L’histoire de la bande dessinée tchécoslovaque retracée dans une encyclopédie

Photo: Akropolis / Site officiel de Dějiny komiksu

Fruit d’un travail long de cinq ans, une encyclopédie intitulée « L’histoire de la bande-dessinée tchécoslovaque du XXe siècle » et retraçant l’histoire complète de la bande-dessinée en Tchécoslovaquie, est en vente dans toutes les bonnes librairies tchèques depuis la semaine dernière. Organisé en deux volumes, cet ouvrage de près de mille pages est l’aboutissement du travail de quatre auteurs tchèques, Tomáš Prokůpek, Pavel Kořínek, Martin Foret et Michal Jareš.

Photo: Akropolis / Site officiel de Dějiny komiksu
Pesant plus de sept kilos et publié aux éditions Akropolis, cet ouvrage audacieux représente la rétrospective de la bande dessinée tchécoslovaque la plus complète jamais réalisée. L’encyclopédie s’est donnée pour ambition de relater depuis 1900 les différents aspects et changements de la bande-dessinée. A la question de savoir ce que les lecteurs pourront découvrir, Pavel Kořínek, un des auteurs de l’ouvrage et membre de l’Institut pour la littérature tchèque de l’Académie des Sciences, a révélé :

« Nous trouvons beaucoup de séries dessinées très intéressantes dès les années 1930, à une époque où la bande-dessinée apparaît dans une gamme de périodiques bien plus large que nous ne l’imaginions. La bande-dessinée a fait son apparition dans une presse relativement conservatrice, dans la presse catholique, ou dans des magazines pour enfants. Une autre chose qui pourrait intéresser les lecteurs, ce sont notamment les chapitres consacrés à la bande-dessinée slovaque, parce qu’à l’inverse de la bande-dessinée tchèque, pour laquelle de nombreux travaux de recherche ont déjà été réalisés par le passé, cette encyclopédie représente la première rétrospective de la bande-dessinée slovaque. »

Quelles sont alors les similitudes ou les différences entre la bande-dessinée tchèque et la bande-dessinée slovaque ? Pavel Kořínek répond :

Pavel Kořínek,  photo: ČT
« Ce qui est plutôt intéressant, c’est la façon dont les traditions de bande-dessinée se sont entremêlées. Après tout, nous parlons de bande-dessinée tchécoslovaque, et nous la pensons de façon uniforme, et ce non seulement parce que notre passé est commun et lié à un seul et unique Etat, mais surtout parce qu’il existait des liens forts entre, par exemple, des artistes tchèques et des scénaristes slovaques. De nombreux auteurs tchèques publiaient certains de leurs ouvrages uniquement en Slovaquie et en slovaque, et au contraire, des artistes slovaques dessinaient des séries spéciales pour des journaux tchèques. »

Si à certains moments de l’histoire, la bande-dessinée a été bannie de l’espace public, comme pendant le protectorat de Bohême-Moravie ou entre 1949 et 1957 pour des raisons d’idéologie politique, elle a par la suite été volontairement encadrée pendant la période de Normalisation et orientée vers des genres spécifiques, notamment pour les enfants. Quant à savoir comment la bande-dessinée a pu refléter les évènements historiques du pays, Pavel Kořínek indique :

Photo: Akropolis / Site officiel de Dějiny komiksu
« C’est précisément une des choses qui nous a paru intéressante lors de l’élaboration de cet ouvrage de l’histoire tchécoslovaque de la bande-dessinée ; à savoir, comment la forme narrative de la bande-dessinée reflète et témoigne des changements de la place de la culture, de la culture enfantine, du dessin animé ou tout simplement du récit illustré au cours du XXe siècle. Ce qui est intéressant, c’est d’observer de quelle façon ce récit illustré a été interdit à plusieurs reprises et comment il a dû se plier à certaines exigences. Mais il est aussi intéressant de voir comment la bande dessinée a tenté de s’affranchir de ces positions pour faire valoir sa singularité. »

Tomáš Prokůpek,  photo: ČT24
Un des quatre co-auteurs de cet ouvrage, Tomáš Prokůpek, a évoqué les personnalités déterminantes de l’histoire de la bande-dessinée :

« Dans l’histoire de la bande-dessinée tchèque, on peut trouver plusieurs noms qui peuvent être comparés à ce qu’il y avait de meilleur en France ou aux États-Unis. Et ce sont précisément les noms de Josef Lada, Ondřej Sekora et Kája Saudek. »

Photo: Akropolis / Site officiel de Dějiny komiksu
C’est d’ailleurs ce dernier dessinateur très prolifère, Kája Saudek, jumeau du non moins connu photographe Jan Saudek, qui a marqué de sa plume une grande partie de la seconde moitié du XXe siècle, et en particulier les années 1960 et 1970, époque qui marqua de ce fait un tournant pour l’illustration tchèque. Auteur des ‘ komiks’, mot qui veut dire bande-dessinée en tchèque, comme « Muriel et les anges » ou «Arnal, et les deux dents de dragon », Kája Saudek, dans le coma depuis 2006, a notamment participé à l’illustration de trois films comiques des années 1960, dont « Qui veut tuer Jessie ? » (« Kdo chce zabít Jessie ? »).

Les auteurs de cette encyclopédie colossale qui retrace l’histoire de la bande dessinée tchécoslovaque élaborent déjà à l’heure actuelle une suite avec pour point de départ l’année 2000.