Le centième anniversaire de la Première Guerre mondiale
L'année 2014 marque le centième anniversaire du début de la Première Guerre mondiale. En République tchèque, le souvenir de cette guerre est lié à l'archiduc François-Ferdinand d'Este, héritier du trône d'Autriche-Hongrie. Le 28 juin 1914, cent ans se seront écoulés depuis l'assassinat de François-Ferdinand et de son épouse, Sophie, tous deux victimes d'un attentat à Sarajevo considéré comme l'élément déclencheur du premier conflit mondial. Une grande exposition consacrée à l'héritier du trône et à son rôle dans l'histoire s'est ouverte le 1er avril au château de Konopiště, non loin de Prague.
« François-Ferdinand d'Este a épousé Sophie Chotek, qui obtiendra plus tard le titre de duchesse de Hohenberg, en dépit de l’étiquette de la cour de Vienne. Car suivant les règles de succession à la couronne, pour épouser cette femme, François-Ferdinand aurait dû renoncer au trône. Finalement, l'empereur a décidé que François-Ferdinand conserverait son rang de succession à condition que son épouse ne soit pas associée au trône et que leurs enfants renoncent aux droits de succession. De la part de François-Ferdinand, il s'agissait d'un geste courageux et risqué à la fois qui a mis en danger sa succession, mais il a persévéré et épousé la femme de son cœur. »
Le mariage morganatique, c'est-à-dire entre deux personnes de rangs inégaux, est célébré le 28 juin 1900 au château de Zákupy. Le couple très uni a trois enfants et mène une vie retirée au château de Konopiště que François-Ferdinand fait remanier pour le plus grand confort de ses habitants et où il réunit ses riches collections d'armes, de tableaux, de meubles, du verre, des trophées de chasse et des curiosités ramenées de ses nombreux voyages.C'est dans ce château que François-Ferdinand reçoit, en juin 1914, l'empereur allemand Guillaume II avec lequel il entretient des relations cordiales. Quelques jours après, l'archiduc part pour la Bosnie annexée en 1908 par l'Autriche-Hongrie et où des grandes manœuvres de l'armée impériale sont organisées. Jana Sedláčková développe :
« François-Ferdinand est parti aux manœuvres à la place du vieil empereur François-Joseph, au titre de ses fonctions d'inspecteur général des forces armées impériales. Son épouse Sophie a tenu à l'accompagner. Ils arrivent à Sarajevo ville alors agitée par des conflits nationalistes. Le service de protection de l’armée manque à ses obligations. Le couple est victime de l'attentat perpétré par Gavrilo Princip. Ce dernier tire deux balles contre le couple princier. Les deux coups sont mortels. »Les circonstances du voyage d'inspection de François-Ferdinand à la suite des grandes manœuvres en Bosnie-Herzégovine semblent avoir favorisé les assassins : le 28 juin était le jour anniversaire de la défaite des Serbes à la bataille de Kosovo Polje face aux Ottomans, en 1389. De ce fait, le voyage était considéré par la minorité serbe comme une provocation. Le 28 juin correspondait également au quatorzième anniversaire du mariage du couple princier, mariage considéré comme controversé. L'épouse de l'archiduc n'étant pas membre de la famille impériale ne pouvait recevoir les honneurs militaires. Pour cette même raison, le couple ne bénéficiait plus de la protection de l'armée.
Un premier attentat sur le chemin de l'Hôtel de ville de Sarajevo n'a pas atteint l'archiduc. Sur le chemin du retour, Gavrilo Princip se trouve à portée de tir. La première balle traverse le bord de la voiture et atteint la duchesse à l'abdomen. La seconde atteint l'archiduc dans le cou. L’exposition rappelle le jour fatidique avec des photographies, comme l’observe la châtelaine de Konopiště, Marie Krejčová :« On expose des photographies du jour de l'attentat montrant le départ du couple de l'Hôtel de Ville de Sarajevo cinq minutes avant l'attentat, par le chemin menant près du pont Latin devant lequel leur voiture est rattrapée par Gavrilo Princip. On expose des distinctions et décorations militaires que l’héritier du trône autrichien portait le jour de l'attentat, ainsi que sa chemise et la robe de la comtesse Sophie teintées de sang. Il y a des masques mortuaires de François-Ferdinand et Sophie, ainsi que la balle qui l'a tuée. »
L'auteur de l'attentat, Gavrilo Princip, membre du groupe Jeune Bosnie, qui avait l'ambition d'unifier les Slaves du sud (les Yougoslaves) et d’assurer leur indépendance de l'Autriche-Hongrie, est mort en avril 1918 dans la petite forteresse de Terezín où il était incarcéré.Un mois après l'attentat, le 28 juillet 1914, l'Autriche-Hongrie, encouragée par l'Allemagne, déclare une guerre « préventive » contre la Serbie qui mènera à la Première Guerre mondiale.
Au seuil de l'année 2014 qui marque le centenaire du premier conflit mondial, des conservateurs de Belgrade ont publié une lettre cachée jusqu'ici du public au fond des archives et devant prouver que Vienne préparait une telle guerre un an déjà avant l’attentat perpétré contre l'héritier du trône. Selon eux, la lettre adressée au mois de mai 1913 par le gouverneur de Bosnie Oskar Potiorek au ministre des Finances de la double-monarchie Léon von Bilinski démontre que l’Autriche-Hongrie s'est servi de l'attentat pour réaliser des plans convenus à l'avance. L'historien serbe Miroslav Perišič considère que la lettre secrète pourrait contribuer à débarrasser la Serbie de l'étiquette d'instigateur de la Première guerre mondiale qui lui reste collée.
Pour l'historien tchèque Tomáš Jakl de l'Institut d'histoire militaire, l'attentat est un fait historique incontestable sur lequel la lettre en question ne peut rien changer. Une autre chose est la perception de la culpabilité vis-à-vis des préparatifs de la guerre :
« Le premier conflit mondial est une confrontation de tensions apparues bien auparavant. Pour l'empereur allemand qui a forgé l'unité allemande face à l'Autriche et à la France, la guerre pouvait être une solution pour résoudre les problèmes territoriaux de l'Allemagne. L'Empire ottoman déjà très affaibli a perdu, en 1912, tous ses territoires en Europe à l'exception de la Thrace orientale. L'implantation de nouveaux Etats peu stables dans cet espace est encore un élément de déstabilisation. Tous ces processus sont à l'origine d'une situation explosive à laquelle l'étincelle de Sarajevo a mis le feu. »Au fur et à mesure, l'Europe entière, à l'exception des Etats officiellement neutres, a été impliquée dans la guerre qui s'est propagée jusqu'en Asie et en Afrique et qui a redessiné les cartes de l'Europe et du Moyen-Orient, avec l'effondrement des empires austro-hongrois, ottoman, russe et la disparition de l'Empire allemand. Plus de 60 millions de soldats ont pris part à ce conflit qualifié de total, opposant les puissances centrales aux forces de l'Entente.
L'exposition dédiée à l'héritier du trône François-Ferdinand qui s'est ouverte le 1er avril au château de Konopiště est la première de la série de commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale qui auront lieu dans plusieurs endroits de République tchèque : à Zákupy, lieu de mariage du couple princier, dans la forteresse de Terezín où l'auteur de l'attentat a été incarcéré, et au château de Velké Březno, résidence de la famille Chotek.