque. Je suis impulsive, je ressemble plutôt à Boleslav. Ce que j’apprends de saint Venceslas, c’est l’humilité. Son message est toujours d’actualité. Et sainte Ludmila ? Cette année, 1 090 ans se sont écoulés depuis sa mort : elle aurait été assassinée le 15 septembre 921. Elle nous aide à savoir ce que l’on devrait laisser aux générations futures. D’après elle, c’est le savoir-faire, l’éducation. Les chercheurs qui ont analysé ses ossements affirment que c’était une femme plutôt grande. Je l’imagine donc grande et énergique. J’imagine aussi que sa manière d’élever Venceslas a été rigoureuse. Et puis, en ce qui concerne les modèles familiaux, je défends toujours la cohabitation ou plutôt la coexistence des trois générations. Ce que vous donnent vos grands-parents, personne d’autre ne peut vous le donner. C’est un groupe social qui est extrêmement important, qui vous ouvre les portes de la vie. Alors sainte Ludmila pourrait aussi symboliser la génération des grands-parents. Elle nous rappelle qu’ils sont toujours utiles, et qu’ils sont importants, surtout pour les jeunes. »