Les grands moments de l’existence du Théâtre de Vinohrady

Théâtre de Vinohrady

Il y a très précisément cent ans ouvrait ses portes le Théâtre de Vinohrady (Vinohradske divadlo) qui devait jouer un rôle important dans la vie culturelle de Prague et n’allait pas échapper aux avatars de l’histoire tchèque du XXe siècle.

Théâtre de Vinohrady
Au début du XXe siècle, il n’y avait qu’un seul théâtre permanent tchèque à Prague, le Théâtre national, ce qui devenait insuffisant. C’est pourquoi les conseillers municipaux de Kralovske Vinohrady, cité résidentielle à l’époque encore indépendante de Prague, ont demandé une concession pour construire un nouveau théâtre. Les travaux prennent alors deux ans et, le 24 novembre 1907, le rideau se lève sur une représentation de « Godiva », une nouvelle pièce du poète Jaroslav Vrchlicky. Le théâtre construit dans le style «fin de siècle» est orné de statues et de tableaux des meilleurs artistes et dispose d’une salle immense pour l’époque de quelque 1200 places. Sur sa scène coexistent d’abord trois genres - le théâtre dramatique, l’opéra et l’opérette, coexistence qui se révèle cependant bien difficile et, dès 1919, l’établissement n’est donc plus réservé qu’au théâtre dramatique.

Dans l’entre-deux-guerres son niveau artistique s’élève considérablement grâce à ses directeurs Karel Hugo Hilar et Jaroslav Kvapil, qui réunissent un ensemble d’excellents comédiens. Après la guerre, le théâtre passe pendant un temps sous la gestion de l’armée tchèque, une situation guère favorable à son évolution artistique, avant de connaître sa deuxième période de gloire dans les années soixante. Le doyen des acteurs du théâtre, Otakar Brousek, se souvient :

« Le Théâtre de Vinohrady a eu un niveau élevé sous la direction de Jiri Frejka et ensuite pendant la période où il a été dirigé par l’écrivain et dramaturge Frantisek Pavlicek qui collaborait avec d’excellents metteurs en scène, dont Jaroslav Dudek, Jan Strejcek et Frantisek Stepanek. C’était la période du dégel politique. »

Ce dégel salutaire est brutalement coupé par l’invasion des armées du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en août 1968 qui précède la mise en place d’une politique tristement célèbre paralysant toute la vie culturelle tchèque. Otakar Brousek :

« Cela a touché notre culture dans son ensemble. C’était le début de la période de la normalisation, le pouvoir de décision est passé à des comités du Parti communiste et la culture était dirigée par les organes du parti. Cela s’est manifesté évidemment dans le programme du théâtre. Je dois dire cependant que même dans cette période-là le public pouvait voir de temps en temps sur la scène du théâtre une excellente production. »

Après la chute du communisme en 1989, l’établissement s’ouvre à un public populaire mais la critique ne voit pas d’un bon oeil les tendances qui le rapprochent du théâtre de boulevard. Son directeur actuel, Martin Stropnicky, relève donc le défi, cherche à donner à son établissement un répertoire plus ambitieux et à redorer son blason. Quels devraient être les ambitions et les objectifs de ce théâtre ? Pour Otakar Brousek, la réponse à cette question est tout à fait évidente :

« Je crois que c’est écrit sur l’édifice de notre théâtre. Quand vous entrez dans notre théâtre par les portes de derrière, vous pouvez lire sur une corniche de la façade trois mots « Au Bien, à la Vérité et à la Beauté ». Je crois que les bourgeois de Prague qui ont réussi à fonder, bâtir et ouvrir ce théâtre il y a un siècle savaient très bien quelle était la tâche de ce théâtre pragois. »