Mais que pleut-il donc ?
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Parler de la pluie et du beau temps… Vous connaissez tous cette expression, qui signifie parler de tout et de rien à la fois, de choses diverses et souvent futiles. Et parmi ces choses diverses, banales dont les gens parlent entre eux, figurent bien entendu, justement, la pluie et le beau temps ; la météo ayant toujours été un sujet de conversation universel. C’est en effet un moyen, lorsque l’on ne sait pas quel sujet aborder en société, de tromper l’ennui ou de rompre un silence parfois embarrassant. Néanmoins, quoi de plus ennuyeux que de parler du temps qu’il fait ? A moins d’être Anglais… Selon une étude très sérieuse réalisée il y a quelques mois, les Britanniques passeraient en moyenne l’équivalent de six mois de leur vie, ou si vous préférez près de cinquante heures par an, à parler de la météo… Des chiffres presque incroyables qui font de la pluie, du vent ou, plus rarement du beau temps, le sujet de conversation préféré au Royaume-Uni, devant même les affaires de la famille royale ou le sacro-saint football. Mais laissons nos chers amis anglais à leurs préoccupations pour nous occuper des Tchèques. En effet, dans leur langue, il existe une particularité tout à fait curieuse et intéressante, à savoir qu’il existe deux mots ne possédant aucun rapport entre eux pour désigner la « pluie » et « pleuvoir ».
Passons maintenant au verbe « pršet ». Lorsqu’un Tchèque affirme par exemple qu’il va probablement pleuvoir aujourd’hui, il affirme quelque chose que ses ancêtres ne comprendraient absolument pas. Non pas qu’il ne pleuvait pas autrefois en Bohême et en Moravie, mais ces ancêtres demanderaient certainement à savoir ce qu’il va pleuvoir, ce qui va tomber du ciel. En effet, il pouvait pleuvoir, ou plus précisément tomber n’importe quoi à l’époque, et pas seulement des gouttes de pluie. Il pouvait donc « pleuvoir » des grains, de la farine, du sable, de la neige, mais aussi des dents ou des cheveux. Le sens originel du verbe « pršet »était en effet « verser, vider, déverser, tomber ». Ainsi, quand les ancêtres des Tchèques disaient « zrno prší », cela signifiait en quelque sorte que les grains de blé tombaient des épis, et quand ils disaient de quelqu’un « prší mu vlasy » ou « prší mu zuby », vous comprenez bien qu’il ne pleuvait pas des cheveux ou des dents, mais plutôt que les cheveux ou les dents tombaient.
Quant au sable également évoqué, il ne s’agissait pas non plus d’une pluie de sable, mais plutôt du sable qui s’écoulait d’un réservoir à l’autre du sablier, instrument qui servait alors communément à mesurer le temps. Et lorsqu’un réservoir s’était vidé de son sable et qu’une unité de temps était arrivée à son terme, on disait alors « čas vypršel », c’est-à-dire « le temps a expiré » et non pas « le temps a fini de pleuvoir ». Notons d’ailleurs qu’il s’agit là d’une façon de s’exprimer très usitée des Tchèques aujourd’hui. Ainsi s’ils affirment par exemple « dovolená nám vypršela », cela veut dire que leurs vacances sont terminées, et ce même s’il n’a pas plu, même s’il n’est pas tombé la moindre goutte de pluie pendant ces fameuses vacances. Néanmoins, désormais, dans son sens le plus répandu, le verbe « pršet » ne signifie plus que « tomber, en parlant de la pluie ».Ainsi donc pour notre petite recherche non pas sur la pluie et le beau temps, mais sur la pluie et le pleuvoir. Vous ne manquerez pas de constater que nous n’avons finalement pas expliqué pourquoi la langue tchèque possédait deux substantifs différents. Mais la vérité, c’est que nous n’en connaissons pas vraiment ni l’origine, ni la cause. Cela reste l’un de ces mystères qui font le charme de la langue tchèque. En attendant de vous retrouver pour d’autres mystères dans quinze jours, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !