Les réactions internationales face à l’écrasement du Printemps de Prague

Photo: Institut de l'histoire contemporaine

Dans une semaine, cela fera 40 ans que les chars du Pacte de Varsovie envahissaient la Tchécoslovaquie, mettant ainsi un terme au Printemps de Prague. Nous nous penchons aujourd’hui sur les réactions internationales face à l’événement, à l’est comme à l’ouest.

Pour les pays sous influence soviétique, l’intervention des chars du Pacte de Varsovie le 21 août 1968 se justifie très simplement : il fallait aider les Tchécoslovaques à lutter contre les « forces contre-révolutionnaires » qui menacaient le pays. Mais à y regarder de plus près, le Bloc de l’Est était moins monolithique qu’il n’y paraissait.

Deux pays ne participent pas et condamnent l’occupation de la Tchécoslovaquie. La Yougoslavie tout d’abord, pays communiste mais exclu du Kominform depuis la crise entre Tito et Staline en 1948. Depuis, « titisme » est devenu synonyme de déviation dans les démocraties populaires. Symbole de l’indépendance dans la voie du socialisme, c’est en véritable héros que Tito est accueilli à Prague par Dubček et la population.

L’autre pays à se démarquer du Pacte de Varsovie est la Roumanie. Dirigé par Nicolae Ceausescu depuis 1965, le pays s’est engagé dans la voie du « national-communisme. » Logiquement, Ceausescu condamne l’occupation tchécoslovaque. Moscou tolère les variantes roumaines dans son application du socialisme à condition que la Roumanie reste dans la sphère d’influence russe et que son leader tienne fermement le pays en main. Et sur ce dernier point, le Kremlin n’a aucun souci à se faire !

En Occident, quelles furent les réactions à l’intervention des chars en Tchécoslovaquie ? L’indignation a été générale on s’en doute. Mais on braquait soudain les caméras sur la Tchécoslovaquie parce que les chars étaient entrés en scène. Le souci de comprendre le processus du Printemps passait au second plan.

Un documentaire français de l’époque verse même franchement dans l’amalgame. Analysant les différents mouvements contestataires de l’année 68, dont le Printemps de Prague, il en vient à une explication plutôt rapide, nous l’écoutons : « Certains veulent voir, dans la révolution culturelle chinoise, l’origine véritable de cette flambée, qui n’épargna ni l’est, ni l’ouest. »

L’idée de voir, dans les événements chinois, la source des manifestations de 1968 est plutôt originale ! Cette révolution culturelle, qui voyait défiler des masses de jeunes au livre rouge, était tout sauf spontanée et constituait, pour Mao, une occasion de reprendre en main le pouvoir. A Prague, les revendications sont à l’opposé des étudiants chinois, manipulés.

Bien sûr, l’actualité de l’écrasement du Printemps de Prague fut par ailleurs correctement traitée par un certain nombre de médias français comme le Monde ou d’autres. De même, un journal télévisé hollandais de 1968 montre des images impressionnantes des chars, en rang par quatre, remontant une large avenue de Prague. L’analyse est complète mais elle ne concerne que le Parti communiste tchécoslovaque, conservateurs d’un côté et réformateurs de l’autre. On passe ainsi à côté de l’essentiel, à savoir que le Printemps de Prague fut une lame de fond qui traversa, pas seulement le Parti, mais la société tchèque dans son ensemble.

A ce titre, il faut bien avouer que les autorités de RDA ont été beaucoup plus clairvoyantes à cet égard. Peu de temps avant l’intervention armée, le régime est-allemand évoquait un « complot des intellectuels », commencé en 1963 avec le procès sur Kafka. Et effectivement, ce n’est pas en 1968 mais bien en 1963 que le Printemps de Prague avait commencé.

Věra Čáslavská | Photo: http://afbeeldingen.gahetna.nl/ Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0 NL
A la cérémonie d’ouverture des JO de Mexico en août 1968, le commentateur évoque la paix dans le monde, formule convenue. Toute résonance avec les actuels jeux de Pékin est involontaire ! Mais l’athlète tchécoslovaque Věra Čáslavská, qui remporte plusieurs médailles d’or, rappellera à tous la situation de son pays. Sur le podium, on la voit regarder vers le bas, d’un air triste, en signe de protestation silencieuse.

La posture des Tchèques face au monde est tout aussi importante que l’attention internationale sur les événements tchécoslovaques. En ce mois d’août 1968, les caméras du monde entier sont braquées sur Prague et les autres villes envahies par les chars, comme Liberec. Un slogan courait à l’époque dans le pays : « le monde nous regarde, prouvons-lui que nous sommes courageux. » Et effectivement, les images d’archives prouvent que, face aux chars, les Pragois furent souvent courageux... quand ils ne furent pas téméraires.