Les résidences secondaires en République tchèque

A typical Czech chata

Il n'existe pas beaucoup de pays où les habitants possèdent autant de maisons de campagne, résidences secondaires, chalets et autres lieux de villégiature, qu'en Tchéquie. Nous avons donc choisi de vous parler du phénomène de la résidence secondaire, dans cette édition de la République tchèque au quotidien.

La Tchéquie se trouve à la troisième place, dans le monde, en ce qui concerne la densité des maisons de campagne, 5 au kilomètre carré, derrière la Suisse et la France. Elle est, aussi, dans le peloton de tête, pour ce qui est du nombre de ces lieux de repos comparé au nombre d'habitants : 38,5 pour mille. Elle se classe derrière la France, mais devant la Suisse. Ce sont donc les statistiques, des chiffres. Vous vous demanderez, certainement, quelle est la raison de ce véritable amour des Tchèques pour les résidences secondaires ? Les habitants de ce petit pays, au centre de l'Europe, sont-ils si riches ? Les prix des maisons de campagne sont-ils si bas ? Pour répondre à ces questions, il nous faut revenir dans le passé.

Il y a plus de douze ans, maintenant, la Tchécoslovaquie d'alors vivait la chute du communisme. En dehors de toutes les autres contraintes imposées par la dictature du prolétariat, l'impossibilité de voyager librement, tout comme le faible choix de loisirs, ou même la crainte de ne pas plaire au régime, pour une raison ou une autre, ont conduit à la naissance du phénomène de la résidence secondaire. Cela veut dire que, pendant la semaine, le Tchèque se pliait aux exigences de la société totalitaire, mais le week-end, il se libérait, en quelque sorte : il se rendait à la campagne, où il avait des amis qu'il connaissait, auxquels il pouvait faire confiance. Dans sa résidence secondaire, il pouvait aussi réaliser certains de ses rêves, ce qui lui était impossible de faire dans son appartement, propriété de l'Etat en général. Dans sa maison de campagne, il avait vraiment le sentiment qu'il était chez lui. Souvent, on ne s'y reposait pas, mais on trimait dur !

A ce sentiment de liberté, à la campagne, s'ajoutait encore des prix vraiment très bas. Certes, les salaires n'étaient pas élevés, mais les prix des biens de consommation l'étaient encore moins. Une maison de campagne ne coûtait pas cher, et les transports non plus. Vous vous rendez compte, le litre d'essence coûtait moins que la chope de bière au café ! Beaucoup de Pragois, par exemple, possédaient des résidences secondaires dans la banlieue, à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres de la capitale. Ils étaient nombreux, pourtant, à faire plus de cent kilomètres, tous les week-end, en voiture, en car ou par le train même. On assistait donc au grand abandon des grandes villes, le vendredi, et au grand retour, le dimanche soir. Prague, à partir des premières pousses du printemps, jusqu'aux dernières fleurs de l'automne, était vide pendant les week-end. Les temps ont changé, mais les habitudes des Pragois et des citadins tchèques, en général, n'ont pas changé.

Il y a quelque chose qui a changé, pourtant : de plus en plus d'habitants des grandes villes tchèques décident d'habiter dans leurs résidences secondaires, surtout si elles se trouvent à une distance raisonnable de leurs lieux de travail, si leur village tranquille est bien desservi par les transports en commun. La résidence secondaire, c'est aussi là qu'on décide de se retirer pour le troisième âge. L'appartement en ville est laissé à la disposition des enfants, éventuellement loué. En fait, on peut dire que la résidence secondaire représente la seule richesse d'une grande partie de la population tchèque. Pas étonnant, après quarante années de régime totalitaire où la propriété individuelle à quelques exceptions près, était bannie ! Pas d'entreprise privée, de commerce privé, de fermier ou éleveur, mais la résidence secondaire oui. Cette dernière était même sacrée !

Elle le reste toujours, sauf que son utilisation commence à devenir, non pas secondaire, mais primaire. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les maisons de campagne se transforment, réellement, en résidence principale. Pourquoi ?

Tout d'abord, il faut voir que les coûts du logement ont terriblement augmenté. Il ne s'agit pas tellement des loyers, qui sont toujours l'objet du contrôle de l'Etat, mais des charges. L'électricité, le gaz, l'eau potable, les services sont chers. Les prix des biens de consommation sont plus élevés en ville qu'à la campagne. Alors pourquoi ne pas y habiter.

Revenons aux statistiques. Il s'avère que les propriétaires des maisons de campagne sont des personnes âgées, déjà. Elles ont acheté ou construit leur résidence secondaire, dans les années soixante, soixante-dix, une période qui a vécu un véritable boom, dans ce domaine. Les statistiques nous révèlent, aussi, que le nombre de ceux qui choisissent d'habiter dans leur maison de campagne est en hausse : 16 % en 1991 contre plus de 30 % en 1997 !

Est-il facile d'acheter une maison de campagne, de nos jours, en Tchéquie ? Pas du tout, car très peu de propriétaires sont prêts à vendre. Pourquoi ? En général, la résidence secondaire n'a pas tellement coûté en moyens financiers, mais le propriétaire l'a souvent construite de ses propres mains, au prix d'un dur labeur, dans un système économique où il y avait pénurie de tout : ciment, briques, bois, tuyaux de plomberie, fils électriques... Les sondages révèlent que plus de 80 % des propriétaires de résidences secondaires n'ont jamais été effleuré par la pensée même de vendre le « chalet », entre guillemets. Pourquoi ces guillemets ? Parce que le Tchèque parle de chalet en parlant de sa résidence secondaire, quelle qu'elle soit ! Cela peut-être une riche résidence, avec piscine, court de tennis, voire même parc. Mais cela peut-être une petite fermette paysanne, une petite maison de montagnard, un simple chalet en tronc ou une petite cabane, au milieu d'un jardin potager. Qu'importe... quand le Tchèque part pour le week-end, à la campagne, il va au « chalet » ! C'est une expression qui est entrée dans le langage courant, un idiome même !

Ce chalet, on ne le vend que dans les situations extrêmes : en premier lieu, un besoin pressant d'argent... Pour acheter l'appartement, dans le cas de sa privatisation, par exemple. Le chalet on le vend aussi, au décès des parents, pour régler les frais d'héritage. Pas beaucoup d'offres, sur le marché ? La seule solution est de bâtir, mais cela n'est pas à la portée de la bourse de Monsieur tout le monde ! En plus de cela, les terrains sont rares, dans les localités les plus convoitées. Une possibilité : trouver une petite maison ou cabane de jardin, sur un bon terrain et construire son chalet, comme disent les Tchèques. Les agences immobilières affirment que c'est la solution la plus rentable. Encore faut-il le découvrir le petit paradis ! Pour la location n'y comptez pas tellement : seuls 8 % des propriétaires seraient prêts à vous le louer ce paradis !

Pour finir, un ordre de prix des résidences secondaires en République tchèque. Dans les environs de Prague, il faut compter dans les 20 000 euros, au minimum. Dans les endroits touristiques, au bord des grands lacs de Bohême du sud, dans les régions de sports d'hiver de Bohême du nord, les prix peuvent aller de 20 000 à 40 000 euros et plus. Qu'est-ce qu'une résidence secondaire typique ? Année de construction : 1971. Superficie habitable dans les 60 mètres carrés, terrain 800 mètres carrés, trois chambres cuisine et dépendances, pour cinq à six personnes.

Principal problème des propriétaires de maison de campagne ? Les cambriolages : plus de 11 000 cas, en 2001. Mais qu'importe, ce week-end, nous allons au chalet !