« L’humanité a besoin de langues comme le français »

Jean-Marc Defays

Le 2e Congrès européen des professeurs de français a donc débuté ce jeudi à Prague. Pendant trois jours, professeurs de français en provenance de toute l’Europe, spécialistes de la langue française et de l’éducation, entre autres, sont réunis dans la capitale tchèque. Parmi eux, le professeur Jean-Marc Defays, professeur et directeur de l’Institut supérieur des langues vivantes de français à l’Université de Liège, en Belgique. Au micro de Radio Prague, Jean-Marc Defays a expliqué l’intérêt de ce type de congrès :

Jean-Marc Defays
« La première chose à laquelle je pense, c'est de retrouver mes collègues d’un peu partout en Europe. Je crois que c’est une des fonctions essentielles de la Fédération internationale des professeurs de français : donner l’occasion à tous les professeurs, dont certains sont parfois isolés, de se retrouver pour échanger leurs expériences, leurs pratiques, et surtout de se réjouir d’être ensemble et de partager la même passion, qui est d’enseigner le français dans leur pays, parfois dans des conditions difficiles. »

Quels seront les grands thèmes de ce congrès ?

« Les thèmes abordés sont multiples : ça part dans toutes les directions, même si ça porte surtout sur les questions de l’actualité de l’enseignement du français en Europe et aussi plus généralement dans le monde. Quelle est la place de cet enseignement ? Quelles en sont les formes ? Quels en sont les objectifs ? Il sera question de points de vue fort larges comme de questions beaucoup plus techniques concernant, par exemple, les pratiques de classe. L’important pour le français est de s’inscrire dans un monde plurilingue, interculturel, et de trouver sa bonne place par rapport aux autres langues enseignées."

Sur quel point allez-vous intervenir personnellement ?

« La question que je pose est de savoir quelles sont les responsabilités, quel est le rôle des professeurs de langues étrangères devant la mondialisation et la globalisation. Il faut que nous repensions à ce rôle et que nous lui donnions toutes ses dimensions. Nous ne sommes pas seulement des techniciens de la langue, des enseignants de la communication, nous avons un rôle de médiateur culturel à jouer. Ce que nous lisons et entendons dans les médias nous prouve que nous avons vraiment besoin de médiateurs culturels et interculturels. Je pense que notre responsabilité est de former la prochaine génération de citoyens européens et du monde à pratiquer et à concevoir cette interculturalité pour pouvoir la vivre au quotidien. Si les professeurs de langues étrangères ne jouent pas le rôle de médiateur interculturel pour cette génération, je me demande qui pourra le tenir, et je serai alors très inquiet. »

Depuis la Belgique où vous vivez et travaillez, avez-vous le sentiment que le français continue à perdre du terrain et de l’influence en Europe ?

Photo: Commission europénne
« Il est clair que, au niveau quantitatif, la place du français n’est plus la même que celle qu’elle occupait ne serait-ce qu’il y a une cinquantaine d’années. Je ne parle pas seulement de l’anglais mais de l’ensemble du contexte de l’Europe, et a fortiori du contexte de la globalisation et de l’uniformisation. Certains pronostiquent que, à terme, seul l’anglais sera nécessaire pour mener des études internationales, des affaires ou une carrière diplomatique. Bien sûr, on s’interroge alors sur l’utilité des professeurs qui enseignent les autres langues. Mais je pense qu’il faut placer le débat au niveau qualitatif : au niveau de l’humanité, et non pas du marché, on a plus que besoin de langues comme le français qui véhiculent d’autres valeurs que de simples valeurs marchandes, commerciales, de rentabilité, de concurrence, etc. Je veux donc rester optimiste et dire qu’il y aura un après-globalisation et qu’il faut s’y tenir prêt. »