Les vestiges de l’attentat de Sarajevo en République tchèque

Il y a 95 ans, le 28 juin 1914, l’archiduc d’Autriche et héritier du trône, François-Ferdinand d’Este, fut victime d’un attentat à Sarajevo qui a été l’élément déclencheur de la Première Guerre mondiale. Cet événement n’est pas tombé dans l’oubli dans notre pays : tout Tchèque connaît les Aventures du brave soldat Chveïk qui débutent par l’assassinat de l’archiduc à Sarajevo. Non moins populaire est le château de Konopiště, pas loin de Prague, où la famille de François Ferdinand menait une vie retirée, après son mariage avec Sophie Chotek, une simple comtesse de rang « inégal » pour laquelle l’héritier du trône a du renoncer aux droits de succession pour ses enfants. Des témoignages moins connus de l’attentat de Sarajevo se trouvent encore à Valašské Meziřičí, au musée de Brno. Ils étaient exposés également à l’exposition Republika qui a fermé ses portes ce lundi au Musée national de Prague.

Pendant l’été 1914, l’archiduc François Ferdinand part avec son épouse pour un voyage d’inspection à la suite des grandes manoeuvres de l’armée austro-hongroise organisées en Bosnie-Herzégovine, un territoire que l’Autriche-Hongrie a annexé, en 1908. L’arrivée de l’archiduc à Sarajevo, le 28 juin, jour anniversaire de la défaite des Serbes à la bataille de Kosovo face aux Ottomans, est considérée comme une provocation par les séparatistes serbes radicaux qui ont perpétré l’attentat, raconte l’historien et conservateur du musée de Brno, Vlastimil Schildberger :

Gavrilo Princip
« Les auteurs de l’attentat, leur noyau, c’était Gavrilo Princip, Grabež et Čabrinović, des Serbes de Bosnie, et donc, d’une certaine manière, des citoyens austro-hongrois. Ils vivaient tous les trois à Belgrade, dans des conditions misérables, et lorsqu’ils ont appris l’organisation d’une parade militaire à Sarajevo en présence de l’héritier au trône, le 28 juin, jour de la fête nationale serbe de triste notoriété, ils l’ont considéré comme une grande provocation. Ils étaient en contact avec l’organisation secrète nationaliste serbe ‘L’Union ou la mort’ surnommée ‘ La Main noire’ qui les a formés au tir et les a munis de faux papiers et de pistolets Browning de 9 mm, modèle 1910, et d’une bombe. Un mois avant l’attentat, ils ont été envoyés à Sarajevo. »

L’une des circonstances qui semble avoir favorisé l’attentat est l’absence d’une protection militaire efficace de l’archiduc et de son épouse. Le prince de Montenuovo a ordonné de ne pas rendre les honneurs militaires au couple et de retirer les troupes de Sarajevo, au motif que la duchesse Sophie Chotek n’était pas membre de la famille impériale. Le couple ne bénéficiait donc plus de la protection de l’armée. Enfin, une erreur d’itinéraire a mis la voiture du couple à portée de tir du jeune terroriste Princip :

« Compte tenu de ces circonstances, la protection de François-Ferdinand était assurée par le comte František Harrach de Velké Meziříčí qui a prêté sa voiture et son chauffeur et qui est devenu le garde du corps personnel de l’archiduc pendant les manoeuvres. »

François Ferdinand avec son épouse Sophie Chotek
Gavrilo Princip a atteint d’abord Sophie, et le deuxième coup a touché l’héritier du trône. Tous deux ont succombé à leurs blessures.

La présence à Sarajevo du comte Harrach de Velké Meziříčí est la raison pour laquelle deux précieuses reliques de l’attentat se trouvent au château de cette ville :

« C’est le mouchoir du comte Harrach avec lequel il a soigné l’archiduc blessé et qui porte les traces du sang de ce dernier. Puis c’est encore un éclat de la première bombe jetée contre la voiture. D’autres objets se trouvent dans les collections du Musée national de Prague : en premier lieu la robe de la comtesse Sophie qu’elle portait le jour de l’attentat, et on y expose aussi la balle qui l’a tuée. Il y a d’autres vestiges de l’attentat de Sarajevo : des distinctions et décorations militaires de l’héritier du trône autrichien teintées de son sang, que le public a pu voir à l’exposition Republika montée pour le 90e anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie. »

Château de Konopiště,  photo: Martina Schneibergová
De nombreux objets rappelant l’archiduc François-Ferdinand d’Este sont à voir au château de Konopiště déjà mentionné, mais pas seulement ceux s’attachant à l’attentat de Sarajevo. Car Konopiště a été la principale résidence de l’archiduc, devenu héritier du trône après la mort quelque peu mystérieuse de son cousin, l’archiduc héritier Rodolphe, à Mayerling. Or, par son mariage morganatique avec la simple comtesse issue d’une famille noble de Bohême, François-Ferdinand a dû faire une déclaration selon laquelle ses enfants perdaient tous les droits de succession. Conscient que le principe dynastique des Habsbourg ne permettra jamais que la comtesse jouisse à la cour impériale des mêmes droits qui sont réservés à l’épouse de l’empereur, l’archiduc a décidé de s’installer à Konopiště, loin de la cour viennoise. Dans ce château, il a réuni de très riches collections de sculptures, de tableaux, de meubles, du verre, de la porcelaine, des trophées de chasse et des curiosités ramenées de ses voyages. Deux d’entre elles sont les plus précieuses et les plus typiques de la personnalité de l’archiduc assassiné il y a 95 ans à Sarajevo : une collection d’armes, comprenant presque 5000 exemplaires, et une collection d’objets représentants saint Georges. La symbolique du combat victorieux de Georges contre le dragon était proche de l’héritier du trône puisqu’elle reflétait son propre combat pour Sophie Chotek…