L’histoire mouvementée de la tombe de Jan Palach
La Toussaint est aussi l’occasion pour les Tchèques de se souvenir de Jan Palach, ce jeune étudiant qui s’est immolé en janvier 1969 pour protester contre l’occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. Dimanche, 30 ans se sont en effet écoulés depuis le rapatriement de ses cendres au cimetière d’Olšany à Prague. Retour sur l’histoire mouvementée autour de la dépouille de Jan Palach.
Lorsque Jan Palach, 20 ans à peine, choisit un geste radical pour exprimer son refus de se laisser aller à l’indifférence, moins de cinq mois après l’invasion de son pays par les troupes du pacte de Varsovie, c’est tout une population qui semble sortir soudain de la léthargie qui s’est progressivement installée et qui retrouve une forme d’unité. Secouée, la population tchécoslovaque se rend en masse à ses obsèques à Prague pour lui rendre hommage, un événement qui prend des allures de manifestation silencieuse.
Alors qu’à l’origine Jan Palach devait être enterré au cimetière de Vyšehrad, lieu du dernier repos de nombreuses personnalités tchèques, les autorités communistes s’y opposent, mais acceptent finalement qu’il soit inhumé au cimetière d’Olšany, dans le quartier de Vinohrady. La tombe devient très vite un lieu de pèlerinage, comme le rappelle l’historien Petr Blažek :
« Il n’y avait pas seulement des Tchèques et des Slovaques qui se rendaient sur la tombe, mais aussi des touristes et des journalistes étrangers, ou encore des diplomates. Les autorités communistes voyaient d’un très mauvais œil le fait que les gens y laissent non seulement des bougies, mais aussi des messages ou des bouquets de fleurs. »
Régulièrement, les patrouilles de la police communiste viennent « faire le ménage » sur la tombe de Jan Palach. Elle va même jusqu’à faire retirer la pierre tombale réalisée par le sculpteur Olbram Zoubek, déjà auteur du masque funéraire du jeune étudiant, et ce, 18 jours seulement après son installation. Finalement, la police politique décide quatre ans plus tard de faire transférer la dépouille de Jan Palach, considérant que sa présence à Prague est une « provocation » selon la terminologie de l’époque. Les autorités font alors pression sur la mère et le frère de Jan Palach, comme le rappelle Petr Blažek :
« On leur a fait du chantage. Au cimetière, on leur a fait comprendre que s’ils n’acceptaient pas de faire exhumer le corps, la tombe serait de toutes façons détruite, avec ou sans leur accord, et la dépouille finirait dans une fosse commune. »
Dans un documentaire de la Télévision tchèque de 1996, Jiří Palach, son frýrem s’était également souvenu :
« C’était infect. Nous avons dit que nous n’étions pas d’accord, mais c’est uniquement à cause des conséquences de ce chantage, que nous avons accepté de signer leur papier. »
La dépouille de Jan Palach est donc finalement exhumée, puis incinérée en 1973, et la mère du jeune homme fait inhumer ses cendres à Všetaty, sa ville natale. Ce n’est que le 25 octobre 1990, soit près d’un an après la révolution de Velours et la chute du communisme en Tchécoslovaquie, que l’urne sera officiellement rapportée au cimetière d’Olšany, en présence de l’ancien dissident devenu président, Václav Havel.
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La mémoire de Jan Palach est aujourd’hui toujours entretenue, que ce soit à la Toussaint, donc, ou le jour-anniversaire de sa mort, mais aussi via un musée installé dans sa maison natale de Všetaty qui a été entièrement remaniée et qui a ouvert au grand public il y a un an.