Les martyrs de l'église Saint-Cyrille et Méthode
Il y a 59 ans, dans la nuit du 5 au 6 mai, 1 600 barricades s'élevaient dans Prague contre les occupants allemands : mal armés, les insurgés livrèrent de durs combats contre les troupes allemandes. Le 8 mai, la garnison allemande capitulait, un jour avant l'arrivée des Soviétiques. 2000 Pragois tombèrent lors de ces combats. En 1942, en mai également, des parachutistes tchèques s'illustraient par un autre acte d'héroïsme : l'élimination de Reinhard Heydrich, chef du Protectorat de Bohême-Moravie. Nous nous penchons aujourd'hui sur l'histoire, mal connue, de la fuite et la cache des membres d'Opération Anthropoïde ".
Un commando de sept hommes est parachuté, depuis Londres, dans la nuit du 28 décembre 1941. Ses membres sont d'anciens capitaines ou adjudants de l'armée tchécoslovaque, qui combattirent en France en 1940 avant de passer à Londres, où ils officient avec brio dans l'armée britannique. Leur mission recèle deux objectifs : la collecte de renseignements, dévolue au groupe "Silver A" (Alfred Bartos, Josef Valcik et Jiri Potucek) et surtout l'élimination de Heydrich. Celle-ci est le fait du groupe " Antropoid ", avec Jan Kubis et Josef Gabcik. Le musée de l'Armée, qui y consacre une exposition permanente fort intéressante, permet de revivre la préparation puis le déroulement de l'opération. On peut y voir les fiches de rapport sur l'état de préparation des deux hommes avant leur départ. Rédigées par l'encadrement britannique, elles synthétisent le niveau de chacun dans les disciplines dont ils auront besoin le moment venu : tir, course, lancer de grenade...
Le 27 mai 1942, à 10 h 30 du matin, Jan Kubis et Josef Gabcik liquident Reinhard Heydrich, qui circule en voiture, au coin de la rue v Holesovickach, dans le quartier de Liben.
La fureur des nazis culmine lors des doubles funérailles de Heydrich, qui se tiennent à Berlin les 7 et 9 juin 1942. La Grande-Bretagne et les réseaux de résistance tchèque ne s'y étaient pas trompés en désignant leur cible : il s'agissait de déstabiliser le commandement allemand en le touchant au coeur. Abattre Heydrich, c'était éliminer l'un des hommes les plus redoutés du Reich, chef de la police et l'un des inspirateurs du génocide contre les Juifs.En attendant de dénicher les coupables, les nazis exercent des représailles faciles et déjà traditionnelles pour eux : les villages de Lidice et Lezaky sont rasés et leurs habitants exécutés ou déportés.
Les Allemands proposent 10 millions de couronnes à toute personne qui permettra de trouver le commando. Où sont ses membres depuis le 27 mai ?
Ils sont sous terre, non pas morts, mais cachés dans la crypte de l'église orthodoxe Saint-Cyrille et Méthode, rue Resslova. Jan Kubis est abrité le premier, le 30 mai 1942, suivi par Gabcik et les autres parachutistes. Loin d'être inopinées, la fuite et la cache du commando s'inscrivent dans la continuité d'Opération Anthropoïde. Petr Fatek, membre de la Ligue contre la tuberculose, est chargé de trouver un point de chute pour le commando. Il s'adresse à Jan Sonnevend, lui aussi membre de la Ligue et responsable de l'Assemblée des fidèles orthodoxes de l'église. Sonnevend confie le secret de la présence des parachutistes dans la crypte à Vladimir Petrek, prêtre orthodoxe. C'est ce dernier qui fournira aux reclus nourriture et journaux. Les autres membres de l'église seront mis au courant plus tard. L'opération illustre bien les liaisons subtiles qui pouvaient exister entre la résistance intérieure et la résistance extérieure, basée à Londres. Ce sera, paradoxalement, l'un des parachutistes, Karel Curda, qui causera la perte de ses camarades. S'il ne sait pas lui-même où ils sont cachés, il en dit assez pour permettre aux Allemands de les retrouver. On ne connaît pas, aujourd'hui encore, les raisons réelles qui poussèrent Curda à cette trahison. Des photos d'époque le montrent en tout cas identifiant les cadavres de ses compagnons, après la prise d'assaut de l'église par les nazis. Le 18 juin, à 2 heures du matin, l'ordre est lancé d'investir l'église. Les autorités ont donné l'ordre de capturer les parachutistes vivants. Leur sort était fixé à l'avance, mais il fallait à tout prix un procès-spectacle, à la hauteur de l'importance de la victime, Reinhard Heydrich. Les nazis n'auront pas ce plaisir. Malgré les tentatives d'inondation de la crypte, les parachutistes mourront les armes à la main, soit des suites directes de l'assaut, soit en se donnant la mort. Il aura fallu plus de quatre heures aux 360 membres de la SS pour venir à bout des sept reclus.Ces derniers auront même tenté de creuser un trou à travers les murs de la crypte pour s'enfuir par les canalisations. On peut voir ce trou encore aujourd'hui, orné de multiples hommages inscrits sur des petits papiers par des Tchèques ou des touristes. En septembre 1942 s'ouvre le procès des membres de l'église orthodoxe. Tous sont exécutés : Sonnevend, Petrek ou encore l'évêque de Gorazd, fondateur de l'église orthodoxe de Bohême. Il sera canonisé par l'Eglise orthodoxe en 1987.
Véritables martyrs de la liberté, les parachutistes, mais aussi les prêtres de l'église Saint-Cyrille et Méthode, ont écrit une page d'héroïsme et de sacrifice dans l'histoire de la Bohême. Il est possible, aujourd'hui, de visiter la crypte de l'église, située rue Resslova. Une visite émouvante et instructive que nous vous conseillons vivement. A l'heure où nous célébrons l'entrée de la République tchèque dans l'Union Européenne, nous ne devons pas oublier ceux qui se sacrifièrent pour sa liberté.