Manifestations pour une justice indépendante : acte IV
Quatrième semaine de mobilisation pour les citoyens tchèques inquiets pour l’indépendance de la justice dans leur pays et contre la présence, à la tête du gouvernement tchèque, d’un homme politique actuellement poursuivi par la justice. Mardi soir, la manifestation contre la ministre de la Justice Marie Benešová et le Premier ministre Andrej Babiš s’est déroulée place Venceslas et a rassemblé environ 50 000 personnes.
« Nous sommes ici pour la première fois : il y a déjà eu plusieurs manifestations auparavant. La situation dans la société a tellement empiré que nous avons senti qu’il fallait faire quelque chose. Nous habitons à 370 km de Prague, mais nous sommes venus quand même. »
Jitka Urubová a fait tout le trajet depuis l’est du pays pour manifester son mécontentement : une motivation sans faille pour dénoncer la personnalité même du Premier ministre Andrej Babiš :
« Ce n’est pas seulement le fait qu’il soit un ancien agent de la police secrète communiste (StB) qui nous gêne, mais son comportement : il utilise le pays comme une vache à lait. »Milliardaire qui a fait fortune dans l’agro-alimentaire avant de se lancer en politique, Andrej Babiš fait aujourd’hui l’objet de poursuites judiciaires, notamment pour une affaire de fraude aux subventions européennes. Les manifestants – et l’opposition – craignent que la nouvelle ministre de la Justice Marie Benešová n’entrave la procédure en cours visant le Premier ministre. Alors encore députée social-démocrate, elle avait voté en janvier 2018 contre la levée de l’immunité parlementaire du milliardaire tchèque. Elle est en outre une proche du président Zeman, allié d’Andrej Babiš.
Les trois dernières semaines, les manifestations appelant à la démission de Marie Benešová s’étaient déroulées place de la Vieille-Ville. Cette fois-ci, les organisateurs avaient choisi d’investir la place Venceslas, haut lieu de l’histoire tchèque dont le symbolisme n’a pas échappé à Jaroslav Bahník, venu de Sadská, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Prague. Lui-même a fait partie des Tchèques qui, il y a trente ans, ont manifesté sur cette même place pendant les journées de novembre 1989 qui ont mené à la révolution de Velours et à la chute du communisme :
« Je suis heureux de voir que la société civile se réveille. C’est ce que voulait Václav Havel et ça me fait chaud au cœur. »Malgré l’augmentation chaque semaine du nombre de manifestants, les 50 000 personnes rassemblées mardi soir au centre-ville de Prague n’ont pas trouvé grâce aux yeux des principaux journaux tchèques, dont deux appartiennent au Premier ministre : ce mercredi, hormis le quotidien économique Hospodářské noviny, aucune une ne titrait sur la manifestation de la place Venceslas.
Mardi soir, en tout cas, l’ambiance était à la fête et à l’espoir d’un changement, malgré la gravité du propos. Jiřina Šiklová, sociologue et ancienne dissidente :« Je suis heureuse que vous soyez si nombreux vous êtes la nouvelle génération, celle qui est capable de se rassembler et d’exprimer clairement ce qui est important pour elle. N’oubliez pas qu’à la fin de la semaine se déroulent les élections européennes. Rendez-vous aux urnes et faites passer le mot à vos voisins, à vos proches ! »
Des élections au Parlement européen où, en dépit des manifestations hebdomadaires, le parti d’Andrej Babiš, ANO, compte pourtant toujours parmi les favoris du scrutin.