Lex Ukrajina : vers un durcissement des conditions de protection temporaire ?
Le gouvernement tchèque envisage de rendre plus strictes les conditions d’obtention du visa de protection temporaire pour les réfugiés d’Ukraine, ainsi que l’attribution des allocations et autres aides sociales. Le prolongement de l’état d’urgence et la répartition des réfugiés dans les régions sont également à l’ordre du jour.
Le gouvernement tchèque discute aujourd’hui d’un amendement à la loi sur le séjour des réfugiés ukrainiens, une loi connue sous le nom de Lex Ukrajina. Cet amendement prévoit un durcissement des conditions d’obtention de la protection temporaire pour les réfugiés d’Ukraine. Comme l’a justifié le ministre de l’Intérieur Vít Rakušan (STAN), « ces exigences visent à motiver les gens et à les faire entrer sur le marché du travail, afin qu’ils soient autonomes dans la vie de tous les jours en République tchèque. Pour cette raison, le gouvernement souhaite rendre plus strictes certaines conditions d’enregistrement et autres. »
Allocation sous conditions
Parmi les changements proposés, l’allocation de 5000 couronnes pour l’achat de produits de première nécessité – qui est actuellement versée aux réfugiés au cours du mois pendant lequel ils reçoivent leur visa, mais qui peut ensuite être répétée pendant cinq mois supplémentaires – ne serait désormais plus versée aux réfugiés qui reçoivent de la nourriture et des produits d’hygiène dans le cadre de leur hébergement.
De plus, une condition au versement de cette aide financière sera la présence réelle du réfugié sur le territoire tchèque, et ce afin d’éviter tout « tourisme d’allocations ». Ainsi, si l’hébergement ne leur est pas fourni par les centres d’assistance régionaux, les demandeurs devront fournir une preuve d’hébergement sur le territoire. En cas de manquement, le Bureau du travail pourrait inviter les demandeurs d’allocations à se présenter en personne ; s’ils ne se présentent pas sous huit jours, leur demande pourrait être refusée.
Délais modifiés
L’amendement prévoit également de réduire à 180 jours le droit des réfugiés d’Ukraine à l’assurance maladie.
En outre, le délai de traitement des demandes de protection temporaire serait porté à 60 jours ; à l’inverse, le délai dont dispose un réfugié pour signaler un changement de résidence sera raccourci de 15 à 3 jours.
Pas pour les citoyens européens
Par ailleurs, l’amendement à la Lex Ukrajina refuse explicitement la protection temporaire aux citoyens de l’UE. Une allusion claire à la situation actuelle en gare centrale de Prague, où plusieurs centaines de réfugiés roms venant en majorité de Transcarpathie (une région d’Ukraine ceinturée par les frontières hongroise, roumaine, slovaque et polonaise) dorment toujours chaque nuit, et ce en dépit de l’ouverture, la semaine dernière, d’un camp d’hébergement temporaire dans le quartier de Troja. Pour rappel, depuis 2011, le Premier ministre Viktor Orbán délivre des milliers de passeports hongrois aux habitants de Transcarpathie afin de justifier l’existence d’une majorité ethnique hongroise. La double nationalité hongroise de ces réfugiés ne permettrait donc pas à la République tchèque de leur accorder un visa d’urgence, puisque la Hongrie appartient à l’espace Schengen.
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, le ministère tchèque de l’Intérieur a délivré quelque 345 200 visas de protection. Près de 2/5 d’entre eux ont été accordés à des enfants, tandis que les femmes représentent 73 % des adultes. Les personnes titulaires d’un visa de protection peuvent travailler sans besoin d’un permis de travail ni autre contrainte administrative. Le ministre du Travail Marian Jurečka (KDU-ČSL) a fait le point sur la situation en République tchèque comparée à celle dans les pays voisins :
« A l’heure actuelle, environ 1/3 des réfugiés d’Ukraine pouvant travailler ont rejoint le marché du travail. Comparé aux chiffres des autres pays d’Europe centrale et de l’Est, c’est véritablement en République tchèque que la part de ces personnes sur le marché du travail est la plus importante. »
Etat d’urgence et répartition des réfugiés
La proposition d’amendement ne concerne pas que les réfugiés ukrainiens, puisqu’elle prévoit également que la République tchèque ne délivrera pas de visas et de permis de séjour aux Russes et aux Biélorusses, et ce même après la fin de l’état d’urgence.
L’état d’urgence qui est d’ailleurs également à l’ordre du jour, car le gouvernement va demander au Parlement à ce qu’il soit prolongé jusqu’à la fin du mois de juin en raison de la vague de migration.
Un autre des thèmes traités aujourd’hui par le gouvernement tchèque est celui de la répartition des réfugiés. En effet, alors que Prague est la région la plus prisée par les réfugiés, le maire Zdeněk Hřib (Pirates) a déclaré la semaine dernière que si le gouvernement ne créait pas de système de répartition des réfugiés dans les régions, la capitale risquait de devoir fermer le centre d’assistance de Vysočany. Mardi, il a toutefois précisé que cette fermeture n’aurait pas lieu avant la fin du mois de mai. Sur ce thème, le ministre de l’Intérieur Vít Rakušan a précisé que des collaborateurs externes ayant travaillé lors de la crise migratoire en Allemagne en 2015 préparaient actuellement un système d’incitation à la mobilité géographique pour la République tchèque.