Les Tchèques d’Amérique
On connaît les grands noms tchèques qui ont vécu ou séjourné aux Etats-Unis ; Bohuslav Martinů, Antonín Dvořák... mais il y eut aussi une importante émigration tchèque aux Etats-Unis tout au long des XIXe et XXe siècles. A tel point que Chicago constitutait la troisième ville tchèque après Prague et Vienne. Mais aussi qu’elle eut un maire d’origine tchèque, Anton J. Čermak ! En cette actualité de campagne présidentielle américaine, nous nous demanderons bien sûr également pour qui les Tchèques d’Amérique votent traditionnellement.
Mais il faut attendre le XIXe siècle pour voir vraiment une communauté tchèque se former outre-Atlantique. Le Homestead Act, décrété par le gouvernement américain en 1862, a de quoi convaincre les candidats à l’émigration puisqu’il prévoit de concéder librement des terres aux aspirant-citoyens.
La première vague d’émigration tchèque aux Etats-Unis commence en fait dès 1848, l’année qui voit, en Europe comme en Bohême, le signal mais aussi le glas des espoirs révolutionnaires. Les Tchèques débarquent généralement à la Nouvelle-Orléans avant de rayonner dans les environs par le fleuve Mississipi. Une deuxième vague, de 1870 à 1920, voit nombre d’entre eux s’installer à Chicago et dans le Midwest et elle se poursuit même magré les restrictions à l’immigration, imposées dans les années 20.Avant d’atteindre cette nouvelle terre promise, des milliers de déracinés doivent d’abord affronter une traversée de tous les dangers. Pour les Tchèques, elle commence le plus souvent dans les ports de Hamburg et de Brême. Parfois, ils doivent monter dans le premier bateau disponible, en fait plutôt un cargo, sans même connaître le port de destination, New York, Nouvelle-Orléans, Baltimore, Boston voire Québec. Le voyage est long, de 5 à 8 semaines dans les années 1850 et même 3 mois durant l’hiver, avec le choléra et la variole comme menaces constantes.
En l’espace d’une génération, une importante communauté tchèque a vu le jour puisqu’en 1900, on compte environ 200 000 natifs américains d’origine tchèque. Chicago représente alors la troisième ville tchèque au monde après Prague et Vienne mais on trouve également des Tchèques dans les régions du Midwest comme l’Ohio, le Minnesota ou le Missouri et plus au sud, dans le Texas.
Ce qui frappe au premier abord, c’est le lien ténu qui est conservé entre ces nouveaux Américains et leur Bohême d’origine. Un phénomène courant aux Etats-Unis, où l’intégration n’exclue jamais les liens communautaires. Ainsi, Chicago possède, au XIXe siècle, sa petite Tchéquie : le quartier du Near West Side était ainsi surnommé « Prague » et les Tchèques possèdent à Chicago la congrégation Saint-Procope.
De même, ils perpétuent la tradition associative, une habitude ancrée en Autriche et en Bohême. Ainsi, les Tchèques américains recréent la toile des sociétés à bénéfice mutuel et d’épargne et des groupes de Sokol. Mais surtout, les Tchèques d’Amérique mettent un point d’honneur à transmettre leur langue.
Au XIXe siècle, la langue devient un enjeu majeur dans le cadre du retour sur la nation et cela le reste le cas dans la monarchie habsbourgeoise comme sur le sol américain. Faut-il s’en d’ailleurs s’en étonner ? Ce n’est qu’en 1920 que les services américains d’émigration remplacent les mentions « Autrichien » par celle de « Tchèque » dans les documents officiels. Corollaire de cette conscience nationale préservée, l’existence de nombreux journaux tchèques à Chicago, citons le Narod, fondé en 1894 ou encore Spravedlnost, fondé en 1900.
Lorsqu’ils arrivent aux Etats-Unis, les immigrants tchèques se déclarent en majorité catholiques mais une bonne partie sera séduite par les idées socialistes en vogue. Il faut dire que la première vague d’immigrants tchèques connaît des conditions de vie très modestes. Ouvriers, journaliers, on les retrouve sur les grands chantiers ferroviaires ou dans les petits ateliers. L’ascension sociale des immigrants s’effectuera avec les générations postérieurs et dans les années 1920, ils investiront massivement les classes moyennes.La communauté tchèque suit des affinités humanistes, qui orientent son vote aux Etats-Unis. Aussi, votent-ils Républicains au XIXe siècle. A cette époque et à l’exact inverse d’aujourd’hui, les Républicains représentent le parti progressiste par excellence. Ce sont les Démocrates, majoritaires dans les Etats esclavagistes du sud, qui sont les vrais conservateurs. De même, on sait qu’au Texas se trouvaient près de 700 Tchèques pendant la guerre de Sécession, qui étaient partisans de l’abolition de l’esclavage.
Quand, dès les années 1920, c’est le Parti démocrate qui fait figure de parti progressiste, c’est à lui que les Tchèques d’Amérique donnent massivement leurs voix. En 2008, ont-ils contribué à la victoire de Barack Obama à la présidentielle, nous n’avons pas encore trouvé de statistiques pour l’affirmer !