Les pays tchèques ont, eux aussi, leurs dynasties
Les familles qui ont modifié l'image des pays tchèques... C'est sous ce titre que la dernière édition de l'hebdomadaire Tyden, l'un des plus lus dans le pays, publie un article relatant l'histoire de dix importantes familles tchèques. Tout en s'étant illustrées dans différents domaines, leurs noms sont souvent inconnus en République tchèque, encore plus à l'étranger.
L'hebdomadaire Tyden a suivi les traces des familles, dont plusieurs générations se sont imposées dans la société et y ont remporté des succès : dans l'entreprise, dans des domaines artistique ou sportif. Il cite l'avis de l'historien Milan Myska qui estime qu'une dynastie pouvant être considérée comme très réussie compte le plus souvent trois ou quatre générations. C'est assez logiquement dans la sphère de l'entreprise, comme partout ailleurs dans le monde, que de telles dynasties ont le plus réussi. Et c'est à ce domaine, étonnamment négligé par les disciplines historiques, qu'il consacre une attention particulière.
Le nom de Larisch est aujourd'hui presque inconnu, en Tchéquie. Pourtant, sous la Première république, la famille qui possédait une grosse partie des mines tchécoslovaques et toute sorte d'autres sociétés, représentait une des plus puissantes familles dans l'entreprise. C'est en 1790, que la famille Larisch avait découvert des gisements de charbon, en Moravie du nord, qui ont fait sa fortune. Les origines de la famille Larisch en ligne directe remontent, en l'occurrence, jusqu'au XIIIe siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale, les membres de la famille sont partis ou ont été expulsés en Autriche. Son dernier descendant en République tchèque, Karel Larisch-Mönnich, 68 ans, vit en Bohême de l'est, dans une modeste maison qu'il a construite lui-même. Il déploie des efforts en vue de récupérer la grande ferme qui appartenait à son père.
Josef-Zaruba Pfefferman, ingénieur, politicien et journaliste, fut une figure marquante du début du XXe siècle. Ses fils se sont illustrés dans différents domaines techniques - l'un fut professeur de géologie à l'Université technique -, tandis que ses filles et leur progéniture ont privilégié des domaines artistiques. Parmi elles, on mentionnera la femme écrivain Hana Proskova, dont l'oeuvre est connue et fort appréciée par les amateurs de romans policiers.
Le beau-fils de cette dernière, le philosophe Daniel Kroupa, s'est fait connaître, quant à lui, comme figure politique. La revue Tyden rappelle son passé d'opposant au régime communiste, ainsi que la carrière politique qu'il a entamée après la chute du régime. Ses six enfants ont opté pour la musique et pour le journalisme.
Josef Pokert, 47 ans, représente la cinquième génération déjà de la célèbre famille implantée dans la ville de Skuhrov et qui y avait fondée, à la fin du XIXe siècle, une aciérie. Son fonctionnement a été interrompu avec l'accès au pouvoir des communistes. En 1948, elle a été nationalisée.
La famille Pokert l'a récupérée après la Révolution de velours de 1989, dans le cadre des restitutions des biens confisqués par le régime communiste. Les procédés technologiques qui y sont mis aujourd'hui en valeur sont pratiquement les mêmes qu'il y a une centaine d'années. A une exception près : ce n'est plus le bois qui est utilisé pour le chauffage, mais le gaz.
L'hebdomadaire Tyden évoque encore d'autres grandes histoires de l'entreprise tchèque, dont on mentionnera celle de la famille Barton. Le père fondateur de la dynastie, Josef Barton, fut à l'origine un pauvre tisserand de campagne. Au début du XIXe siècle il s'est lancé dans l'entreprise pour devenir le précurseur de l'industrie textile dans les pays tchèques. Pour son apport à l'épanouissement de l'empire, il a été élevé, à l'époque, au rang des chevaliers.
