Les réfugiés ukrainiens en Tchéquie face à la diminution des allocations
Les conditions de prise en charge temporaire des réfugiés ukrainiens en République tchèque ont changé à compter du 1er juillet dernier. Nous faisons le point sur la situation.
Yulia se range parmi les quelque 344 000 réfugiés ukrainiens auxquels l’Etat tchèque a accordé, depuis le début de l’invasion de leur pays par la Russie, un visa de protection temporaire. Alors qu’environ un tiers des réfugiés accueillis en Tchéquie sont retournés dans leur pays, Yulia fait partie de ceux qui sont restés. Avec ses deux enfants, elle s’est installée à Brno, en Moravie du Sud, où elle a trouvé du travail et un logement :
« Depuis environ un an, je travaille pour une ONG locale qui s’occupe des réfugiés. J’aide mes compatriotes qui s’en sortent moins bien que moi », a-t-elle confié à la Télévision tchèque.
Toutefois, depuis le 1er juillet, date à laquelle est entré en vigueur l’amendement à la loi « Lex Ukraine », Yulia se trouve elle-même en difficulté, car elle ne touche désormais aucune aide au logement :
« Le loyer de l’appartement où nous habitons représente 70% de mon salaire actuel. Il me reste alors environ 3500 couronnes par personne pour vivre. »
Le principal changement des règles d’attribution d’aide humanitaire concerne effectivement le logement : les personnes arrivant dans le pays peuvent bénéficier gratuitement d’un hébergement d’urgence dans des foyers ou des pensions pour une durée maximale de 150 jours.
Au bout de cinq mois, elles sont tenues de continuer à payer elles-mêmes leur séjour ou de déménager.
Ces mesures ne s’appliquent pas aux réfugiés dits « vulnérables », c’est-à-dire aux personnes âgées de plus de 65 ans, aux personnes handicapées, aux parents d’enfants d’âge préscolaire, aux femmes enceintes ou encore aux enfants et aux jeunes de moins de 18 ans.
Autre changement important : les réfugiés perçoivent désormais une seule allocation humanitaire correspondant au minimum existentiel pour couvrir tous leurs frais. Mais leur revenu mensuel est désormais pris en considération.
« Nous voulons mieux cibler l’aide que nous apportons aux réfugiés et en même temps motiver les personnes qui peuvent être actives sur le marché du travail » a expliqué le ministre du Travail et des Affaires sociales Marian Jurečka.
Or les organisations non-gouvernementales notamment mettent en garde contre une aggravation de la situation des réfugiés, un accroissement de la pauvreté et le développement de pratiques commerciales abusives. Matěj Šulc de l’Organisation d’aide aux réfugiés estime que pour pouvoir payer un loyer, les mères de famille notamment préféreront travailler au noir et ne pas déclarer leurs revenus ce qui leur permettra de toucher une allocation humanitaire. Selon lui, de nombreuses personnes en difficultés ne sont pourtant pas considérées par l’Etat comme des personnes vulnérables :
« Je comprends les raisons pour lesquels l’Etat a décidé de mettre en place ces changements. Mais j’estime que cela a été fait trop vite, sans prendre en considération tous les risques. Il y a de nombreux autres groupes de personnes vulnérables que l’on a oubliés. L’Etat veut économiser de l’argent, mais j’ai peur qu’il faudra résoudre encore un tas de problèmes et que finalement, cela coûtera assez cher. »
« Pour donner un exemple concret, les invalides d’Ukraine passent tout à fait à côté du système d’aide. Je ne pense pas aux personnes qui sont déjà arrivées en Tchéquie en état d’invalidité, mais à celles qui ont été par exemple grièvement blessées dans cette guerre et qui vivent désormais en Tchéquie. Malheureusement, ces personnes n’ont pas de certificat d’invalidité délivré par les autorités ukrainiennes, donc elles n’ont pas droit à l’aide de l’Etat. Elles doivent se procurer le certificat ici, ce qui demande une année. C’est une procédure assez compliquée. Nous ne savons pas comment les aider. »
Au début du mois de juillet, le gouvernement a déclaré qu’il surveillait attentivement la situation dans les centres d’assistance aux réfugiés. Ces derniers ont enregistré un nombre élevé d’Ukrainiens venus se renseigner sur les nouvelles conditions de leur accueil en Tchéquie, de même que ceux qui ont fait part aux autorités du changement de leur domicile.
Sollicitée, pour sa part, ces derniers jours, par de nombreuses personnes en difficulté, l’Organisation internationale pour les migrations a créé une base de données destinée aux réfugiés ukrainiens : elle recueille des informations sur les capacités d'hébergement collectif disponibles en Tchéquie.
Cette base de données en ligne contient actuellement une liste d’environ 3 000 fournisseurs d’hébergement en République tchèque. Le site n’est pas accessible au public et sera principalement utilisé par les municipalités, les ONG et certaines institutions publiques.