Les enjeux de la République tchèque vue par la presse
L’année super-électorale. Telle est l’appellation que certains médias nationaux se plaisent à donner à cette année 2010 en évoquant ce qui attend le pays au cours des douze prochains mois. Par ailleurs, cette appellation a été utilisée, aussi, par le président de la République, Vaclav Klaus, dans son discours du Nouvel An. Les plus importantes de ces élections, les législatives, auront lieu en mai prochain. Des commentaires et des analyses à leur sujet paraissent pourtant d’ores et déjà dans les journaux.
L’hebdomadaire Týden souligne que les deux principaux partis – Le Parti civique démocrate (ODS), à droite, et le Parti social-démocrate (CSSD), à gauche, défendent la situation actuelle qui leur convient et qui leur assure la suprématie. Dans cette logique, les efforts en faveur du renforcement des votes de préférence ou bien en faveur du changement du système électoral de façon à ce que les petits partis aient plus de chance de réussir, n’ont effectivement que peu de chance d’aboutir.
Existe-t-il pourtant une solution, une issue à ce cercle vicieux que les deux grands partis veulent conserver ? Martin Fendrych écrit dans les pages de l’hebdomadaire :« Nous autres électeurs, nous devons être audacieux. Vingt ans après la chute du communiste, cela vaut la peine de s’essayer à des expérimentations en donnant notre voix aux petits et aux nouveaux partis qui ne sont pas encore tellement influencés par le business… Pourquoi ne pas voter, par exemple, le nouveau parti TOP 09, en dépit du fait qu’il compte en son sein pas mal d’anciens hommes politiques ? Et pourquoi ne pas donner notre voix à ceux des petits partis qui ne sont pas bien entendu néonazis et qui n’ont pas dans leurs rangs d’anciens membres de la police d’Etat ? »
Parmi ces derniers, l’auteur cite deux partis qui se disent « européens », ainsi que les Verts ou plusieurs autres formations qui n’ont pas précédemment franchi la barre des 5% nécessaire pour être représentés au Parlement … « Ne pas craindre. Ne pas voter le moindre mal ». Voilà la devise qu’il répète en conclusion de son article publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Tyden.
« Une tyrannie post-idéologique nous guette-t-il ? » C’est ainsi que s’intitule une note de la plume du journaliste Karel Hvížďala qu’il a récemment mise sur son blog et dans laquelle il réfléchit sur les élections d’une manière plus générale et, notamment, sur le fait que non seulement en République tchèque, mais dans l’ensemble de l’Europe, le nombre d’électeurs indécis à tendance à augmenter. Il écrit :« Les citoyens ne pensent pas avoir la possibilité de décider grâce aux urnes d’une véritable orientation politique, car la politique pratique des grands partis est presque identique : ce qui les distingue, ce ne sont pas leurs actes concrets, mais ce sont leurs discours ».
Ce qui manque, d’après l’auteur auquel on doit le sublime « Interrogatoire à distance » avec Václav Havel, c’est une vision compréhensible des orientations futures. Dans cette situation, les électeurs ont tendance à se décider impulsivement, selon leurs dispositions ou réactions momentanées, mais optant le plus souvent pour des certitudes. Le problème c’est que la société affronte non seulement une crise économique, mais aussi une crise de valeurs. Une situation qui demanderait un changement de mentalité de la population.
La démocratie est plus menacée dans les pays communistes qui portent le fardeau de leur passé totalitaire que dans la vieille Europe. Selon le philosophe Jiří Pribáň qui est cité dans cet article, ce ne sont pas les partis politiques, mais les électeurs qui constituent l’élément le plus faible dans le contexte de l’actuelle politique tchèque, car tout en dénonçant les élites politiques, il les tolère. L’opinion publique dans ce pays n’a encore aucune puissance.A près de cinq mois des prochaines élections législatives, Karel Hvížďala lance à la fin un appel en disant : l’état déplorable de notre politique constitue en tout premier lieu un défi pour les électeurs.
Cette semaine, l’audition des 26 nouveaux commissaires européens a commencé à Bruxelles. Parmi ceux qui se sont déjà présentés devant les députés européens, on a vu le candidat tchèque, Štefan Füle. Dans l’édition de ce jeudi du quotidien Lidové noviny, Luboš Palata publie à ce sujet un commentaire intitulé La Tchéquie, pays d’ex-communistes. En introduction, il écrit :« L’audition de trois heures a confirmé ce qu’on savait déjà : Štefan Füle est un diplomate expérimenté qui connaîtra très bien le travail qui l’attend. En tant que commissaire européen, il ne fera pas honte à la République tchèque. Mais c’est la République tchèque elle-même qui s’est couverte de honte en envoyant à Bruxelles comme candidat un ancien communiste et un ancien étudiant de l’Ecole de diplomatie de Moscou ».
L’article dénonce le fait qu’on n’ait pas réussi à choisir une personne qui, outre ses qualités professionnelles indéniables, serait également dotée d’un bon profil moral.« En choisissant au poste de commissaire un ancien communiste, formé à Moscou, nous encourageons les pires préjugés qui existent à notre égard dans l’Union européenne», souligne-t-il. Et d’ajouter : « La Slovaquie et l’Estonie ont commis la même erreur. Mais cela ne constitue pas une excuse. »
Selon Luboš Palata, « Štefan Füle fait partie des anciens communistes qui ne considèrent pas leur précédente appartenance au parti ou leurs études à Moscou comme une faute et qui ne ressentent aucun besoin de présenter pour cela leurs excuses. Mardi, au cours de son audition, il n’a pas saisi l’occasion qu’il avait de le faire... L’humilité et le repentir, les qualités qui sont tellement sympathiques chez le Premier ministre Jan Ficher ne sont pas les siennes. »
Le quotidien Lidové noviny rappelle qu’il y avait d’autres candidats de qualité au poste d’eurocommissaire tchèque : Vladimír Špidla et Alexander Vondra. A cause de l’incapacité des leaders des deux principaux partis politique, l’ODS et le CSSD, d’aboutir à un consensus, ils ont été finalement éliminés de la liste des candidats. L’auteur de l’article conclut :
« Cette expérience nous enseigne que le manque d’entente entre ces deux partis profite aux communistes ou, tout au moins, aux ex-communistes ».