« Les Tchèques sont patients quand les étrangers font l’effort de parler tchèque »
« Nazdar ! Je m’appelle Ansley Hofmann et je vis à Prague depuis juin 2011. J’y suis venu en tant que bénévole dans le cadre d’un projet associatif qui s’appelle Le Football pour le développement. »
« J’ai grandi en Belgique, j’ai fait mes études en Angleterre, j’ai un père allemand et une mère originaire de l’île Maurice et je me retrouve aujourd’hui dans un autre pays. Découvrir de nouvelles cultures et de nouveaux pays fait partie de ma personnalité, mais disons que la République tchèque a su me retenir. »
Vous êtes donc « un enfant du monde »…
« On peut dire ça comme ça. C’est grâce à la rencontre de mes parents, tous deux originaires de pays très différents et qui ont vécu dans un troisième pays différent. Je suis plutôt un enfant de la globalisation. »
Le fait donc de vivre en République tchèque, un pays que l’on peut lui aussi considérer comme « exotique », et de vous être lancé dans l’apprentissage du tchèque… A vous entendre, on se dit finalement 'pourquoi pas?'…
« C’est vrai. Le tchèque, c’était un challenge personnel. J’avais déjà appris l’allemand, l’anglais, l’espagnol et un peu de néerlandais parce que nous habitions dans une commune flamande en Belgique, mais le tchèque est une langue slave, c’est donc encore autre chose. C’est une langue dans laquelle je n’avais pas de repères. C’était donc un défi que j’ai relevé et je suis content aujourd’hui de pouvoir converser autour d’une table avec des Tchèques. Je ne prétends pas parler couramment, mais c’est quand même bien agréable tant pour les Tchèques que pour moi l’étranger. »
« Le tchèque, un défi à relever »
Le tchèque est aussi votre langue de travail…
« Oui puisque tous mes collègues sont tchèques. Je dois donc me débrouiller à l’oral mais aussi à l’écrit pour tout ce qui est correspondance. Cette pratique quotidienne est une excellente chose pour la fluidité, bien évidemment. Avant, je travaillais dans une entreprise où la langue de travail était l’anglais… Ceci dit, les premières personnes avec lesquelles j’ai eu des affinités suite à mon arrivée à Prague ont été des Tchèques. J’ai donc assez vite eu l’occasion d’écouter et d’apprendre. Cela a d’abord été une démarche passive, qui au fil du temps est devenue plus active. »C’est l’état d’esprit dans lequel vous étiez dès votre arrivée à Prague ?
« Au départ, je ne pensais pas rester plus de six mois. Alors certes, j’ai fait l’effort d’apprendre les bases, mais je ne voyais pas beaucoup plus loin. C'est quand j’ai commencé à sentir que Prague était un endroit qui me plaisait et que les Tchèques étaient des gens avec lesquels je pouvais bien m’entendre que j’ai pris conscience de la nécessité d’apprendre le tchèque pour m’intégrer davantage, surtout que les Tchèques ont une vie sociale très riche. »
Quelle formation avez-vous suivie ?
« Déjà avant de déménager à Prague je suivais des cours à raison d’une fois par semaine au Centre tchèque à Berlin, où je vivais à l'époque. Puis dès que je suis arrivé, j’ai suivi des cours bihebdomadaires en petit groupe. Cela a duré pendant deux ans, puis j’ai eu d’autres cours dans le cadre de mon boulot. Depuis un an environ, je me débrouille sans cours, mais je pense que la pratique quotidienne avec mes collègues est un cours en lui-même. Surtout qu’ils sont tous très gentils et me corrigent de temps à autre. C’est sympa d’arriver à un niveau où les cours ne sont plus une nécessité. »Et puis les Tchèques sont assez tolérants, non ?
