Loi sur la consommation : consommateur gagnant, commerçant perdant ?

Photo: Archives de Radio Prague

C’est une petite révolution qui vient de se produire dans le domaine du droit de la consommation. La loi qui a été adoptée mercredi par le Sénat et qui n’attend plus désormais que la signature du président Miloš Zeman, devrait permettre de mieux renseigner le consommateur sur l’origine et la composition des produits, et ce au détriment des détaillants auprès desquels les contrôles seront renforcés. Le texte, qui devrait entrer en vigueur d’ici janvier 2015, est largement critiqué pour son inutilité et sa sévérité face à une législation européenne déjà très contraignante.

Marian Jurečka,  photo: ČT24
En quinze ans, jamais une loi sur la consommation n’a fait couler autant d’encre en République tchèque. Avec un chiffre d’affaire de plus de cinq milliards de couronnes par an (environ 180 millions d’euros), les magasins de grande distribution seront désormais tenus de mieux informer le consommateur sur les produits vendus. Pour le ministre de l’Agriculture, Marian Jurečka, qui n’a pas hésité sur les plateaux télé à montrer le bon exemple en buvant une bière brassée en République tchèque, il s’agit avant tout de favoriser la production nationale :

« Les magasins agroalimentaires pourront compter sur les producteurs nationaux et participeront ainsi à la création d’emplois en République tchèque et au renforcement du secteur agricole, ce qui permettra une hausse du pouvoir d’achat. Cette loi ne va pas être évidente à mettre en place et il sera tout aussi difficile de choisir à quels types de produits elle devra être appliquée en priorité. »

Mais pour ses détracteurs, principalement les groupes ODS et TOP 09, le texte va beaucoup trop loin par rapport à une règlementation européenne déjà très stricte en matière de droit de la consommation. Pour d’autres encore, cette loi ne reflète pas les attentes des consommateurs, comme l’explique la présidente de la confédération du commerce et du tourisme, Marta Nováková :

Marta Nováková,  photo: ČT
« Je pense qu’en pratique cette loi ne va pas changer grand-chose pour les clients. Ils seront bien évidemment mieux informés sur la composition de certains aliments, mais la question est de savoir si cette information fait partie des priorités des consommateurs. D’après toutes les enquêtes que nous avons à notre disposition, le consommateur tchèque, tout comme dans le reste de l’Union européenne, s’intéresse en priorité au prix du produit, à sa qualité, à son goût et à son emballage. Le besoin d’être informé sur les composantes du produit et son origine n’arrive qu’en cinquième position. Il faudra donc voir si cette loi sera vraiment signifiante pour les consommateurs. »

Si le consommateur paraît peu affecté par cette loi, les grandes enseignes, elles, sont les premières touchées. En effet, le texte prévoit de renforcer les amendes si les étiquettes des produits ne sont pas suffisamment précises. Or, il est rare que ces enseignes produisent elles-mêmes les produits qu’elles vendent, ce qui les rend dépendantes de leurs fournisseurs pour ce qui est des informations communiquées au consommateur. Les magasins pourraient donc être injustement sanctionnés et les producteurs mis de côté, ce que critique vivement Marta Nováková :

Photo: Archives de Radio Prague
« Ce qui nous dérange, c’est l’alourdissement des sanctions et le système de notation de ces magasins en fonction de leur violation de la loi, ce qui serait d’après moi une première dans l’Union européenne et c’est ce que nous dénonçons le plus en tant que commerçants. Les amendes pourront ainsi s’élever à des millions, voire dans certains cas à des dizaines de millions de couronnes. Ce que nous souhaitons, et ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord avec le ministère de l’Agriculture, c’est de combler les lacunes du texte de loi par des règlements. »

Si les commerçants souhaitent désormais faire appel à une agence de lobbying afin que leurs intérêts soient mieux représentés au niveau politique, le ministre de l’Agriculture, Marian Jurečka, a fait savoir qu’il serait préférable qu’ils respectent avant tout la nouvelle loi sur la consommation :

« Les produits alimentaires non emballés, et plus particulièrement les pâtisseries, sont des aliments que les gens achètent le plus souvent et en assez grande quantité. Nous pensons que le consommateur doit pouvoir avoir accès a cette information de manière visible et accessible afin qu’il puisse savoir quelle est la fabrication du produit et quelles en sont les composantes. »