Majorité constitutionnelle de la gauche au Sénat tchèque

Le Parti social-démocrate ČSSD, photo: CTK

Une claque pour la droite, une victoire de la gauche : les résultats du 2e tour des élections sénatoriales partielles, organisées vendredi et samedi ont tout simplement confirmé ce que nous avions constaté il y a une semaine, à l’issue des élections régionales et du 1er tour des sénatoriales. Grand vainqueur des deux scrutins, le Parti social-démocrate ČSSD, principale force d’opposition, a remporté 13 sièges au Sénat et compte désormais 46 sénateurs. Avec le Parti communiste et le soutien d’un sénateur du Parti des droits des citoyens (SPOZ), la gauche totalise 49 sièges, un nombre record qui lui assure une majorité constitutionnelle dans la chambre haute du Parlement composée de 81 sièges.

Le Parti social-démocrate ČSSD,  photo: CTK
Une majorité qui permet donc d’amender ou de rejeter les textes gouvernementaux, d’influencer la nomination des juges constitutionnels, de modifier les lois électorales et même la Liste des droits fondamentaux. Une occasion pour les socialistes, dirigés par le jeune Bohuslav Sobotka, de mettre à mal encore davantage le gouvernement de droite qui ne dispose que difficilement des 101 voix à la Chambre des députés nécessaires à l’adoption de ses lois et réformes. Une occasion dont le Parti social-démocrate compte bien profiter, comme l’affirme Bohuslav Sobotka :

« Affaiblie à la Chambre des députés, la coalition gouvernementale a du mal à y trouver le soutien pour lever le veto du Sénat, comme c’était le cas pour la hausse des taux de TVA, pour les restitutions des biens confisquées aux Eglises ou encore pour une partie de la réforme des retraites. Nous voulons continuer dans cette voie, en rejetant les textes qui portent atteinte aux droits des citoyens et en modifiant les projets de loi gouvernementaux. »

Le Parti social-démocrate ČSSD,  photo: CTK
Si pour le chef des sociaux-démocrates, les élections régionales et sénatoriales, qui ont donc renouvelé un tiers de la chambre haute, ont constitué une sorte de référendum où les Tchèques ont donné, de façon symbolique, un carton rouge au gouvernement, le commentateur du quotidien Mladá fronta Dnes rétorque, en faisant allusion au taux de participation extrêmement faible de ce 2e tour du scrutin :

« Qui est-ce qui a émis ce message ? Les 18,6% d’électeurs qui ont désigné les nouveaux sénateurs ? Ou les 81,4% de Tchèques qui ne se sont pas déplacés aux urnes, peut-être pour manifester leur indifférence vis-à-vis de cette institution ? »

Pour la presse nationale, c’est surtout le perdant incontesté des deux scrutins, le Parti civique démocrate ODS, principale formation de la coalition gouvernementale, qui n’arrive pas à mobiliser son électorat. Un échec total de l’ODS qui a perdu dix sièges au Sénat depuis les dernières élections de 2010. Un échec qui pèse lourd pour le chef du gouvernement Petr Nečas qui aura la difficile tâche de défendre la présidence du parti, début novembre, lors du congrès de l’ODS. On écoute Pavel Blažek, vice-président du parti :

Pavel Blažek,  photo: CTK
« On s’attend à ce que le Premier ministre annonce, au congrès, un changement dans la politique du parti. Sinon, il se peut qu’il quitte le congrès en tant que vaincu. Une ambiance combative règne au sein du parti et le congrès va certainement la refléter. »

Renforcé par son succès aux élections régionales qui a suscité, la semaine dernière, un vif débat dans la société tchèque, le Parti communiste KSČM n’a finalement gagné qu’un seul siège au Sénat, alors que ses candidats briguaient douze mandats au second tour. Par exemple un duel très suivi et médiatisé a opposé, dans le 8e arrondissement de Prague, le vice-président du KSČM Jiří Dolejš à la sénatrice ODS Daniela Filipiová qui a finalement conservé son mandat en recueillant plus de 19 000 voix – un nombre record pour ces élections. Pour la première fois, un communiste aurait pu espérer une victoire à Prague, fief traditionnel des partis de droite.

Eva Syková,  photo: CTK
Un autre phénomène marquant de ces élections sénatoriales et qui témoigne, selon les médias, du désintérêt des Tchèques pour la politique des principaux partis, est la poussée des candidats indépendants. Parmi eux, l’activiste anti-corruption soutenu par le Parti pirate et nouveau sénateur pour Prague 2 Libor Michálek mais également l’ancienne juge constitutionnelle Eliška Wagnerová, le médecin Eva Syková, Leopold Sulovský, le premier alpiniste tchèque à avoir gravi l’Everest ou encore Tomio Okamura, homme d’affaires d’origine tchéco-japonaise qui sera, à 40 ans, le plus jeune sénateur du pays mais dont les ambitions vont encore plus loin, jusqu’à la présidence de la République.

Reste à savoir dans quel climat politique se dérouleront ces élections présidentielles de janvier 2013 : nous y verrons un peu plus clair après le vote du paquet de mesures fiscales, un vote crucial pour le gouvernement actuel prévu cette semaine à la Chambre des députés.