« Oui, ils le sont, mais si vous allez dans un restaurant par exemple, faire l’effort de commander en tchèque vous permet d’avoir un sourire en plus. Or, on ne peut pas dire que les serveurs tchèques soient spécialement chaleureux, hein… Donc oui, les Tchèques que je connais sont tolérants, mais en plus ils font l’effort de t’aider à apprendre leur langue. C’est du moins mon expérience. Quand ils comprennent que tu fais vraiment l’effort de parler, en général ils sont patients avec toi et te laissent parler même si tu fais des fautes. Ils ne vont pas chercher à passer à l’anglais ou à l’allemand, même si ce serait plus facile pour tout le monde. C’est bien, parce qu’en Allemagne ou en Belgique par exemple, c’est plutôt l’inverse. »
Et puis c’est un atout pour draguer…
« Bien sûr, c’est avoir une corde de plus à son arc. Pour lancer une conversation au bar, ce n’est pas négligeable. La gent féminine perçoit généralement bien la chose. »
« Le tchèque des vestiaires de foot n’est pas le tchèque du bureau »
Vous travaillez dans le domaine du football et pratiquez aussi ce sport à Prague dans le club de l’Union Žižkov. Le football étant un langage universel, on peut supposer que cela a été une bonne chose pour votre tchèque…« C’est sûr que le football a facilité mon intégration. En même temps, disons que mes coéquipiers sont 'très tchèques' dans le sens où ils ne parlent pas beaucoup d’autres langues. Il faut donc faire l’effort d’aller vers eux et de leur parler. Ceci dit, il faut savoir que la langue du vestiaire n’est pas la langue du bureau… De ce fait, mon oreille dans le vestiaire est d’autant plus attentive parce que, parfois, c’est compliqué de comprendre ce que mes coéquipiers racontent. Après, sur une fois sur le terrain, on se comprend très vite. Le foot est effectivement un langage universel et c’est ce qui permet de créer des liens au-delà du vestiaire. Quand tout se passe bien sur le terrain, la troisième mi-temps se passe généralement elle aussi parfaitement. »
Et comment râlez-vous sur les arbitres ? Vos connaissances de tchèque sont suffisantes pour bien vous faire comprendre ?
« Je m’efforce de garder mon calme sur le terrain et de ne pas trop utiliser les ‘do prdele !’ et ainsi de suite que l’on entend beaucoup sur les terrains tchèques. Dans le foot amateur surtout, il y a une certaine frustration qui ressort et qui est exprimée en termes parfois très crus. Et c’est vrai que, malheureusement, ce sont souvent les arbitres qui sont visés… Mais ça reste bon enfant dans l'ensemble. Une fois le match fini, on se serre la main et on oublie les insultes. Du moins, on essaie… Et puis il y a aussi l’entraîneur : si tu as fait un mauvais match, lui aussi peut avoir son langage fleuri et là aussi, ça peut gueuler… »
Avec le français, l’allemand est votre deuxième langue maternelle. Dans quelle mesure cette maîtrise de l’allemand vous a-t-elle aidé dans l’apprentissage du tchèque ?
« Il y a d’abord le vocabulaire avec pas mal de mots qui proviennent de l’allemand. Je pense là comme ça par exemple à ‘špajz’ (garde-manger) ou à ‘šichta’ (relais, poste, équipe de travail), mais il y en a beaucoup d’autres encore qui sont plus faciles pour moi à utiliser. Et puis il y a aussi la structure de la langue : comme l’allemand, le tchèque a beaucoup de règles et de logique. Je m’y suis donc assez facilement retrouvé dans la déclinaison des mots avec le datif, le génitif, l’accusatif, etc. Donc, oui, l’allemand m’a simplifié les choses. »Question finale obligatoire : y a-t-il un groupe ou une chanson tchèque que vous appréciez plus particulièrement ?
« ‘Zelená je tráva, fotbal to je hra’ (‘L’herbe est verte, le football est un jeu’) ? Ouaih, c’est pas mal… Mais une chanson tchèque ? Allez, disons le groupe Kryštof et une des premières chansons que j’ai apprises : ‘Atentát v posteli’ (‘Un Attentat au lit’, en réalité la chanson s’intitule uniquement ‘Atentát’)… C’est une chanson qui résume un peu mon parcours ou du moins les premières fois où j’ai été confronté à la langue tchèque. Et puis je trouve que c’est une belle chanson ! »