Les micromaisons, un phénomène qui intéresse aussi les Tchèques
Planter sa tente sur un terrain inoccupé et vivre en pleine nature, c’est ce que fait un nombre croissant de personnes mais avec… des maisons. Celles-ci portent le nom de micromaisons ou tiny houses en anglais et viennent tout droit des Etats-Unis, à plus de 8000 kilomètres de la République tchèque.
Pour donner une définition simple de la micromaison, on pourrait tout simplement dire qu’il s’agit de vivre mieux avec moins dans un espace réduit. Le mouvement qui en découle prône la simplicité volontaire. Dans ces habitations en bois ne dépassant pas 20m2, chaque cm2 doit être optimisé, ce qui nécessite de ne garder que l’essentiel. Ce mode de vie prouve qu’il est possible de devenir propriétaire même avec un petit budget.
Joshua Woodsman, de son vrai nom Vojtěch Valda, s’est lancé dans la construction de cabanes, de cottages et de tiny houses après ses études d’architecture avec son cabinet du nom de Pin-Up Houses. Cette entreprise est davantage axée sur le marché américain et représente le savoir-faire tchèque dans la construction de micromaisons à l’étranger.
« La micromaison est un thème qui est apparu plutôt récemment. Chacun peut concevoir sa propre expérience en fonction de sa façon d’aménager l’habitat. Ce n’est donc pas un sujet facile à définir. Ces micromaisons impliquent un mode de vie centré sur soi-même. »
« A la base, les gens qui vivent dans une micromaison ne rejettent pas le consumérisme. Ils n’ont juste pas assez de moyens pour vivre dans un grand pavillon. Ils ont besoin de vivre quelque part et pour cela ils doivent réduire leurs besoins et se contenter de moins. Il est également possible d’en tirer un mode de vie. Ce sont ces deux aspects à la fois. Vivre dans une micromaison convient généralement aux personnes qui cherchent à rejeter le consumérisme ainsi qu’à vivre plus près de la nature. »
Un mouvement apparu aux États-Unis
Imaginées au début des années 2000 par l’architecte américain Jay Shafer, avec l’apparition de la Small House Society, les micromaisons se sont popularisées à la suite de catastrophes naturelles et économiques comme l’ouragan Katrina en 2005 ou la crise des subprimes de 2008. Elles sont devenues des solutions pour se reloger rapidement et durablement et ce, pour pas trop cher.
« Cette tendance vient des Etats-Unis car de plus en plus de personnes ne sont plus en capacité d’acheter un pavillon comme c’est le cas pour la classe moyenne. Pour beaucoup, le rêve américain reste intact. Cette partie de la société développe alors un nouveau mode de vie avec les micromaisons. Cela relève davantage de la sociologie que de l’architecture car cela ne se résume pas simplement à un habitat. Les gens trouvent une propriété mais ils n’ont pas forcément le temps et les moyens de construire une grande maison et la micromaison permet de répondre à ces critères. »
Un choix de vie motive differemment en Tchéquie
Après avoir été initié aux Etats-Unis, le mouvement des micromaisons a gagné l’Europe où il se développe au fur et à mesure. En revanche, des différences apparaissent quant aux motivations qui poussent des individus à choisir ce mode d’habitat en Tchéquie. Quand on sait que les Etats-Unis couvrent plus de 9,3 millions de km2, la Tchéquie avec ses 78 865 km2 apparaît minuscule et par conséquent faire le choix de vivre dans une micromaison n’obéit pas aux mêmes facteurs.
« En République tchèque, la situation est bien différente. Beaucoup d’habitations bon marché sont établies le long de nos frontières avec l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne. Ce sont de vieilles maisons que l’on peut rénover afin de les habiter. Les Américains sont habitués à vivre sur la route. Ils se déplacent beaucoup comparé aux Tchèques qui, pour le coup, sont très liés à leur lieu de naissance ce qui ne les incite pas à bouger. Si une personne est née en Moravie et qu’elle habite ailleurs en République tchèque, elle n’est qu’à deux heures par l’autoroute de sa région natale. Aux Etats-Unis, ce n’est pas la même chose en raison de la superficie du pays. Les habitants vivent souvent dans des Etats d’où ils ne sont pas originaires. Le mouvement des micromaisons fait plus sens là-bas mais de nombreux tchèques de Prague ou du centre du pays suivent la tendance et décide de se retirer de la civilisation. Ils veulent se reconnecter avec la nature et sont à la recherche d’espace libre. Le mode de vie induit par les micromaisons peut alors apparaître comme une solution pour eux. Ce n’est pas une nouvelle tendance. Elle existait déjà dans d’autres pays dans les années 90. »
Tereza a fait le choix de ce mode de vie singulier, que certains pourraient qualifier de « spartiate », et ne semble pas le regretter. Avec son conjoint, elle vit dans une micromaison installée sur le terrain de ses parents dans la région de Vysočina, au centre du pays.
« C’est comme quand on rentre dans un salon de thé en ville, on s’assoit et on a l’impression de ne plus être en ville – c’est pareil dans cette maison. Mais peu de gens aimeraient vivre ici. Beaucoup nous disent qu’ils aimeraient ça comme résidence secondaire mais que sinon beaucoup de choses leur manqueraient et qu’ils auraient froid ici. C’est vrai que parfois il fait peut faire 7°C en hiver. En revanche, cet intérieur donne à la vie des airs de vacances quand vous habitez ici. »
Une solution à la crise du logement à Prague?
La République tchèque connaît une pénurie de logements et Prague se trouve à la 11ème place des villes les plus chères d’Europe en termes de loyers. Ce phénomène résulte de deux tendances. D’un côté, une grande partie des appartements de la Vieille Ville sont loués aux touristes par la plateforme Airbnb. De l’autre, les grandes villes exercent une forte attraction sur les Tchèques à la recherche d’opportunités et d’évolutions dans leur carrière.
La crise du logement n’est pas nouvelle pour Vojtěch Valda. Elle existait déjà, selon lui, durant l’ère communiste, à la différence que davantage de logements pour les classes moyennes étaient construits à cette période.
Le mouvement des micromaisons n’est pas encore réellement implanté en République tchèque. Toutefois, ce mode de vie alternatif pourrait bien trouver sa place dans les années à venir en raison de la volonté des Tchèques de devenir propriétaires de leur logement.