L’interdiction de fumer dans les lieux collectifs âprement débattue par les députés
La République tchèque est le pays de l’Union européenne à la législation sur le tabac la plus permissive et les fumeurs de passage sont encore agréablement surpris de pouvoir s’en griller une dans un des nombreux bars de Prague. Le gouvernement actuel essaye tant bien que mal de faire adopter une loi plus restrictive – les débats ont commencé à la Chambre des députés mais les pronostics sont plutôt réservés.
C’est le moment de vérité pour le ministre de la Santé Svatopluk Němeček (ČSSD), qui se veut ambitieux :
« Les conséquences de la cigarette ne sont pas seulement le cancer des poumons, mais aussi des tumeurs et des maladies cardio-vasculaires. Il s’agit ici de l’interdiction totale de fumer à l’intérieur des restaurants, des cafés et autres. »
Le ministre de la Santé va devoir s’accrocher pour faire adopter son texte, car même des députés de la coalition gouvernementale se montrent réservés. Au sein de sa propre formation, des députés sont farouchement contre, comme l’ancien ministre de la culture Vítězslav Jandák, qui a de nouveau tenté l’humour pour se plaindre que le projet de loi ne condamnait pas la consommation de viande grasse, « elle aussi nuisible pour la santé ».Du côté de l’opposition de droite, les députés se présentent comme des défenseurs de la libre-entreprise et d’un marché que l’Etat n’a pas à réguler. Petr Fiala, président du parti civique démocrate ODS :
« L’Etat ne doit pas décider ce qu’on peut ou ne peut pas faire, comment on doit se comporter. Le fait d’aller dans un restaurant n’est pas un droit, c’est un choix, donc je peux choisir où aller, et si un restaurant ne me convient pas je ne suis pas obligé d’y entrer. »
Il faut dire que le projet de loi est assez révolutionnaire dans un pays qui jouit d’une longue tradition de brasseries enfumées, sources d’inspiration de quelques-uns des plus grands écrivains locaux.
Jamais en reste sur les effets de style au Parlement, le nouveau président du parti TOP 09, Miroslav Kalousek, a quant à lui soufflé la fumée de sa cigarette électronique sur le ministre de la Santé après son intervention.Car même les cigarettes électroniques doivent être interdites par ce texte dans tous les bars et restaurants tchèques, qui seront aussi contraints de proposer au moins une boisson non alcoolisée à un tarif inférieur à la bière, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement.
L’association des hôtels et restaurants est vent debout contre ce projet et plusieurs parlementaires veulent laisser aux maires le choix entre fumeur ou non-fumeur pour les bistrots des petites communes.
La procédure législative est à peine entamée que les commentateurs se montrent assez pessimistes sur l’adoption de la loi dans sa forme actuelle. Le puissant lobby du tabac est pointé du doigt par certains d’entre eux, avec notamment l’usine de cigarettes américaines située pas loin de Prague et régulièrement visitée par les responsables du pays. D’autres doutent des chances de réussite en raison du caractère trop strict de ce projet de loi.
Déjà reportée à maintes reprises, la loi tchèque anti-tabac pourrait se faire attendre encore quelques mois, au moins. Dans de récents sondages, plus de 75% des personnes interrogées étaient favorables à l’interdiction de fumer dans tous les bars et restaurants.« Je veux croire que nous allons réussir à la faire adopter » a indiqué le premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka (ČSSD), qui concède, réaliste, que « le combat sera rude ».