Loi antitabac : bientôt la fin des restaurants et bars enfumés en Tchéquie

Photo: Archives de Radio Prague

Les restaurants, bars et autres lieux de convivialité deviendront très probablement non-fumeurs en République tchèque à compter de mai prochain. Rejeté en mai dernier, la loi dite antitabac a en effet été finalement approuvée par les députés vendredi dernier. Le texte, qui vise également à limiter les ventes d’alcool, sera prochainement débattu par le Sénat. De son côté, le président de la République a déjà promis de signer.

Photo: Archives de Radio Prague
Près de 25 % de la population tchèque fument. Chaque année, le tabac cause la mort de quelque 18 000 Tchèques, parmi lesquels figurent également les personnes victimes du tabagisme passif. Bien que l’interdiction de fumer dans les bars, restaurants, cafés, discothèques et autres lieux de convivialité fasse l’objet de vives discussions depuis maintenant plus de dix ans, la République tchèque reste un des derniers pays de l’Union européenne où il reste encore possible de fumer dans ces différents endroits.

En 2005, le gouvernement de l’époque avait interdit de fumer dans certains lieux publics, dont les arrêts de bus ou les quais des gares. Le projet visant à l’interdiction complète de fumer dans les lieux à usage collectif a toutefois été rejeté par la Chambre des députés à maintes reprises. La dernière tentative, source d’une grande controverse au sein de la coalition gouvernementale, remonte au 25 mai dernier… Malgré ce cuisant échec, le gouvernement dirigé par le social-démocrate Bohuslav Sobotka a persévéré dans sa volonté de faire passer la loi et a décidé d’en représenter une version quasi identique à la Chambre basse du Parlement. Cette persévérance a abouti au résultat que l’on connaît et dont se félicite le Premier ministre :

Le ministre de la Santé,  Miloslav Ludvík et Bohuslav Sobotka,  photo: ČTK
« L’adoption de cette loi est un signal clair. Elle démontre que nous nous efforçons vraiment de faire en sorte que la République tchèque se range parmi les pays ‘civilisés’ qui protègent la santé de leurs citoyens et qui privilégient cet aspect aux intérêts commerciaux. »

Officiellement appelée « loi sur la protection de la santé contre les effets négatifs des substances engendrant une dépendance », ce paquet de différentes mesures a été adopté dans la forme souhaitée par les partis de la coalition gouvernementale. Ainsi, les députés ont rejeté l’amendement « assouplissant » qui avait suscité la plus grande controverse lors du vote en mai dernier, à savoir la création de fumoirs – des pièces isolées, sans service, qui auraient représentées moins de 25 % de la surface des établissements. De même, l’instauration d’un espace fumeur ne sera plus autorisée dans les cinémas, théâtres, salles de concert et autres salles de sport. Inversement, l’interdiction ne concernera pas les terrasses, l’utilisation des narguilés et cigarettes électroniques.

Le projet en faveur duquel ont voté 118 des 163 députés présents vendredi limite également les ventes de boissons alcoolisées. Celles-ci ne pourront plus être vendues par exemple dans des distributeurs automatiques et lors des événements destinés aux jeunes.

Photo: Kristýna Maková
Saluées par Bruxelles, ces restrictions ont néanmoins leurs opposants, notamment dans les rangs de l’opposition. Comme l’explique le chef du parti TOP 09, Miroslav Kalousek, cette nouvelle loi entrave la politique de libre-entreprise :

« En temps normal, je serais pour l’adoption de la loi antitabac. Mais dans cette période de guerre que mène le gouvernement contre les entrepreneurs, je n’ai pas voulu voter pour une autre mesure de régulation et de répression. »

De même, l’Association des hôtels et restaurants craint que la règlementation entraîne la disparition de certains petits entrepreneurs, une idée que rejette toutefois le ministre de la Santé, Miloslav Ludvík :

« Pour aider les petites entreprises, nous avons laissé de côté un amendement qui allait contre leurs intérêts. Il s’agit de la prescription qui obligeait les restaurateurs à proposer à la vente une boisson non alcoolisée à un tarif inférieur à celui de la bière. Nous avons donc donné une suite favorable à certaines de leurs demandes. Je crois dès lors qu’il s’agit d’un ‘compromis équilibré’ qui ne blesse personne et qui, au contraire, aide les autres. »

Photo: Jan Rosenauer,  ČRo
Pour être définitivement adoptée, la loi doit encore être approuvée également par le Sénat et signée par le président de la République. Tandis que Miloš Zeman, lui-même gros fumeur, a confirmé dimanche qu’il signera la loi bien qu’il la considère comme « une absurdité absolue », la position qu’adopteront les sénateurs semble moins sûre. Miloslav Ludvík :

« Cette loi vise notamment à protéger les jeunes et à empêcher que la République tchèque soit le pays où l’on boit et où l’on fume le plus. Je crois qu’il y a encore une grande lutte devant nous. Mais cette victoire à la Chambre des députés est une victoire de tous les citoyens du pays. Et je pense que les sénateurs le comprendront et nous soutiendront. »

Si la loi est bien approuvée, elle entrera en vigueur symboliquement le 31 mai prochain, date de la Journée mondiale sans tabac. La République tchèque se joindra ainsi à la liste des dix-huit pays de l’UE qui ont déjà interdit complètement de fumer dans les bars et restaurants.