Linet : quand une PME tchèque s'installe sur le marché français
Retour aujourd'hui sur l'aventure de Linet, société créée en 1990 à Slany en Bohême centrale et spécialisée dans les lits d'hôpitaux. Présente depuis 2004 dans l'Hexagone via sa filiale française, Linet fait son trou. Christine Leberre est la directrice commerciale de Linet France. Elle revient sur la courte histoire du chapitre français de Linet.
L'adhésion de la RT à l'UE a donc facilité vos démarches administratives, mais pouvez-vous parler des principales difficultés auxquelles a dû faire face Linet en s'installant en France ?
« Il y a une norme française, la norme NF, qui est plus stricte que la norme européenne et qui exige que l'on demande une certification pour nos produits. Cela a été la principale difficulté. Quand on a commencé en mai 2004 on a quand même trouvé des clients qui, sans aucune référence et sans certificats de qualité, pouvaient nous acheter nos produits simplement en les essayant et en constatant que c'était des produits avec un excellent rapport qualité/prix. Mais on n'avait pas la confirmation de pouvoir s'implanter durablement en France et prendre des parts de marché sans cette certification NF. Cela a été la principale difficulté et c'est très long et très coûteux. »
La seule difficulté ?
« Pas la seule, parce qu'aujourd'hui les marchés publics sont très exigeants en France et nous n'avions pas d'équipe commerciale au départ. Nous avons dû embaucher une force de vente qui maintenant couvre l'ensemble du territoire. »
En République tchèque on parle souvent du protectionnisme à la française, de l'ampleur du débat autour du plombier polonais... Est-ce que vous avez été concernés à un moment - en tant que filiale d'une société tchèque - par tout ça ?
« Oui et non. Je pense que le Français moyen n'est pas très conscient que la République tchèque peut prendre des emplois en s'installant en France. On a été très bien accueilli par la mairie ici, par les politiques et par les députés européens. Il y a quand même un esprit européen. Mais le problème, c'est la lourdeur administrative : pour avoir un Tchèque président de notre filiale il aurait fallu prouver qu'il était commerçant étranger ; pour qu'Igor Savic soit payé en France, il aurait fallu qu'il passe tout un tas de visites médicales et remplisse un dossier administratif très compliqué en payant une certaine somme à l'Office des Migrations Internationales. Ce sont des freins à l'arrivée en France des ressortissants des nouveaux pays de l'UE, à qui on fait moins confiance, je pense. »
Preuve du succès de Linet en France : des marchés très importants que vous venez de remporter dans le sud du pays. De quels établissements s'agit-il exactement ?
« On a remporté le gros marché du CHU de Montpellier sur quatre ans. C'est un investissement considérable puisqu'ils vont renouveler plus de la moitié de leur parc de lits (entre 1500 et 2000 lits). Nous allons équiper tous les services de médecine-chirurgie et réanimation-soins intensifs. Notre produit a été vraiment choisi grâce à sa qualité et à la qualité de l'entreprise que nous avons pu faire visiter aux personnes du centre hôspitalier, uniquement grâce à cela. »
A Montpellier donc, mais aussi à Nice notamment c'est ça ?
« A Nice, nous allons équiper le service de réanimation de quinze lits très performants que Linet est le seul à produire au monde. Des lits qui latéralisent et qui permettent au patient alité de mieux respirer. Nous avons aussi les hôpitaux de l'Assistance Publique de Paris. C'est une très grosse référence, dont nous équiperons tous les lits de réanimation-soins intensifs dans les trois ans. Et nous avons d'autres références significatives comme l'hôpital de Pontoise, l'hôpital de Roubaix sur quatre ans, le CHU de Rennes sur trois ans... Donc nous avons quand même pris des parts de marché et nous avons pris des références très importantes qui impressionnent beaucoup nos concurrents. »
Comment se passe la coopération franco-tchèque au sein de l'entreprise ?
« Très bien. C'est vrai que ce n'est pas toujours facile au départ ; on avait des difficultés pour s'expliquer parce que nous n'avons pas les mêmes mentalités, le même passé, la même culture, mais il y a quand même un très grand point commun entre Français et Tchèques : on se préoccupe des ressources humaines. On est vraiment très centré sur la progression de la personne dans l'entreprise. Les différences qui nous opposent sont simplement des différences dans la façon de négocier... Les Français sont très attachés à la négociation, et la République tchèque est plus amenée à prendre des décisions de façon unilatérale - enfin c'est ce qui nous paraît être la principale différence. »
Ou êtes-vous installés, avec combien de personnes ?
« Nous sommes installés dans la région tourangelle, une région centrale que l'on a choisi pour sa proximité avec Paris et ses coûts modérés. Il y a 15 Français en France, et 280 chez Linet en RT. »
Donc pas de Tchèques dans la filiale française ?
« Il n'y en a plus. Les Tchèques nous ont fait confiance, et c'est aussi une très grande qualité de leur part : ils font confiance aux hommes. Je pense que c'est ça aussi qui nous rapproche, et nos relations sont très bonnes grâce à cela. Ils nous donnent toute une autonomie pour diriger la filiale. Et on a quand même une personne responsable de la France en RT qui régulièrement vient nous voir. »