Les médiateurs sociaux, une solution face à la fracture sociale grandissante ?

Foto ilustrativa: Štěpánka Budková

De récentes enquêtes sociologiques ont souligné l’aggravation de la fracture sociale en République tchèque. Ce fossé entre une tranche de la population socialement intégrée et favorisée et une autre composée d’exclus est de plus en plus large dans les villes. Les troubles récents, et notamment les manifestations anti-Roms en Bohême du Sud, ont conduit les autorités à renforcer le dispositif de déploiement des médiateurs sociaux dans les zones socialement exclues.

Photo illustrative: Štěpánka Budková
L’écart social qui se creuse dans les villes est à la source de tensions de plus en plus intenses. A ce sujet, le sociologue Jan Keller s’inquiète de la polarisation croissante de la société tchèque en trois couches bien distinctes. Il identifie ainsi des individus riches qui ont assez de ressources pour s’installer en dehors de la ville ou bien qui achètent des appartements chers dans le centre, où ils se sentent en sécurité. D’autre part, certains individus vivent pour la deuxième ou troisième génération dans des cités délabrées : ils sont au chômage avec un taux de pauvreté élevé et dans une situation désespérée. Entre ces deux catégories, la classe moyenne navigue avec des espoirs d’ascension sociale de plus en plus minces.

Mais toujours selon Jan Keller, ce constat doit prendre en considération les distinctions régionales. La situation est plus tendue en Bohême du Nord, dans la région d’Ostrava en Moravie-Silésie, et enfin à České Budějovice, en Bohême du Sud, où les conflits sociaux ont connu une escalade cette année.

Les événements récents ont d’ailleurs conduit une partie des municipalités à faire appel à des médiateurs sociaux pour aider les forces de la police dans les zones socialement exclues et mener une action préventive pour pacifier les relations dans l’espace public local. Le ministre de l’Intérieur Martin Pecina souligne le rapport privilégié qu’ont les intervenants avec leur lieu d’intervention :

« Ce sont des gens qui viennent de cet environnement troublé. Il y aussi des Roms, ce sont des gens qui connaissent les problèmes de ces localités. »

Le quartier de Máj à České Budějovice,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Le quartier de Máj à České Budějovice est au centre de l’attention depuis la fin du mois de juin. Avant d’être instrumentalisé par certains groupes d’extrême droite et de prendre un ton ouvertement raciste, l’objectif initial du rassemblement à České Budějovice était d’améliorer la vie en commun dans le quartier. Comme dans la majeure partie des villes tchèques, la source principale des tensions sociales est la précarité économique et sociale d’une grande partie des habitants, qui sont privés des services publics de base (hôpitaux, écoles) et touchés par la dégradation des moyens de transport. Le maire de České Budějovice, Juraj Thoma, explique comment la sélection des médiateurs se déroule :

« Il y a un professionnel qui s’occupe de la protection sociale et juridique des enfants et un bureau de travail qui est chargé d’identifier les moyens pour pouvoir faire valoir les droits des communautés majoritaire et minoritaire. »

Les candidats aux postes doivent remplir un questionnaire et soumettre une lettre de motivation. Mais la condition sine qua non est la connaissance des problèmes locaux. Il faut également que la personne en question n’ait pas été condamnée pour une infraction et n’ait pas été poursuivie en justice les trois dernières années. C’est sur ce dernier point que plusieurs candidats ont échoué. Le rôle des médiateurs est primordial mais l’augmentation des conflits locaux, malgré leur caractère social inquiétant, ne peut en aucun cas être comparée à la situation dans les banlieues parisiennes ou londoniennes. Jan Keller s’efforce en effet de nuancer un constat de prime abord alarmant :

« Nous avons surtout des petites villes, pas des métropoles de plusieurs millions d’habitants. La désintégration sociale ne progresse pas aussi vite que dans les grandes villes. »

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Alors que le Service de renseignement de sécurité (BIS) a publié un rapport selon lequel le sentiment anti-Roms manifesté par la population est plus préoccupant que les activités de l’extrême droite, le rôle de la médiation entre les différentes catégories de population est donc primordial non seulement pour prévenir les troubles sociaux mais aussi afin de favoriser le dialogue entre les différentes catégories de la population. L’appellation de médiateurs sociaux devrait ainsi peut-être modifiée en ce sens, puisque le titre de leur poste se limite, en tchèque, à celui « d’assistant de prévention de la criminalité ».