L’oie de saint Martin, une tradition retrouvée après 1989
Le 11 novembre est certes entré dans l’histoire comme le jour de l’armistice de 1918, mais cette journée a de tous temps été un moment important du calendrier chrétien, associé à des traditions toujours bien vivantes, notamment en pays de culture germanique. C’est en effet le jour de la saint Martin, où traditionnellement, en pays tchèques aussi, on déguste la fameuse oie de la saint Martin et le vin nouveau éponyme.
« La tradition de l’oie de saint Martin a été redécouverte après la révolution de Velours. Ces dix dernières années, il y a un véritable boom : à chaque fête de la saint Martin, nous vendons au restaurant environ 900 cuisses d’oie rôtie et entre quarante et soixante oies de la saint Martin entières. »
Jan Pípal est le chef cuisinier du restaurant pragois Parlament, non loin de la Radio tchèque. Si aujourd’hui, les fêtes de la saint Martin sont devenues une bonne opération marketing, elles ont toujours été liées à un moment convivial et gastronomique. Mais quel rapport entre le saint évêque, plutôt réputé pour sa frugalité et son ascétisme, et l’oie, mets résolument associé à la bonne chère ? Une légende raconte que les oies perturbaient Martin lors de ses sermons, et auraient fini sur la rôtissoire en guise de punition. Selon une autre légende, Martin se serait caché parmi les oies pour éviter d’être nommé évêque, mais les oies l’auraient trahi par leur caquetage.Historiquement, cette coutume automnale marque la fin des travaux agricoles, comme l’explique Martin C. Putna, historien de littérature :
« La fête de la saint Martin tombe le 11 novembre. C’est un jour qui possède une longue tradition dans toute la culture européenne, notamment dans le folklore. C’était le 11 novembre qu’on licenciait les garçons de ferme, le 11 novembre on savourait l’oie de saint Martin. Les gens célébraient son personnage, le bon évêque et fêtaient l’arrivée prochaine de l´hiver. Bien évidemment, c’était l’occasion de manger abondamment et surtout de prendre un peu de poids en prévision du froid et de l’hiver rigoureux. »
Tout cela est bien joli, me direz-vous, et fort intéressant, mais quand est-il de ce fameux plat de fête alors ? Eh bien, pour la préparation de l’oie de saint Martin, nul besoin d’avoir fait l’Ecole de cuisine Paul Bocuse : quelques ingrédient suffisent et il faut simplement s’armer de patience, car tout le secret est dans la cuisson, longue, très longue, comme le détaille Jan Pípal :
« Seuls deux ingrédients sont nécessaires : du carvi (ou cumin des prés) et du sel. Il faut saler l’oie sur le dessus, sur le dessous et à l’intérieur. Quand on prépare une oie entière, on rajoute à l’intérieur des pommes et de l’oignon. L’oignon rend l’oie plus goûteuse et plus juteuse. On met au four, on fait dorer, on verse un peu d’eau ou de bouillon de volaille, et ensuite, on baisse au minimum et on laisse cuire plusieurs heures. »L’oie de saint Martin se sert traditionnellement avec du chou rouge et des knödels à la pomme de terre. Et pour faire passer le tout, un petit verre de vin, de la saint Martin évidemment : ouvert spécialement le 11 novembre à 11 heures, ce vin à l’appellation d’origine protégée fête l’arrivée du nouveau millésime, un peu comme le Beaujolais nouveau en France. Tout cela, idéalement, avec modération, pour ne pas terminer comme les personnages d’un tableau récemment authentifié de Bruegel l’ancien : dans cette œuvre conservée au Musée du Prado, la fête de la saint Martin vire en effet à la foire d’empoigne et à la beuverie généralisée…