« Les entreprises françaises ont plus que jamais intérêt à nouer des partenariats en RT »

Notre invité aujourd'hui dans cette émission économique est Michel Auribault, gérant d'une société basée à Prague spécialisée dans le conseil aux entreprises françaises désireuses de s'implanter en République tchèque.

« Pour les mêmes raisons qui m'ont poussé moi-même à revenir dans ce pays, puisque j'étais à l'ambassade de France ici entre 1991 et 1994. Je suis revenu en RT parce que contrairement à la France, on est encore en mesure ici d'engager des actions et de trouver un dynamisme et des créneaux d'ouverture qui sont plus difficiles à dicerner en France. Je dirais que le marasme qui touche une partie de l'économie française n'a pas encore frappé ici. Cela ne veut pas dire que cela n'arrivera pas un jour... Aujourd'hui je conseille effectivement aux entreprises françaises et francophones (luxembourgeoises et belges notamment) de venir dans ce pays parce qu'ils y trouveront des moyens de diversifier leurs activités, peut-être de sauver certains pans de leurs activités qui ont des problèmes en France, simplement pour des raisons de compétitivité, de différences des coûts de la main-d'oeuvre mais aussi parce que dans ce pays il y a des compétences évidentes et traditionnelles dans des secteurs classiques comme la mécanique, la métallurgie, la plasturgie, et puis dans des domaines beaucoup plus avancés comme l'informatique, l'électronique ou l'impression de qualité. Dans le domaine de l'impression, nous sommes en train de conquérir quelques marchés pour des maisons d'édition françaises, qui après s'être tournées vers les Allemands, les Italiens ou les Espagnols commencent à trouver en RT un certain intérêt à faire réaliser leurs éditions. »

On peut dire que vous faites partie des gens qui en quelque sorte poussent à la délocalisation, qui créé des polémiques en Europe Occidentale ?

« On peut dire effectivement que je suis une personne qui contribue à la ruine de l'économie française, modestement quand même... Mais il faut aussi voir la vérité : je pense qu'il ne faut pas voir la délocalisation avec tout ce qu'il y a de négatif derrière ce terme. Il faut voir en fait que pour certaines entreprises françaises, il n'y a pas d'autres solutions que de délocaliser ou de diversifier une partie de leurs ateliers ou une étape de la fabrication en RT pour peut-être permettre au reste de l'entreprise de survivre. »

Quels sont les principaux pièges à éviter quand on veut s'implanter en RT ?

« J'aurais tendance à dire qu'il n'y a pas beaucoup de pièges. Il faut simplement procéder très calmement, de façon à prendre le temps de bien identifier ce que représente l'activité dans le pays et ses acteurs principaux. Ensuite il faut essayer de se rapprocher de ces acteurs sans donner l'impression d'être pressé : engager des pourparlers en prenant le temps de découvrir, de se faire connaître. Bien sûr lorsqu'on vient on souhaite en général réaliser des économies d'échelle, pour ne pas dire des économies tout court. Il faut se dire que de l'autre côté il y a un niveau de vie qui augmente, donc quel que soit le devis qu'on va vous faire aujourd'hui, il est plus intéressant que dans un an. Ce sont d'ailleurs les problèmes que je rencontre avec une bonne partie de mes clients qui ne comprennent pas les augmentations successives pour des devis portant sur des mêmes activités ou des mêmes volumes.»

« Le prix des charges sociales, les salaires, le niveau de vie augmentent en RT beaucoup plus vite qu'en France. C'est peut-être ça le plus difficile : faire comprendre aux entreprises françaises que l'écart qui existe entre les deux économies se réduit et que pour elles ce sera de moins en moins intéressant. Mais je pense que nous avons encore 15 à 20 ans devant nous avant que les deux économies aient le même niveau. Donc dans les vingt années qui viennent il y a certainement de belles chances à envisager, pas forcément dans le domaine de la sous-traitance d'ailleurs.»

« Je pense que les entreprises françaises ont plus que jamais intérêt à nouer des partenariats et c'est ce que nous essayons maintenatn de les aider à faire : dépasser le cap de la simple commande d'ouvrages, de pièces mécaniques de précisions et plutôt inciter les entreprises françaises à identifier ce qu'elles peuvent apporter à une entreprise tchèque.

C'est effectivement souvent un support financier, mais ce sont aussi parfois certaines compétences dans des domaines bien précis, donc pour accompagner l'entreprise tchèque dans un développement qu'elle n'aurait pu faire toute seule. La France reste au niveau international un petit pays par rapport aux grands comme notamment l'Allemagne, mais les Italiens par exemple sont très présents dans le domaine immobilier... »

Est-ce que les entrepreneurs français ont mauvaise réputation ici ?

« Alors... Vous touchez un point particulier. Patriotiquement parlant, je dirais qu'il n'y a pas de raisons, que les liens qui unissent la France et la RT sont historiquement des liens qui sont solides depuis plusieurs siècles... »

Alors ça c'est patriotiquement parlant, dans la pratique maintenant ?

« Dans la réalité quotidienne, je dirais que mes compatriotes manquent peut-être d'agressivité, sont un petit peu timorés quand ils viennent, ont tendance à vouloir le beurre et l'argent du beurre et donc ne font pas toujours preuve du dynamisme qu'on pourrait espérer lorsqu'on se trouve en position d'intermédiaire... »

Ce n'est pas être timoré, mais plutôt arrogant quand on veut le beurre et l'argent du beurre...

« On peut dire arrogant, mais on peut dire aussi ambitieux... C'est aussi qu'on a des problèmes donc on tient à les régler. Non, je pense que les entreprises françaises passent plutôt bien dans les contacts qu'elles ont avec les entreprises tchèques et malgré tout elles ont besoin d'être conseillées dans les entretiens justement pour ne pas paraître - comme vous avez dit - trop arrogantes. Je ne pense pas qu'elles soient arrogantes, néanmoins elles connaissent mal les us et coutumes, les mentalités, et de ce fait certains comportements peuvent passer pour une trop grande assurance, une trop grande confiance en soi. »