Les Journées du patrimoine européen
Les Journées européennes du patrimoine qui se sont déroulées pendant la semaine du 8 au 16 septembre en République tchèque ont été une bonne occasion pour les touristes de découvrir des lieux habituellement fermés aux visiteurs, ceux qui normalement, servent à d'autres fins, en tant que mairies, écoles, ou maisons d'habitation ou encore ceux qui présentent quelque chose de particulier, du point de vue de l'héritage culturel commun. Le sens des journées est, en effet, la recherche des voies conduisant aux racines de notre civilisation européenne commune. Un tel monument, parmi tant d'autres qui ont ouvert la porte au public, la tour Henri, /Jindriska vez/ dans le centre de Prague, à deux pas de la place Venceslas, que nous vous proposons de revisiter aujourd'hui.
La tour Henri se dresse au bout de la rue du même nom qui débouche sur la place Venceslas. Même pour les Pragois, la visite de la tour Henri est une révélation car elle est restée presque constamment fermée tout au long des décennies écoulées. Depuis son inauguration, en décembre 2002, elle est devenue un nouveau centre de la vie culturelle pragoise. L'espace droit sous les poutres anciennes, en plus d'offrir des vues panoramiques de la ville, est aussi une sorte de club à l'ambiance inimitable ayant déjà accueilli de nombreux artistes et acteurs. Un café se trouve au premier étage, des boutiques aux troisième et quatrième, des salles d'exposition au sixième, et les septième et huitième étages sont occupés par un restaurant. En 2003, à l'occasion du 655e anniversaire de la fondation de la Nouvelle-Ville de Prague, l'horloge de la tour, qui date du XVe siècle, a été remise en marche.
Notre visite commence au dernier étage, le dixième, juste sous le toit. Un escalier long de 200 marches ou, ce qui est plus rapide, un ascenseur, nous y conduit. Les petites fenêtres dans le coin de la tour haute de 65,7 mètres offrent des vues inattendues sur Prague. Le guide, Jan Stenicka, raconte:
"La tour Henri, de style gothique tardif avec des éléments Renaissance, a été érigée en 1472 en tant que clocher indépendant, à l'instar des campaniles italiennes, à côté de l'église Saint-Henri qui s'y trouvait déjà depuis 1348, sous le règne de Charles IV. L'empereur génial, Charles, nous a laissé à Prague plusieurs tours, points magiques construits selon les règles précises de la constellation des étoiles. Quant à la tour Henri, elle a été conçue également selon des règles précises, en tant que contrepoint à la tour de l'hôtel de ville de la Nouvelle-Ville, à la même distance du lieu appelé la Croix d'or, qui se trouve au milieu de la place Venceslas. L'empereur Charles n'a jamais été à Jérusalem, mais c'est comme s'il avait été inspiré dans son oeuvre par le chemin romain. Trois fois, au moins, dans son histoire, la tour Henri a été gravement endommagée, la première fois, en 1648, par l'artillerie suédoise, ensuite lors du siège prussien en 1757, et puis encore en 1801, lors d'une tempête qui a détruit son toit gothique élancé. Des remaniements néogothiques ont été réalisés dans les années 1876 - 79 par l'architecte Josef Mocker, qui est aussi l'auteur de plusieurs autres tours d'églises à Prague visibles du haut de la tour Henri."
Le restaurant Au Clocher, qui se trouve au huitième étage de la tour, a reçu son nom d'après la cloche qui s'y trouve. Jan Stenicka explique :
"La cloche plus précieuse est la cloche Maria, qui pèse plus de 700 kilos et a un mètre de diamètre. Elle a été coulée en 1518 par le maître Bartholomé de Moravie et réparé par l'atelier Manousek. L'autre cloche Henri, qui date, elle, de 1680, est, avec ses 3350 tonnes, la cloche la plus lourde de la tour. En mai 2003, la tour a reçu un nouveau carillon formé de dix cloches coulées en bronze, chacune d'entre elles portant le nom de leurs prédécesseurs qui se sont trouvés, au fil des siècles, dans la tour. L'instrument joue chaque heure l'une des quelques 1100 mélodies."
De l'extérieur, la tour est un beau monument médiéval, à l'intérieur, un ouvrage du IIIe millénaire, avec un système de climatisation et d'éclairages ultramodernes. En effet, pour ne pas abîmer la construction originale, il a été décidé, lors de la dernière rénovation commencée en 2001, qu'une nouvelle tour serait édifiée à l'intérieur de l'ancienne. La construction en béton armé de la nouvelle tour, oeuvre de l'architecte Jiri Vrzal, ne touche pas les murailles élevées avec des pierres de carrière de Cesky Brod. Il est intéressant de rappeler que durant la période baroque, la pierre a été recouverte de stucs que l'architecte Mocker a enlevés lors des remaniements au XIXe siècle. Une exposition installée au sixième étage nous familiarise avec l'histoire et le présent des tours pragoises. Comme on le sait, la plus haute, avec ses 216 mètres, et la plus controversée pour sa construction faisant penser à une rampe de lancement de missiles, est la tour de l'émetteur Zizkov, de Vaclav Aulicky.
Il est devenu une tradition de déposer dans les tours des messages pour les générations futures. Il en est de même à la tour Henri, dit Jan Stenicka:
"Dans le bulbe de la tour, on a trouvé des rouleaux qui fournissent des témoignages sur les différentes époques. A l'occasion des derniers travaux terminés en 2002, de nouveaux messages ont été déposés dans le bulbe pour les générations futures. Aux documents anciens qui y reposent, le président d'alors Vaclav Havel, le cardinal Miloslav Vlk et le maire de Prague Pavel Bem ont ajouté, le 12 décembre 2002, leurs rapports sur le présent. Dans son message écrit à la main et signé du coeur qui lui est typique, Vaclav Havel exprime la joie de la liberté retrouvée."