Contre Babiš et pour l’indépendance de la justice : les manifestants toujours mobilisés

Lundi, des milliers de personnes ont rempli la place de la Vieille-Ville à Prague, photo: ČTK/Kateřina Šulová

Lundi, des milliers de personnes ont à nouveau rempli la place de la Vieille-Ville à Prague. Comme dans des dizaines d’autres villes de République tchèque, c’est le troisième lundi de mobilisation d’affilée pour de nombreux citoyens tchèques inquiets pour l’indépendance de la justice dans leur pays. Dans leur ligne de mire : la nouvelle ministre de la Justice, Marie Benešová, et le Premier ministre Andrej Babiš, menacé de poursuites judiciaires.

Lundi,  des milliers de personnes ont rempli la place de la Vieille-Ville à Prague,  photo: ČTK/Kateřina Šulová

« Nous savons tous pourquoi nous sommes là. La police a recommandé la mise en examen du Premier ministre. Ce dernier clame qu’il s’agit d’un complot et le lendemain, il remplace le ministre de la Justice ! »

Pour Mikuláš Minář, 25 ans, à la tête de l’initiative civique Des milliers de moments pour la démocratie, tout comme pour les milliers manifestants à Prague et ailleurs en Tchéquie, la cause est entendue : le Premier ministre actuel, Andrej Babiš s’efforce d’assurer ses arrières, et le changement de ministre de la Justice en serait la preuve.

Ancienne membre du parti social-démocrate, Marie Benešová a été nommée le 30 avril dernier à la tête du ministère de la Justice par le président Zeman dont elle a été la conseillère. Marie Benešová n’est pas novice en la matière : déjà ministre de la Justice entre 2013 et 2014, ancienne procureure générale, elle a succédé à Jan Kněžínek (ANO) qui avait annoncé sa démission surprise mi-avril, au lendemain de la recommandation de la police de mettre en examen Andrej Babiš (ANO).

Andrej Babiš,  photo: ČTK/Václav Šálek
Le chef du gouvernement tchèque est en effet poursuivi pour une fraude présumée aux subventions européennes, dans l’affaire dite du Nid de Cigognes. Cette affaire, qui empoisonne son mandat, fait également l’objet d’une enquête de la Commission européenne qui doit rendre son rapport définitif sous peu. Andrej Babiš, pour sa part, n’a eu de cesse de dénoncer une campagne politique, a fortiori à quelques semaines de l’échéance des élections européennes, au mépris de la chronologie toutefois, puisque l’initiative civique remonte au tournant de 2017/2018 :

« Nous réfutons ces absurdités concernant les menaces pesant sur la justice parce que ce n’est pas vrai. On s’efforce ici de créer une atmosphère avant le scrutin européen, une atmosphère qui vise essentiellement à me porter préjudice. »

Lundi, ce sont plus de 20 000 personnes qui se sont donc retrouvées pour le troisième lundi consécutif place de la Vieille-Ville, criant des slogans tels que « Démission » et « Honte ».

Lundi,  ce sont plus de 20 000 personnes qui se sont donc retrouvées pour le troisième lundi consécutif place de la Vieille-Ville,  photo: ČTK/Kateřina Šulová
Les manifestants – et l’opposition – craignent notamment que la nouvelle ministre de la Justice Marie Benešová puisse entraver la procédure en cours visant le Premier ministre. Alors encore députée social-démocrate, elle avait voté en janvier 2018 contre la levée de l’immunité parlementaire du milliardaire tchèque.

Outre les appels à la démission à son encontre, les protestataires demandent au gouvernement la garantie que le procureur général, Pavel Zeman ne soit pas remplacé. Dans des entretiens accordés à la presse tchèque, ce magistrat qui jouit d’une réputation de gardien de l’indépendance de la justice, a plusieurs fois répété que tant qu’il serait à son poste, aucune intervention politique dans l’affaire du Nid de Cigognes n’était vraisemblable.

En attendant, les organisateurs de la mobilisation citoyenne l’ont déjà annoncé : la prochaine manifestation se déplacera place Venceslas. Un lieu hautement symbolique dans l’histoire tchèque, théâtre notamment, il y a exactement trente ans, de la révolution de Velours qui mena à la chute du régime communiste.