Les jeunes Tchèques comprennent le sacrifice de Jan Palach

Jan Palach

Ce jeudi 19 janvier, 37 ans se seront écoulés depuis la mort de l'étudiant Jan Palach. Trois jours auparavant, il s'était immolé par le feu en signe de protestation contre la normalisation imposée à son pays, au lendemain de l'écrasement du Printemps de Prague, par les troupes du Pacte de Varsovie. Comment son sacrifice est-il perçu aujourd'hui par les jeunes Tchèques?... Une réponse dans ce magazine, et le regard d'un Français...

Août 1968
« Pour moi, Jan Palach est l'un des personnages clés de l'histoire tchèque. Il a osé ce que les autres n'auraient jamais fait. Il a réussi à faire comprendre à la nation que les Russes, les occupants, n'avaient pas de place dans ce pays et que l'on devait s'y opposer ».

Jan Parez est étudiant au lycée de Prague qui porte le nom de Jan Palach. Un autre lycée du même nom se trouve à Melnik, ville située à une trentaine de kilomètres de Prague, là où Palach avait fait ses études secondaires avant d'accéder au cycle supérieur, à l'Université Charles, à Prague. Et Jan Parez, qui est venu à Vsetaty, ville natale de Jan Palach, pour participer à la traditionnelle cérémonie commémorative, d'ajouter :

« C'était un immense sacrifice, l'acte d'un courage absolu. Un sacrifice pour la nation. Je refuse l'idée que son acte puisse être considéré comme un suicide, ce qui arrive, parfois ».

Selon ce jeune étudiant, Jan Palach est aujourd'hui généralement connu des jeunes. Cela dit, il ne pense pas que tout le monde ait pour lui autant d'estime et de reconnaissance que lui-même. L'explication ? Les jeunes ne s'intéressent pas tellement à l'histoire et ont même tendance à oublier ce que les communistes ont causé dans ce pays. D'un autre côté, il se déclare satisfait de la manière dont on enseigne l'histoire à son lycée et du fait que l'anniversaire de la mort de Jan Palach y soit chaque année commémoré et que des concours et d'autres manifestations y soient organisés, à cette occasion. Lui-même, serait-il capable d'un acte comparable ? Voici sa réponse :

« Probablement, je ne serais pas capable d'un acte absolu. Le courage me manquerait. Je ne saurais pas faire ce que lui a fait. Mais ce qui est sûr c'est que je saurais faire tout ce que mes forces me permettraient de faire ».

Jean-Pierre Fargette est un Français qui se rend, régulièrement, depuis cinq ans, à Vsetaty. Chaque fois, il déclame un poème différent, rédigé pour l'occasion...



Etoile Européenne au firmament de Prague

Tu n'eus qu'un seul printemps mais tu restes immortel,

Fulgurant météore, éclair de Liberté !

En place Venceslas, tu fis un maître-autel,

Où sacrifiant ta vie, elle fut célébrité !

Si la mort change bien toute vie en destin,

Héros des Temps modernes, le tien est fabuleux !

S'il est aisé de dire, Poutine est un pantin,

Lors du Rideau de fer, tous étaient plus frileux !

Goulag en Sibérie, rue Barthoméléo,

Quand tous baissaient les yeux, tu ouvris ton caquet,

Comme en Chine Etudiants ont leur Dazibao,

Du courage il fallait pour frotter ton briquet !

Refusant l'Esclavage où tant se complaisaient

Ton cri de Liberté exigeait d'être brave.

Il faut beaucoup d'amour pour se martyriser,

Tu rêvais d'un Pays libéré, sans entrave !

Et quand sur le Pont Charles scrutant le firmament,

Cette étoile scintille, je t'y vois bien présent,

Protégeant la Tchéquie que t'aima fièrement,

Etoile Européenne, c'est bien valorisant !



Martin Matecha, lui aussi, étudie au lycée Jan Palach de Prague. Voici comment il caractérise celui qui a choisi le destin de « torche vivante ».

« C'est une très grande personnalité de notre histoire. Il a invité la nation à unir ses forces afin de lutter contre le mal qui s'est établi dans le pays, pour une vingtaine d'années. Je regrette que beaucoup de gens oublient comment était alors la situation. Je pense que c'est ma génération, les jeunes, ayant dorénavant de très grandes possibilités, qui seront capables d'améliorer les choses, de changer les comportements... Les gens ont tendance à oublier, ils ont une mémoire très courte... Si les choses devaient se répéter, je n'aurais pas le courage de Jan Palach pour m'immoler par le feu, mais je ferais tout mon possible pour renverser la situation ».

Et Martin d'exprimer la conviction qu'il ne serait pas le seul, car la plupart de ses camarades de classe et de ses copains ferait à coup sûr la même chose.