Les origines du textile et son évolution en Bohême, depuis le Moyen Âge...
Une exposition proposée actuellement par le Centre de design à Prague, intitulée « Les horizons du textile tchèque, » s'interroge sur l'avenir de la production textile dans notre pays, considérée encore dans les années 1980 comme une puissance mondiale. Une importante partie est consacrée aux origines du textile et son évolution. Retour, dans cette page d'histoire, sur les moments les plus importants qui l'ont marqué.
« Les premières références au textile sont aussi vieilles que l'humanité » dit le docteur Vlastimil Havlik, directeur du musée textile de Ceska Skalice, en Bohême orientale : « Les premières trouvailles sur notre territoire remontent au Ve siècle avant J.C., à la période du néolithique: fragments de ficelles de chanvre dans le puits de Mohelnice, en Moravie, empreintes du textile sur la surface de l'argile à Prague. L'évolution du textile, sa production et son usage, reflétait l'évolution de l'humanité depuis le Moyen Âge jusqu'à présent. »
Les récits de voyage du marchand juif Ibrahim ibn Jakub du Xe siècle représentent le plus ancien rapport écrit sur la production de textile en Bohême. Le commerce était basé sur le principe d'échange : une toile fine servait de critère d'évaluation du prix. La toile, en tchèque, c'est platno qui a donné lieu au verbe platit - payer. Il y a donc une liaison étroite entre l'histoire du textile et celle de la monnaie.
« Le XIIIe siècle marque un tournant, » raconte le directeur du musée textile. C'est le début de la division du travail : la campagne agricole, d'une part, et les métiers dans les villes, d'autre part. C'est le début, aussi, des métiers tels que celui de tisserand, de brodeur. Au milieu du XIIIe siècle, le roi Premysl Otakar II fait venir en Bohême les drapiers de Flandres qui maîtrisent des méthodes de fabrication d'étoffes plus évoluées.
Au XIVe siècle, les marchands hongrois importent de Venise le coton de Syrie et d'Indes. Le mot coton est mentionné pour la première fois dans le manuscrit de saint Guy, au milieu du XIVe siècle. La dentellerie se répand après 1560 au nord-est de la Bohême. Le bombyx du mûrier, source de tissus de soie naturelle, commence à se développer dans le pays dès le XVIIe siècle. Ce siècle est aussi celui des premières manufactures qui marquent un essor sans précédent de la production textile. La première manufacture textile concentrée est fondée par les Jésuites à Sobechleby, en Bohême orientale, en 1684. Au fur est à mesure, on commence avec l'impression des étoffes : c'est le comte Josef Kinski qui est considéré comme initiateur de l'impression des étoffes, dans ses manufactures près de Ceska Lipa, au nord de Bohême. En 1751, est fondée à Prague la première manufacture de tissus de soie. D'Espagne sont importés dans la monarchie habsbourgeoise des mérinos qui permettront une apparition d'étoffes à base de laine.Un autre tournant décisif se produit dans la première moitié du XIXe siècle, poursuit Vlastimil Havlik. On l'écoute :
« La révolution industrielle arrive alors également en Bohême avec tout ce qu'elle a de caractéristique: l'installation de machines, le développement des transports, l'introduction de nouveaux procédés, de nouvelles technologies, la fabrication de nouveaux matériels et, notamment, le caractère massif de la production du textile. »
Plus de 600 000 habitants de Bohême, soit près d'un cinquième de la population, se consacrent à la production du lin, de la laine et du coton. Après la défaite de Napoléon à Waterloo en 1815, suivie de la levée du blocus continental, la production textile plonge dans une grave crise, mais depuis la moitié du XIXe siècle, la situation s'améliore : la première usine de fabrication de rubans est fondée à Rumburk. La généralisation de la machine à coudre dans les pays tchèques bouleversera la façon de s'habiller, en rendant possible la suprématie du prêt-à-porter : en 1859, la firme Meier & Mand ouvre ses premiers ateliers de prêt-à-porter, les plus grands en Europe centrale. En 1880, on compte 1269 usines textiles équipées de machines à vapeur et employant 167 000 ouvriers.Jusqu'à la fin du XIXe siècle, l'industrie textile subit des influences étrangères, dont la plus forte, celle de France, comme le souligne notre guide :
« De France, spécialement, nous est venu le design, plus particulièrement de la région d'Alsace, de Mulhouse qui était le berceau d'écoles de design et de dessinateurs. Beaucoup d'Alsaciens sont venus en Bohême, le plus connu d'entre eux est Marius Stadler qui a travaillé pour la firme renommée Josef Sochor à Dvur Kralove sur l'Elbe. C'est lui qui a initié les défilés du textile et qui a fondé, en 1936, le musée textile à Dvur Kralove. »
Le début du XXe siècle et la grande guerre ont porté un coup dur à l'industrie textile. Sous la première république tchécoslovaque, elle vit une renaissance : les créateurs de design sont des artistes célèbres dont Alfons Mucha, des architectes marquants Pavel Janak et Jan Kotera. L'évolution du textile est influencée par la fondation des premiers ateliers de tapisserie à Jindrichuv Hradec, par Marie Teinitzerova. Les accords de Munich de 1938 ont privé la Tchécoslovaquie des deux tiers de sa capacité industrielle. N'empêche qu'en 1941, un groupe de chimistes sous la conduite d'Otto Wichterle, futur inventeur des lentilles de contact, invente une nouvelle fibre, le silon. Après 1945, l'industrie est nationalisée. Trois ans plus tard, le nom de Vladimir Svaty s'inscrit dans l'histoire du textile - il obtient le brevet de métier à tuyère. Le pays continue à être une puissance textile jusqu'aux années 1990. Puis une crise qui semble naturelle et inévitable frappe la République tchèque et d'autres pays d'Europe.Et l'avenir ? Pour Vlastimil Havlik, il réside dans la haute spécialisation, dans la fabrication de tissus spéciaux qui trouvent une application dans l'industrie du bâtiment, les transports, la médecine, dans les équipements spéciaux de protection contre le feu, pour habiller les sapeurs pompiers, les soldats, bref, il s'agit de produire ce qui peut faire face à la concurrence.