Les ghettos roms en Tchéquie se comptent par centaines

Photo: www.ceskaghetta.cz

Financée en partie par l'Union européenne, et commandée par le ministère du Travail et des Affaires sociales, une étude sociologique sur les ghettos roms en République tchèque est en cours : alors que les résultats définitifs devraient être publiés en juillet, l'étude vient d'entrer dans la dernière phase d'analyse. Et les premières constatations sont loin d'être encourageantes.

Partie de l'ensemble des localités où vivent des populations roms, l'équipe de sociologues s'est ensuite concentrée sur quelque 330 localités « exclues socialement ou menacées de ghettoïsation ». Un chiffre beaucoup plus élevé que les suppositions faites à ce jour. Et un état de paupérisation avancé, qui a connu un tournant radical après la Révolution de velours. Ivan Gabal, qui dirige l'équipe de sociologues :

« Au cours des 15 dernières années, la société tchèque a enclanché un processus de mobilité relativement violent, qu'il s'agisse de mobilité sociale avec l'apparition du secteur privé, ou de mobilité spatiale avec la privatisation du fonds immobilier et la modernisation des villes etc. La communauté rom s'est retrouvée au milieu de ce mouvement : une partie a réussi à s'intégrer dans la population majoritaire, mais une partie importante a échoué. A la fois du point de vue de la mobilité sociale et d'une intégration au marché du travail, mais aussi du point de vue spatial, car avec les restitutions et les privatisations, les communautés roms qui ne payait quasiment aucun loyer ont souvent été expulsées dans les banlieues des villes, dans des logements provisoires ou se sont retrouvées concentrées dans certaines villes. C'est un processus dynamique qui est encore en marche. »

Une situation que, d'après Ivan Gabal, a également connu l'Europe occidentale, et qui en paye les conséquences aujourd'hui - pensons aux banlieues françaises. L'étude en question veut saisir une situation critique, mais encore en évolution, mais n'est-elle pas une énième analyse sur un état de fait connu comme le loup blanc ? Pour Ivan Gabal, elle représente un vrai changement dans ses objectifs et donc, dans les solutions qui pourraient en découler :

« L'hypothèse de départ, c'était qu'il y a de grandes différences dans le spectre même des ghettos ou des enclaves peuplées d'exclus, qu'il s'agisse de leur histoire, de leur taille, etc, et que les politiques menées jusqu'à présent ont été inefficaces parce qu'elles n'ont pas pris en compte les spécificités des différentes localités. Par exemple, des programmes mis en oeuvre dans des communautés roms à Prague doivent être différents de ceux appliqués dans le ghetto de Chanov, à Most, qui est grand complexe suburbain, complètement fermé. Cet effort pour dégager les spécificités des différentes localités et ainsi faire en sorte que les programmes soient adaptés et que le processus d'intégration sociale se mette en route, c'est ce que nous espérons atteindre et transmettre aux ONG ou aux autorités locales qui vont prendre le relais. »

Avec une population rom estimée en Tchéquie à un quart de million d'individus par les démographes, on suppose que des dizaines de milliers de personnes vivent dans des ghettos. D'après Martin Simacek, travailleur de terrain pour l'ONG L'homme en détresse, la situation des Roms tchèques est beaucoup moins tragique qu'en Slovaquie voisine. Néanmoins, d'après lui, si la situation sociale des Roms en République tchèque peut varier, pas le problème de la discrimination :

« La règle générale, c'est qu'un Rom a plus de difficulté à trouver du travail, que la discrimination sur le marché du travail existe et qu'elle s'applique à tous. Enfin, la relation de la société tchèque vis-à-vis des Roms est loin d'être optimale. Par exemple, la moitié de la population pense que les Roms ne savent pas s'adapter, qu'ils ne sont pas travailleurs etc, un cliché qui continue d'être entretenu. »