Quelques 240 ouvriers et fonctionnaires travaillent aujourd'hui à l'usine textile de la ville de Nachod en Bohême de l'est qui est gérée par le descendant de la famille du même nom, Josef Barton. C'est en 1992, qu'il avait décidé de quitter le Canada où il vivait avec sa famille pour retourner dans son pays d'origine et pour diriger l'entreprise familiale qui cherche à concurrencer les produits textiles bon marché importés en Tchéquie de Chine. Elle y réussit assez bien avec un important atout en plus : elle fournit un emploi à des centaines de personnes, dans une région touchée par un taux de chômage assez élevé.
« Ruprechtice, Vernérovice, Bezdekov, Bozanov, Hermánkovice, Sonov, Viznov ». L'hebdomadaire Tyden énumère plusieurs villages à des noms tchèques charmants, perdus dans un coin à l'ouest de la République tchèque. Ce qu'ils ont en commun, ce sont de splendides églises baroques qui sont l'oeuvre de célèbres bâtisseurs baroques, Kristof ou Kilian Ignac Dientzenhofer. Construites aux XVIIe et XVIIIe siècles, la plupart d'entre elles se trouvent aujourd'hui dans un très mauvais état.
« Dans les pays tchèques, seuls deux noms de la dynastie des Dientzenhofer sont connus, ceux de Kristof et de Kilian Ignac. Pourtant, il y avait beaucoup d'autres bâtisseurs de cette même famille qui travaillaient à l'époque baroque, en Europe centrale », peut-on lire dans le journal.
Kristof, né en Bavière, est venu en Tchéquie à la fin du XVII siècle. On trouve ses constructions en Bohême occidentale et, surtout, à Prague. On doit tout un éventail d'édifices magnifiques également à son fils Kilian Ignac, le bâtisseur probablement le plus célèbre de la famille. A propos de ce dernier, Tyden cite les paroles d'une historienne d'art, fine connaisseuse de son oeuvre : « Kilian Ignac a marqué le panorama pragois de façon aussi imposante que Michel-Ange l'avait fait avec le panorama romain ».
Et d'ajouter que ce constat est doublement vrai pour la région de Broumov, déjà citée. Aux services des abbés bénédictins, les Dientzenhofer avaient construit un ensemble hors du commun d'églises paroissiales qui dominent jusqu'à nos jours le paysage. A la fin, nous pouvons lire :
« A l'heure actuelle, la région de Broumov représente un paysage déraciné, sans Dieu, qui cherche chaotiquement à retrouver son identité. Après la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands ont été expulsés d'ici, ceux justement, pour lesquels les Dientzenhofer avaient construit, au XVIIIe siècle, leurs merveilleux édifices baroques. Aujourd'hui, on dirait que les églises y sont délaissées, abandonnées à elles mêmes. Fermées, la façade décrépie. Des centaines de tombeaux au cimetière allemand, avec des dates et des épitaphes illisibles... Auf Wiedersehen. Au revoir, les Dientzenhofer ».
A la fin de la série d'articles consacrés aux familles tchèques célèbres, son auteur tourne l'attention vers la famille de Milena Jesenska, celle que Franz Kafka a immortalisée dans ses Lettres à Milena. Son père, le professeur Jan Jesensky fut dentiste pragois reconnu, tandis que sa tante Ruzena s'est fait connaître comme auteur de romans pour femmes. Avant la Deuxième Guerre mondiale, Milena Jesenska a brillé en tant que journaliste, on rappellera notamment sa collaboration avec la prestigieuse revue Pritomnost (Présence) où elle rédigeait des commentaires politiques et des reportages pertinents. Elle est morte en 1944, dans le camp de concentration de Ravensbrück... Qualifiée par le régime communiste de « renégate », on ne parlait pas en public, pendant quarante ans, de Milena Jesenska. La vague de l'intérêt pour « Milena » n'est venue qu'après la chute du régime....
Tyden évoque aussi le destin de la fille de Milena Jesenska, Jana, appelée Honza, qui s'est lancée, elle aussi, dans le journalisme et la littérature. Mariée quatre fois et mère de quatre fils, elle est morte dans un accident de la route, à l'âge de 53 ans... Une femme hors du commun, pas facile, énergique et pleine de charme. Une femme devant laquelle les hommes craquaient, tout comme auparavant devant sa mère. C'est ainsi que s'en souviennent ses anciens amis et compagnons.