« Les Luxembourgeois se réjouissent avec les Tchèques »

Charles IV

Tout au long de cette année, les Tchèques mettent les petits plats dans les grands pour célébrer le 700e anniversaire de la naissance de celui qu’ils considèrent, historiquement, comme le plus grand d’entre eux. Mais, bien que roi de Bohême et empereur des Romains, Charles IV, deuxième souverain sur le trône de Bohême issu de la maison de Luxembourg, appartient aussi à l’histoire du Luxembourg, dont il a été le comte de 1346 à 1353. C’est notamment pour cette raison que le Prix Charles IV a été décerné récemment au Grand-Duc de Luxembourg. Le choix d’Henri, qui participera en mai prochain aux cérémonies officielles organisées à Prague, rappelle ainsi les liens historiques qui unissent la République tchèque et le Luxembourg. C’est cela, entre autres, qu’a souligné Michèle Pranchère-Tomassini, ambassadrice du Grand-Duché à Prague, dans l’entretien qu’elle a accordé à Radio Prague :

Michèle Pranchère-Tomassini,  photo: YouTube
« Cela faisait un certain moment (quatorze ans, ndlr) que ce prix n’avait plus été attribué. Le 700e anniversaire de l’anniversaire de Charles IV était donc l’occasion. C’est un prix international qui a une certaine importance puisqu’il est conjointement attribué par la ville de Prague et l’Université Charles. Toutes les personnalités qui se sont vu remettre ce prix jusqu’à maintenant ont été des personnalités marquantes de dimension internationale. »

« Les lauréats (le premier a été le philosophe français Paul Ricœur en 1993, ndlr) proviennent d’horizons très divers. Il s’agit aussi bien de scientifiques que de musiciens, de Tchèques que d’étrangers. Mais tous ont pour point commun d’avoir un rayonnement qui va au-delà de leur domaine d’excellence. Un scientifique comme Carl Friedrich von Weizsäcker était un physicien mais aussi un humaniste… Le violoncelliste Mstislav Leopoldovitch Rostropovitch a joué un rôle éminent dans l’avènement de la nouvelle Europe, que ce soit dans son propre pays ou par exemple à Berlin, où on l’a vu devant le Mur au moment de sa chute en 1989. Quels qu’ils soient, les lauréats du Prix Charles IV sont donc toujours des personnalités ouvertes sur notre monde. »

Que représente pour le Luxembourg ce 700e anniversaire de la naissance de Charles IV ?

« Que les Tchèques se souviennent de leur souverain si longtemps après et de manière positive nous touche beaucoup. Et qu’ils se souviennent que ce souverain est issu d’une union entre la dernière descendante de la dynastie des Prémyslides et la dynastie des Luxembourg nous fait très plaisir, comme vous pouvez l’imaginer. »

Charles IV
Charles IV, qui a été élu « Plus grand Tchèque de l’histoire » selon une enquête comme il en est organisé un peu dans tous les pays (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/charles-iv-elu-plus-grand-tcheque-de-tous-les-temps), est-il un personnage que le « Luxembourgeois moyen » connaît lui aussi ?

« Je trouve cela amusant que vous disiez que Charles IV a été élu. Car il a été élu deux fois. Et c’est ce qui distingue la fonction de l’empereur, à savoir qu’elle est élective. Il est important de le rappeler. Et effectivement, plus récemment, Charles IV a été élu également personnalité la plus marquante pour les Tchèques. Pour les Luxembourgeois, c’est un peu différent. Nous avons surtout un lien avec le père de Charles IV, que nous appelons Jean l’Aveugle et que les Tchèques appellent eux Jan Lucemburský (Jean de Luxembourg), ce qui est plus beau d’ailleurs… C’est donc surtout de Jean dont nous sommes fiers, de sa façon de finir en beauté, en vrai chevalier et seigneur de guerre qui se lance dans le combat parce qu’il a envie de mourir sur le champ de bataille alors qu’il sait que c’est une cause perdue d’avance (Jean 1er de Luxembourg et de Bohême est mort au cours de la bataille de Crécy en 1346, ndlr)… »

« Son fils Charles, qui représente une nouvelle époque, part lui de la bataille. Il ne veut pas se sacrifier, parce qu’il voit qu’il y a d’autres moyens et d’autres projets à parfaire. Il prend donc le tournant, sur le champ de bataille, d’entrer dans une nouvelle période historique. Cette relation entre père et fils et cette rupture dans la famille sont quelque chose de formidable. »

Dans quelle mesure l’ambassade du Luxembourg participe-t-elle à la préparation des différentes manifestations organisées en République tchèque pour cet anniversaire ?

Luxembourg,  photo: Francisco Anzola,  CC BY 2.0 Generic
« Charles IV est vu ici comme le père de la nation. Nous laissons donc ce privilège à nos amis tchèques. Nous nous réjouissons avec eux et nous accompagnons ces festivités. D’abord, cela fait très plaisir d’être invités et de voir le Luxembourg honoré par la même occasion, comme ce sera le cas avec le Grand-Duc Henri en mai prochain. Mais la ville de Luxembourg organisera aussi un cycle d’activités avec l’ambassade tchèque. Il y aura notamment un cycle de conférences avec des historiens spécialistes de l’époque et de Charles IV, des expositions et bien évidemment des concerts parce que Jean l’Aveugle comme Charles IV étaient des gens extrêmement cultivés qui avaient une ouverture d’esprit et soutenaient en tant que mécènes le développement des arts et notamment de la musique. Peut-être parce qu’ils voyageaient beaucoup et avaient toujours leurs musiciens avec eux. Mais comme on le voit à Prague, ils étaient investis aussi dans l’architecture et on ne peut donc pas se passer de cet aspect artistique lorsque l’on évoque ces personnages. »

Le poste d’ambassadeur du Luxembourg à Prague est-il particulier en raison de ces liens historiques entre le Luxembourg et les pays tchèques ?

Jean l’Aveugle
« C’est un plaisir d’être ici effectivement parce que nous représentons un aspect de l’histoire. Le défi est de ne pas laisser cet aspect pétrifié mais de lui donner un tournant vivant. Et puis, bien sûr, cela fait très plaisir quand on voit le lion de Bohême, qui est aussi le lion du Luxembourg, sur n’importe quel édifice. On se sent le bienvenu. On voit dans l’architecture pragoise, celle qui a précédé la période baroque, des échos qui correspondent à l’architecture luxembourgeoise de la même époque. Bref, les Luxembourgeois se sentent vraiment chez eux ici. »