Litige commercial : les brasseries Auheuser-Busch et Budvar toujours devant les tribunaux
Ce n’est pas la première fois qu’une entreprise tchèque est désavouée par un tribunal européen. La brasserie Budějovický Budvar, fleuron de l’industrie brassicole tchèque, située au sud de la Bohême dans la ville de České Budějovice, connu sous le nom de Budweis dans le monde germanique, et qui commercialise la bière Budweiser Budvar, en fait cette fois-ci les frais. La Cour suprême de l’Union européenne a en effet donné raison à son rival de toujours, le géant américain Anheuser-Busch, basé à Saint-Louis aux Etats-Unis. Connue pour sa bière répondant également au nom de Budweiser, mais à la qualité plus discutable, la brasserie américaine a obtenu la propriété de l’appellation ‘Bud’ dans toute l’Union européenne. Un nouveau rebondissement, certainement pas le dernier, dans un litige commercial vieux de plus d’un siècle.
C’est un désaveu pour son adversaire tchèque, la brasserie Budějovický Budvar, qui appartient à l’Etat tchèque, et qui arguait avoir déjà déposé cette appellation en Slovaquie, en France, dans les pays du Benelux ou encore en Bulgarie. Pas suffisamment probant pour le tribunal européen, qui avait pourtant dans un premier temps donné raison au brasseur tchèque en 2008, avant d’accepter de réétudier son jugement suite au recours déposé par la société nord-américaine. Le directeur de la firme nationale tchèque, Jiří Boček, ne dramatise pas pour autant la décision de la cour luxembourgeoise :
« Ce n’est pas le verdict final et nous disposons encore de la possibilité de faire appel, c’est le premier point. Ensuite, nous ne sommes jamais enthousiastes quand une décision comme celle-ci est prise à notre encontre. Mais il est d’abord important que cela ne perturbe en aucun cas nos activités commerciales au sein de l’Union européenne, où les appellations Budweiser Budvar ou simplement Budweiser sont pour nous des marques-clefs. »
Au contraire des Américains d’Anheuser-Busch qui, dans un communiqué de presse, se réjouissent du fait que leur « marque sera en principe protégée dans le monde entier ». Enfin seulement la marque ‘Bud’ car le conflit n’est pas réglé en ce qui concerne les marques Budvar et surtout Budweiser, appellation capitale pour les deux firmes comme le soulignait Jiří Boček. ‘Budweiser’ est un mot qui désigne ce qui vient de Budweis donc de Ceské Budějovice, et là est le cœur du problème.
En effet, Anheuser-Busch se prévaut d’avoir déposé le nom ‘Budweiser’ dès 1876 à Saint-Louis dans l’Etat du Missouri tandis que Budvar n’a été fondé que dix-neuf ans plus tard dans la ville tchèque qui répondait alors au nom de Budweis pour la population germanophone. Seulement, la société tchèque argue que sa bière était déjà produite dans la ville principale de Bohême du Sud longtemps auparavant. Aussi le conflit sur l’appellation ‘Budweiser’ a traversé le XXe siècle sans prendre une ride : entre 2000 et 2011, la justice a dû trancher pas moins de 124 litiges commerciaux entre les deux compagnies ; avantage aux Tchèques avec 88 victoires et huit « matchs nuls ». Des cas souvent épineux pour les tribunaux. L’avocat Robert Pelikán explique :
« Cela dépend vraiment du cas par cas puisque ce litige est assez unique et c’est aussi pourquoi il dure depuis plus de cent ans avec ces différents épisodes. Il se trouve qu’il n’y a vraisemblablement pas eu de mauvaise volonté de la part d’aucune des deux parties. Quand Messieurs Anheuser et Busch ont nommé leur bière au XIXe siècle avec nostalgie pour leur bonne vieille ville de Budweis, ils n’imaginaient pas qu’éclaterait un conflit avec Budějovický Budvar sur le marché mondial, bien que cela se soit produit relativement tôt. Aussi cet argument de la mauvaise volonté ne peut être invoqué. Donc ensuite se pose seulement la question de la popularité de la marque auprès des consommateurs. »
Dernière victoire en date pour Budvar, la reconnaissance définitive de son droit d’utiliser l’appellation Budweiser sur le territoire britannique, son deuxième marché d’exportation ce qui ne résout toutefois pas grand-chose, car son concurrent peut également y commercialiser de la bière sous le même nom, cas assez unique.
L’entreprise tchèque devrait pourtant faire face à une nouvelle menace : le spectre de sa privatisation, bruit qui court depuis quelques années mais qu’aucune décision n’est venue entériner. Budvar risquerait alors d’être racheté par un grand groupe international, et pourquoi pas par Anheuser-Busch ? Reste la qualité des deux ‘Budweiser’ : gageons que les amateurs de bière ont déjà choisi leur fût.