Libri Prohibiti, la bibliothèque des « livres interdits » et la commémoration de la Charte 77
Fondée officiellement en 1990, la bibliothèque Libri prohibiti rassemble depuis plus de quinze ans la littérature parue hors du territoire tchécoslovaque pendant le XXe siècle, ainsi que les nombreuses oeuvres publiées sous forme de samizdat. Elle accueille ainsi, place Senovazne, dans le centre de Prague, les étudiants et toutes les personnes intéressées par la production culturelle interdite sous le régime communiste. Jiri Gruntorad, directeur de la bibliothèque et ancien signataire de la Charte 77, participe aux commémorations de la Charte. Il présente sa bibliothèque au micro de Radio Prague.
« Dans la bibliothèque libri prohibiti se trouvent actuellement 26 000 volumes de livres et de revues. A peu près la moitié de la bibliothèque contient des publications samizdat, soit près de 13 000 livres. Il y a des publications de la première et de la deuxième résistance. Il y a aussi des publications de la troisième résistance et de la Tchécoslovaquie de l'exil. Celles-ci sont au nombre de 2 000. Nous avons des publications des émigrés tchèques ainsi que la littérature qui se rapporte à ces thèmes. Il y a des livres, des magazines, des affiches, des pamphlets, des photographies, des supports audiovisuels avec une grande collection de bandes magnétiques, des CD, et des cassettes vidéo. Et tout cela forme la bibliothèque libri prohibiti. »
Cette année la Charte 77 fête son 30e anniversaire. Après l'exposition inaugurée en janvier au Musée national, les anciens chartistes et leur famille se sont retrouvés, mardi 13 mars, à l'Eglise Ste Anne, au coeur de la vieille ville. La bibliothèque Libri Prohibiti avait préparé à cette occasion une exposition que Jiri Gruntorad nous avait présenté auparavant :
« Il y aura une exposition de nos collections. En plus de la littérature samizdat qui a pour thème la Charte 77, il y aura des livres des signataires qui ont été publiés en samizdat ou en exil. Il y aura les listes des signatures d'anciens signataires, des documents qui se rapportent à la Charte, certains documents de l'ancienne StB, des photographies, des tracts et la littérature sur le thème de la Charte. »
La réunion des anciens chartistes a donc été marquée par ces questions de mémoire. Des allocutions ont été prononcées par les anciens porte-parole, insistant sur le rôle de modèle éthique de la Charte et l'importance de poursuivre la diffusion de ses valeurs. C'est aussi ce que Jiri Gruntorad nous a confié :
« J'ai accueilli ces changements en 1989 avec beaucoup de joie naturellement. Je n'avais même pas espéré vivre de tels changements. Il semblait que le système communiste était installé pour toujours et nous pensions que notre génération ne connaîtrait pas ces changements. C'était une idée très répandue. Heureusement, l'empire s'est écroulé, nous vivons dans un monde libre ou relativement libre. Je pense qu'un des problèmes majeurs de cette société est de s'acquitter du passé, de ce que nous avons vécu sous le communisme. Ce n'est qu'une réflexion sur le passé qui peut nous aider à le faire. Ce que nous avons vécu, notre communauté de la Charte, c'était le respect des opinions des autres, la tolérance... et c'est ce qui nous manque dans la société actuelle. On devrait en tirer des enseignements. »